Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

L'œuvre du vidéaste Bill Viola en quatre extraits

Rien n'est figé, tout évolue dans les œuvres sensorielles du vidéaste américain, à qui le Grand Palais consacre une rétrospective.

Par 

Publié le 07 mars 2014 à 10h02, modifié le 07 mars 2014 à 10h16

Temps de Lecture 4 min.

« Une rétrospective vue de l'intérieur. » C'est ainsi que décrit Bill Viola lui-même l'exposition que lui consacre le Grand Palais jusq'au 21 juillet, la première en France, et la première également consacrée à l'art vidéo dans les Galeries nationales. Au total, vingt pièces du vidéaste américain ponctuent un parcours élaboré sur mesure pour l'espace d'exposition, tirant parti des contraintes architecturales du bâtiment pour une immersion optimale des spectateurs.

Lire la critique de l'exposition (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés Bill Viola, des mirages en images

Voici un aperçu de ce voyage introspectif à travers quatre extraits parmi ces œuvres monumentales représentatives des différents dispositifs de l'artiste et des thématiques qu'il explore depuis la fin des années 1970 :

  • Sculpter le temps
Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir

Le temps est la matière première pour Bill Viola. Il est suspendu, ralenti, déplié, tourne en boucles, se décompose ou se superpose. Ces jeux sensoriels sur la perception du temps plongent le spectateur dans une expérience du déroulement parfois proche de la pratique de la méditation : on se fixe sur un moment présent pour accéder, par strates, à une perception plus profonde. C'est dans la durée que les œuvres déploient leurs mystères.

Dans Walking the Edge (2012), c'est le temps à l'échelle de la vie qui est abordé. On y voit deux hommes (un père et un fils, nous dit le catalogue) dont les trajectoires s'inscrivent dans la durée (environ 12 minutes). Ils surgissent à chaque extrémité du champs de l'image et avancent dans le désert, dans une chaleur qui trouble légèrement l'image. Ils marchent vers le spectateur jusqu'à se croiser et se séparer à nouveau.

  • Plongées dans les éléments

L'eau, le feu, les bruits de la nature, le paysage : chez Viola, les éléments et les environnements sensoriels participent à l'immersion dans les images. La plongée des corps dans l'eau, et dans leur propre reflet, récurrente dans ses œuvres, symbolise d'ailleurs cette immersion à laquelle les spectateurs sont conviés.

Dans Fire Woman (2005), une silhouette de femme se détache d'un immense mur de flammes en arrière-plan. Elle avance jusqu'à plonger soudainement dans une eau dont on ne soupçonnait pas la présence. Le regard du spectateur se retrouve alors face aux seules formes ondoyantes et abstraites du feu, puis à leur reflet dans l'eau, aux qualités picturales indéniables. Le regard évolue, déplace son attention, glisse comme souvent d'une esquisse narrative aux formes pures. Selon le catalogue, Fire Woman est une image qui apparaît dans « l'œil intérieur d'un homme sur le point de mourir ». Le regard devient un exercice spirituel.

Plusieurs de ses tableaux en mouvement s'inscrivent plus clairement encore dans des traditions picturales, par leurs jeux de lumière et d'éclairage et leurs dispositifs scéniques, comme dans The Voyage (une des cinq vidéos de l'installation monumentale et spectaculaire Going Forth by Day, 2002), les cinq tableaux de Catherine's Room (2001) ou encore le portrait de groupe The Quintet of the Astonished (2000).

  • L'âme, les figures spectrales

Les figures flottantes, qui s'élèvent dans les airs, s'y figent ou disparaissent au fond des eaux peuplent les visions de l'artiste. Mystiques, mythiques ou fantomatiques, ces apparitions ou disparitions peuvent aussi n'être que des sons, comme dans l'installation Présence, dans l'escalier entre les deux étages de l'exposition, où l'on entend des voix de tous âges chuchoter des secrets, des respirations ou les pulsations d'un cœur.

Tristan's Ascension (The Sound of a Mountain Under a Waterfall, 2005) décrit l'ascension de l'âme dans l'espace après la mort, « au moment où elle se réveille et se trouve emportée par une chute d'eau », qui s'écoule ici de façon inversée. L'eau, qui commence comme une pluie avant de transformer en cascade, vient ainsi éveiller un homme inerte. Son corps se soulève peu à peu, jusqu'à disparaître, puis le débit s'estompe, seules quelques gouttes ruissellent sur la dalle vide. Le dispositif est tout en verticalité tant au niveau de l'image que de la diffusion des sons.

L'immortalité et l'éternité sont par ailleurs abordées dans deux œuvres saisissantes : Man Searching for Immortality / Woman Searching for Eternity (2013), où l'on voit un homme et une femme âgés, debouts et nus face aux spectateurs, explorer chacun leur corps avec leurs main et en éclairant leur propre peau avec une lampe de poche, et Nine attempts to Achive Immortality (1996), une performance réalisée par Bill Viola lui-même, qui tente neuf longues apnées (en 18 minutes) face à la caméra.

  • Métamorphoses et transfigurations

Dans Three Women, trois femmes de trois âges différents passent d'un espace en noir et blanc saturé, comme une mauvaise retransmission d'images dans un écran, en arrière-plan, à un premier plan net et en couleurs. Entre les deux : un rideau d'eau. Cette œuvre fait partie de la série Transfigurations. « Physiquement, une transfiguration est un changement complet de forme, un remodelage des apparences, une métamorphose », a écrit l'artiste à propos de cette série. « La métamorphose la plus profonde et la plus radicale est totalement intériorisée, invisible, sauf qu'elle modifie la substance même de la personne, qui finit par rayonner et transformer tout ce qui l'entoure », poursuit-il.

Le temps qui passe, la vie et la mort, la présence et l'absence, le visible, l'invisible : rien n'est figé, tout évolue dans les œuvres de Viola, devant des spectateurs amenés à se laisser happer par des images et des dispositifs qui questionnent les fondamentaux humains : qui suis-je, où suis-je, ou vais-je ?

Lire l'entretien avec Bill Viola : Article réservé à nos abonnés « Parfois, une vision me tire par la manche »
L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.