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Des cotons éthiques et réutilisables made in France : une idée tissée par une lyonnaise

Ne plus cautionner l’industrie du textile telle qu’elle existe ; pas plus que le marché du coton démaquillant et des jetables, trop polluant. Géraldine Monchalin s’est lancée dans la création de ses propres disques en tissu coton « made in France », vendus en ligne via sa société Clarange. Alors, monter une affaire qui corresponde en tous points à ses valeurs, est-ce satisfaisant ? 

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Des cotons éthiques et réutilisables made in France : une idée tissée par une lyonnaise

Géraldine Monchalin au travail. Crédit : GC/Rue89Lyon.

Dès qu’on franchi le seuil dans son appartement lyonnais, on ne peut pas la manquer : la machine à coudre de Géraldine Monchalin trône en bonne place dans l’entrée du salon, au milieu de chutes de tissus colorés.

Depuis deux ans et demi, la jeune femme de 38 ans crée et vend des disques en coton, lavables et réutilisables, ainsi que des contenants et des filets de lavage. En petite taille, les disques en tissu servent à se démaquiller tandis qu’en grande taille, ils servent à la propreté des bébés.

La différence avec les produits existants ? Bien que non biologiques en raison de la teinture utilisée, les produits vendus sous la marque Clarange ne contiennent aucun produit toxiques pour la peau ou l’environnement.

Géraldine aime à présenter une entreprise « éthique et responsable » : la production est française, elle y tient. Le coton utilisé est même local puisqu’il provient de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Géraldine vend ses produits sur son site internet, mais aussi dans différents salons de la région comme « Les journées filles » en Savoie et Haute-Savoie. Sa marque est aussi présente dans plusieurs boutiques « nature » et, prochainement, sur Amazon après de nombreuses démarches auprès du site internet.

Le choc du Rana Plaza

Géraldine Monchalin a étudié le stylisme et le modélisme. À Lyon ou à Paris, elle a dessiné des vêtements et a créé ensuite leurs patrons pour de grandes entreprises du textile. Celles-là même qui sont souvent décriées pour être les reines de la délocalisation et de l’exploitation de la main d’oeuvre ouvrière dans les pays en voie de développement.

« Indirectement, je cautionnais », estime la jeune chef d’entreprise.

Puis, en 2013, le Rana Plaza s’effondre au Bengladesh. Le bâtiment servait de lieu de production pour des chaînes de vêtements comme Mango ou Primark. Plus de 1100 ouvriers trouvent la mort. Les entreprises du textile qui y avaient leur main d’œuvre sont directement mises en cause, notamment pour l’insalubrité du bâtiment.

« Je me suis rendu compte que cela ne correspondait ni à mes valeurs ni à mes principes. J’ai décidé de sortir de ce monde-là », affirme Géraldine avec une sincérité vibrante.

Elle démissionne. S’ensuit une période de chômage. Elle en profite pour se tourner  vers une consommation personnelle et quotidienne bio ; et choisit d’aller au marché plutôt qu’au supermarché.

« J’ai commencé à faire attention à consommer davantage français et responsable. J’ai donc recherché de nouveaux produits.»

Elle se rend compte que sa consommation de disques démaquillants jetables est polluante. Une offre 100 % biologique existe mais selon la jeune femme, elle n’est « ni féminine, ni confortable ». L’idée commence à germer : elle se voit bien utiliser des cotons « jolis, simples et confortables ».

« L’important c’est de se mettre à la place du consommateur », insiste Géraldine.

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Les cotons réutilisables de Clarange. Crédit : GC/Rue89Lyon.

Un lancement pas à pas, « sans trop de risques »

Dans un premier temps, elle a besoin de tester son idée. Pour cela, elle entre en coopérative d’activités. Le principe est simple : si une personne arrive avec un projet, la coopérative lui prête ses statuts juridiques moyennant 10% du chiffre d’affaire.

« Cela m’a permis de ne pas prendre trop de risques, pour un départ. Me lancer juste comme ça me faisait peur, j’avais besoin de savoir où je mettais les pieds », indique-t-elle.

Elle est restée un an et demi au sein de la coopérative d’activités. Géraldine a pu avancer dans sa création d’entreprise et se sent de plus en plus à l’aise, jusqu’à déposer ses propres statuts en mars 2015.

Géraldine a besoin à ce stade de 47 000 euros. Elle est aidée par  trois banques qui acceptent de lui prêter des fonds.

« Elles y croyaient peut-être même plus que moi, reconnaît Géraldine dans un éclat de rire. Je crois que j’ai un peu trop sous-estimé mon idée et mon activité. Je suis surprise à chaque fois. »

La majorité de son investissement provient d’ailleurs d’un emprunt. Elle fait rapidement les comptes :

  • 30 000 euros empruntés aux banques
  • 7 000 euros de la Banque publique d’investissement
  • 10 000 euros de fonds personnels

« On a souvent la tête dans le guidon. Je recherche toujours les critiques, notamment à la CCI, elles sont parfois dures mais c’est positif, cela me fait avancer », assure la chef d’entreprise.

Deux ans et demi après avoir lancé la vente de ses disques en tissu, Géraldine n’a toujours pas pu se verser de salaire. D’ici la fin de l’année, elle espère pouvoir commencer à se rembourser.

« Être soutenue à la maison, c’est essentiel »

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Géraldine Monchalin. Crédit : GC/Rue89Lyon.

Le point qui lui pose le plus de difficultés aujourd’hui est le contrôle de la production. Géraldine travaille avec deux entreprises en sous-traitance. À l’arrivée de chaque commande, elle vérifie plusieurs centaines d’articles afin de contrôler la conformité des produits à la sortie de l’atelier.

« Je suis quelqu’un de très exigeant car j’ai été formée comme ça. Aujourd’hui je veux cette qualité pour mes produits. Après, c’est parfois compliqué, il faut sans cesse être derrière », regrette-t-elle.

Autre difficulté pour la jeune femme : une vie personnelle mise entre parenthèses. Sans véritablement s’en plaindre, Géraldine nous indique tout de même qu’elle travaille environ 60 heures par semaine.

« La création d’entreprise prend le pas sur tout. Il faut s’investir entièrement et être soutenue à la maison, c’est essentiel. »

Son époux la soutient financièrement depuis sa démission. Et il l’aide aussi dans différentes missions pour l’entreprise. À elle-seule, elle assure six postes : elle est à la fois styliste, modéliste, acheteuse, rédactrice, elle s’occupe du prototypage et de l’administratif.

« Il faut être très polyvalent et apprendre vite », dit-elle avec l’assurance de celle qui franchi les étapes.

« C’est plus compliqué pour une femme, on nous prend moins au sérieux »

La chef d’entreprise souhaite aujourd’hui s’associer. Elle y a réfléchi longuement.

 « Je suis en train de m’associer avec un ami d’enfance car au bout d’un moment on ne peut plus tout faire toute seule ».

Gregory Pessel, 39 ans, va donc la rejoindre prochainement. Il est commercial de formation et va s’occuper du développement de l’entreprise.  Cela devrait permettre à Géraldine de se concentrer sur la production ainsi que les nouveaux produits à développer pour 2017, c’est ce qu’elle attend de cette alliance.

« L’avantage est surtout de s’épauler et de se conseiller. Prendre toutes les décisions seule, c’est aussi en assumer les conséquences seule », argumente-t-elle.

Le fait que ce soit un homme qui la rejoigne n’est pas non plus anodin. La fondatrice de Clarange l’assure :

« Cela va me permettre de mieux me faire entendre : c’est du temps mais aussi de l’énergie. C’est plus compliqué pour une femme, on nous prend moins au sérieux. Les hommes n’ont pas constamment besoin de prouver qu’ils sont bons. »

Elle s’étonne toujours des chiffres officiels qui soutiennent qu’il y a 30 % de femmes qui créent leur entreprise. Elle ne voit que des hommes autour d’elle, hormis les couturières. Elle imagine aussi que pour une femme avec des enfants (elle-même n’en a pas encore), il est encore plus difficile de créer son propre business.

Le monde industriel est particulièrement discriminatoire selon elle.

« Je ne pensais que ça serait comme ça. Moi, j’ai réussi à m’imposer avec mon caractère mais il faut sans cesse prouver qu’on sait y faire. »

Avec une production qui est passée de 2 000 disques à l’époque de la coopérative à 10 000 unités en une année, Géraldine Monchalin est portée par le sentiment de filer du bon coton.

 

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