Fatiha Gas : une battante au coeur du numérique

DIASPORA. Directrice de l'ESIEA Paris, une école d'ingénieurs de référence, cette native d'Alger promeut la présence des femmes dans le numérique.

Par Carine Saint-médar

Fatiha Gas avec des élèves de l'école d'ingénieurs Esiea Paris qu'elle dirige.
Fatiha Gas avec des élèves de l'école d'ingénieurs Esiea Paris qu'elle dirige. © FG

Temps de lecture : 4 min

Fatiha Gas est une battante comme on en rencontre rarement. Membre de la commission femmes du Syntec numérique, cette native d'Alger a eu un parcours qui vaut le détour. Après des études d'ingénieur en électronique, Fatiha Gas quitte, bourse en poche, son pays d'origine pour la France, où elle poursuit un DEA en électronique appliquée à l'imagerie à l'université de Valenciennes, avant de faire un doctorat à l'université Paris-Sud Orsay. Malgré son bagage, elle a du mal à se poser.

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Des obstacles inattendus malgré son talent

« Après mon doctorat, j'ai mis plusieurs années à trouver un poste fixe. J'ai fini au bout de quatre ans par me faire recruter par une école d'ingénieur du numérique. » Parallèlement, elle prépare un master d'administration des entreprises à l'IAE de Paris-Sorbonne et un certificat d'administratrice indépendante à l'Essec. Et voilà qu'en 2013 elle est propulsée directrice de l'Esiea Paris, poste qu'elle occupe actuellement. Bardée de diplômes, Fatiha Gas a su se frayer un chemin, mais elle a eu le temps de prendre conscience des obstacles qui pouvaient se dresser. « Après mon doctorat, lorsque je cherchais du travail, j'ai tout entendu : Vous nous plaisez plus que votre concurrent masculin, mais nous préférons jouer la sécurité (encore un sous-entendu au congé maternité). On vous embaucherait bien, car vous avez les compétences que nous recherchons (programmation de haut niveau en langage C), mais nous devons tenir compte de nos clients. J'avais été éduquée dans l'idée que seuls le travail de qualité et les compétences comptaient. Et je découvrais que ce n'était pas vrai et qu'il y avait d'autres facteurs dont il fallait tenir compte. »

Fatiha Gas lors d'une conférence data à Paris.  ©  FG


« Démystifier les stéréotypes»

Énergique, pragmatique, déterminée, la directrice de l'ESIEA s'investit depuis bec et ongles pour faire une place aux femmes dans le numérique. Pour lutter contre « la désinformation », « l'autocensure » et « démystifier les stéréotypes » dont sont victimes aussi les jeunes femmes issues des milieux défavorisés, elle tape du poing sur la table et assure que les formations du secteur sont tout à fait accessibles aux femmes aussi compétentes que leurs collègues masculins. Les filles constituent, en effet, au moins 50 % des effectifs de la filière S au baccalauréat et obtiennent des résultats aussi bons que les garçons dans les matières scientifiques et techniques. Aujourd'hui, elles représentent 28 % en fonctions support, mais elles ne sont que 15 % dans les métiers techniques.

« Notre travail est d'expliquer les métiers pour montrer tout leur intérêt, tout leur potentiel », dit-elle. Ce qu'elle s'applique à faire efficacement au travers d'actions qu'elle mène auprès des jeunes filles, via des ateliers d'information aux métiers du numérique, des « Entretiens d'excellence » se déroulant dans des lieux symboles de réussite un peu partout dans les grandes villes de France. Intrépide, elle étend ses interventions dans les milieux politiques et économiques et auprès des leaders d'opinion en tant que membre active des associations destinées aux femmes du numérique et à la mixité. À sa manière, elle aussi participe à la transformation numérique.

« Sur le plan économique, c'est une aberration de se priver des femmes »

En 2015, 29 % des postes d'ingénieur n'étaient pas pourvus, selon source Pasc@line. Elle le sait, les métiers et les études du numérique jouissent encore d'une image très négative auprès des jeunes filles, cela représente un frein non négligeable au développement économique des entreprises. Et pourtant, les femmes représentent de véritables atouts, car ce sont des consommatrices qui ont des idées bien précises de ce qu'elles souhaitent, « de vraies pépites bourrées d'idées pour de nouveaux produits ou de nouveaux services ».

Pour Fatiha Gas, "il faut apprendre à se faire confiance".  ©  FG


Dans le management, elles se distinguent dans leur façon de communiquer, de manager les équipes ou les projets. Ces derniers ont beaucoup plus de chances d'aboutir dans les temps et avec moins de conflits, car les femmes sont « plus orientées résultat », explique-t-elle lors des Journées nationales des diasporas africaines (JNDA) fin avril 2016 à Bordeaux. « Dans un monde de plus en plus digitalisé, où les objets connectés ont pris possession de nos maisons, où 60 % des achats se font aujourd'hui en ligne, les entreprises peuvent-elles encore passer à côté de ces compétences synonymes de moteur de croissance ? » s'insurge-t-elle. « C'est dans la diversité que l'on s'enrichit. Des entreprises qui veillent à l'équilibre de cette diversité parmi leurs salariés avanceront plus vite que les autres. 

Un conseil : se faire confiance

Modèle de réussite, symbole de pouvoir au féminin, Fatiha Gas, sourire aux lèvres, se veut rassurante : « Si je devais parler aux femmes du secteur du numérique, je leur dirais : Ne vous arrêtez pas aux premières idées qui vous viennent à l'esprit. Ne vous contentez pas des « On m'a dit que… », « Je croyais que… ». Renseignez-vous pour découvrir le secteur. Et si je devais leur parler de leur carrière et de leur attitude en entreprise, je leur dirais de ne pas s'autocensurer, d'oser demander, de ne jamais attendre de tout savoir pour accepter un poste dont elles ne maîtrisent pas tous les contours, de travailler sur leur confiance. » Et de conclure : « Je leur dirais vous aussi vous le valez bien. » De cette phrase empruntée à un célèbre slogan d'un géant cosmétique, elle a décidé de faire son credo. De quoi faire tomber bien des barrières.