Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Les entreprises françaises ne font pas confiance aux jeunes pour manager

Les difficultés des 20-30 ans sur le marché du travail créent aussi des tensions entre jeunes salariés et employeurs, révèle un sondage européen.

Par Antoine Reverchon

Publié le 22 octobre 2012 à 15h47, modifié le 26 octobre 2012 à 15h35

Temps de Lecture 4 min.

Moins d'un quart (23%) des jeunes Français en emploi, contre 45% des jeunes Britanniques ou 40% des jeunes Allemands, encadrent un collaborateur ou une équipe de collaborateurs, indique une étude du cabinet de conseil et de formation Cegos publiée au début du mois, et menée en mai 2012 auprès de 3 000 jeunes de tous niveaux de diplôme travaillant dans des entreprises ou des administrations de plus de cent salariés,  interrogés dans cinq pays (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni). A noter que Cegos propose une web-conférence le 23 octobre sur les résultats de l'enquête.

En moyenne, 35% des jeunes Européens se sont vus confier une fonction de "manager". C'est en France que cette proportion est la plus faible, l'Italie (35%) et l'Espagne (32%) se situant entre la France et les pays du nord dans ce domaine. En France, la part des jeunes managers est plus forte dans les services (27%) et le secteur public (24%) que dans l'industrie (13%). En revanche, l'inégalité hommes-femmes est patente dans tous les pays : 40% des jeunes hommes ont une fonction de management, contre 27% des jeunes femmes.

Autre point de convergence : la faible appétance pour la fonction de cadre. Seulement 15% des jeunes interrogés - et seulement 21% de ceux qui sont déjà cadres - souhaitent exercer des responsabilités managériales. Ce souhait est cependant plus important en France (21%), dans la mesure où la possibilité de l'exaucer est plus rare.

LA FAMILLE AVANT LE TRAVAIL

Il faut dire que l'attitude des jeunes Français vis-à-vis du monde l'entreprise diffère de celle de leurs homologues européens sur plusieurs points. Certes, les jeunes Européens placent tous la vie de famille (86%) avant le travail (59%) dans la hiérarchie de ce qui est "important". Mais l'écart est encore plus fort pour les jeunes Français (90% contre 51%, le travail étant même précédé par les "amis", 55%). A la question "travailler répond à quels besoins", 83% des Européens répondent "avoir un revenu", pour 93% des Français. Quand 54% des Allemands répondent "développer ses connaissances/ses compétences", les Français sont seulement 40% à évoquer ce motif. "Etre reconnu par son entourage" est également cité par 25% des Allemands, mais par 10% des Français. Quand 32% des Européens (et 47% des Italiens) déclarent vouloir "créer son entreprise à l'issue des études", ce n'est le cas que de 22% des jeunes Français. Cela dit, le rêve de la majorité des jeunes Européens reste, avant toute autre solution, "d'intégrer une grande structure" (59%). Les PME tant vantées dans les discours publiques n'attirent que 35% d'entre eux.

Un rêve plutôt éloigné de la réalité. La crise frappe fortement la jeunesse européenne: 39% des ces jeunes de 20 à 30 ans, tous en emploi, sont en contrat permanent (contrat à durée indéterminée ou fonctionnaire), 28% en CDD, 14% en intérim, 11% en alternance, 7% en stage. Les Espagnols sont les plus fréquemment en situation précaire (19% de CDI, 29% d'intérim, 27% de CDD), suivis des...Français (33% de CDI, 38% de CDD, 11% d'intérim, 10% d'alternance), avant les Allemands (35% en CDI, 28% en CDD, 22% en alternance), les Italiens (44% de CDI, 35% de CDD, 8% d'alternance) et les Britanniques (62% de CDI, 17% d'intérim, 12% de CDD) ! A dire vrai, la précarité des jeunes Britanniques n'a guère à envier à celle de leurs collègues des autres pays, l'appellation "CDI" recouvrant en réalité une forte précarité des emplois...permanents.

On comprend, dans ces conditions, que l'élément qui a le plus attiré ces jeunes dans l'emploi qu'ils occupent aujourd'hui est...sa "stabilité", citée en premier par les Français (42%), les Espagnols (43%), les Allemands (39%), les Italiens (37%). Seuls les Britanniques, assez logiquement, citent "les opportunités de carrière" (40%) avant la "stabilité" (37%), à laquelle ils ont définitivement renoncé. En 2009, dans une enquête similaire mais menée uniquement en France, les jeunes interrogés ne plaçaient la stabilité qu'au 8ème rang de l'attrait d'un emploi. La "rémunération" figurait au 1er rang (62%), elle n'apparaît plus aujourd'hui qu'au 2ème rang (39%) : le rapport de force sur le marché du travail s'est inversé.

MICRO-ABSENTÉISME

Mais c'est au prix d'une nette dégradation du climat social dans les entreprises même. Lorsqu'on interroge ces jeunes Européens sur leurs principales attentes vis-à-vis de leur manager, et la façon dont le manager y répond, l'écart entre les deux réponses est le plus fort en ce qui concerne le fait d'être "reconnu et considéré" (63% contre 40%), puis d'être "écouté et respecté" (63% contre 45%). Sur ce premier item, ce sont les jeunes Français qui ressentent l'écart le plus important (73% contre 43%). Invités à se prononcer sur les raisons qui les pousseraient à quitter leur entreprise, 41% des jeunes Européen citent d'ailleurs  "le niveau de stress élevé", 39% "la dégradation de l'ambiance de travail" (49% chez les jeunes Français), 38% "l'évolution insuffisante de la rémunération" (51% pour les Français).

Cegos a interrogé parallèlement 500 DRH d'entreprises des cinq pays, mettant en regard les politiques de ressources humaines jugées prioritaires par les jeunes, et les politiques effectivement mises en oeuvre. Si la première demande des jeunes Européens, "l'adaptation du temps de travail", semble bien prise en compte par les DRH européens, il n'en est pas de même, en ce qui concerne les DRH français, pour les deux priorités suivantes: "un environnement de travail propice à l'innovation" (demandé à 36% et pratiqué à 23%) ; le "partage des connaissances entre générations" (35% contre 31%). Il est vrai que les principales difficultés rencontrées par les DRH européens lorsqu'il s'agit de gérer leurs jeunes salariés sont d'abord "la priorité qu'ils donnent à la vie personnelle" (36%), "le micro-absentéisme" (34%) et "le faible engagement vis-à-vis de l'entreprise" (29%). Il est vrai qu'avec près de 60% de ces jeunes en contrat précaire, l'engagement devient une denrée rare...

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.