Accouchement : «L'épisiotomie ne sert à rien»

Des gynécos et des mamans s'insurgent contre cet acte trop courant en France. 44 % des femmes la subissent lors d'une première naissance. Pour Benoît de Sarcus, chef de service de la maternité de Nanterre, «l'épisiotomie ne sert à rien».

    Leur cri de colère, trace douloureuse d'un accouchement volé, ne cesse de s'exprimer sur les blogs et les réseaux sociaux. Si les féministes se mobilisent depuis quinze ans pour décrier le recours systématique à l'épisiotomie, les Françaises prennent de plus en plus la parole sur le Net, défouloir anonyme.

    Cette incision de quelques centimètres, pratiquée par les obstétriciens et les sages-femmes au niveau de la paroi vaginale et des muscles du périnée, est censée faciliter l'accouchement et prévenir les déchirures.

    Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) estime qu'il faut baisser le taux d'épisiotomies pratiquées en dessous de 30 %, l'Organisation mondiale de la santé, elle, table sur moins de 20 %. « Les recommandations sont très suivies, soutient Philippe Deruelle, secrétaire général du CNGOF. Aujourd'hui, on dit à nos étudiants de ne plus en faire. » Mais les chiffres sont là : d'après l'Inserm, cet acte est encore pratiqué dans 44 % des premières naissances en France. « Ce n'est pas acceptable », concède le secrétaire général.

    La question est simple : quand est-ce qu'une épisiotomie est nécessaire ? « Ça reste très subjectif. Si la tête du bébé est très grosse ou qu'il y a des risques cardiaques pour l'enfant », reprend Philippe Deruelle, pour qui l'Etat devrait mettre en place une base de données pour obliger les maternités à publier leur taux. « On est un des seuls pays européens à ne pas le faire. » Pourtant, quelques hôpitaux comme Nanterre (Hauts-de-Seine), qui a réduit son taux à 2,5 %, ont opéré ce virage depuis des années. Le centre hospitalier de Besançon (Doubs) frôle même les 1 %.

    Benoît de Sarcus, chef de service de la maternité de Nanterre, se bat pour que cette pratique soit de moins en moins exercée.

    Pourquoi le taux d'épisiotomie reste-t-il élevé en France ?

    Benoît de Sarcus. On est sans doute un pays très conservateur. Des générations de praticiens ont appris que cette intervention prévenait les déchirures. On n'a jamais dit aux jeunes médecins de changer ces habitudes.

    Pourtant, les femmes se plaignent aujourd'hui de plus en plus de cette pratique douloureuse...

    On ne les écoute pas assez. L'obstétricien se dit qu'elles devraient déjà être contentes que leur enfant naisse en bonne santé. On fonctionne aussi trop sur la peur, ce qui provoque une hyper-médicalisation. Sans épisiotomie, l'accouchement est cinq à dix minutes plus long. Si le bébé n'arrive pas assez vite, les médecins se disent qu'il ne va pas bien, alors ils coupent. C'est la facilité. Et puis, ce n'est pas un sujet majeur, à tort, qui fait débat sur les estrades universitaires.

    A quoi sert l'épisiotomie, alors ?

    Je pense tout simplement que ça ne sert à rien. Il y a quinze ans, des études ont commencé à montrer qu'il n'y avait pas moins de déchirures chez les femmes qui avaient subi cette intervention. J'ai alors essayé de réduire les épisiotomies, et il n'y avait pas plus de complications à l'accouchement. Et surtout, c'est plus confortable pour les femmes, elles s'en remettent mieux. J'ai demandé à mon service de faire le même effort. Aujourd'hui, des hôpitaux vont dans ce sens. Les mentalités sont heureusement en train d'évoluer. Les pays nordiques, eux, l'ont compris depuis bien longtemps.

    A LIRE AUSSI. De nombreuses femmes s'en plaignent

    Le droit des patients à être informés