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Cinq idées reçues sur le célibat

Le statut de célibataire continue de faire désordre. À l’occasion de la Sainte-Catherine, la psychanalyste Sophie Cadalen tord le cou aux préjugés.

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Publié le 24 novembre 2016 à 17h05, modifié le 25 novembre 2019 à 16h22

Temps de Lecture 5 min.

À la Sainte-Catherine, fêtée le 25 novembre, la coutume, aujourd’hui désuète, voulait que les femmes célibataires de plus de 25 ans, ou catherinettes, implorent, en France comme au Québec, la sainte patronne de les aider à se marier. Les solistes s’en remettent désormais à d’autres saints : leur bonne étoile, leur bon vouloir, ou encore les sites de rencontres en ligne. Le nombre de célibataires a plus que doublé en France en quarante-cinq ans. 40 % de la population était célibataire en 2015, selon l’Insee. Et parmi ces solos, célibataires forcés ou par choix, des personnes divorcées, séparées, veuves et des familles monoparentales.

En France, 5,2 millions de femmes vivent seules, pour 3,6 millions d’hommes.

« Le célibat, c’est bien si on y est bien. Cela l’est moins si on s’y ennuie », considère Sophie Cadalen, psychanalyste et co-auteure notamment de Tout pour plaire et toujours célibataire (Albin Michel, 2009) et de Vivre ses désirs, vite ! (Philippe Rey, 2016), qui se propose de faire la peau à cinq idées reçues sur le sujet.

1. Je ne suis pas dans la norme

Le célibataire sort du lot, lorsqu’il ne fait pas désordre : on le lorgne, on le soupèse… Il en deviendrait presque suspect. « Quoi qu’on en dise, le couple reste l’horizon obligé de toute existence. Et une norme extrêmement ancrée », avance Sophie Cadalen. Difficile de résister à la pression sociale exercée par la famille, les amis et même les collègues.

« On est encore formaté : on considère qu’il y a nécessairement une cellule familiale à constituer alors que ce n’est plus le cas ! »

Certains vont se conformer à ce qu’on attend d’eux et se mettre en quête, coûte que coûte, d’une vie de couple, une « finalité » dictée notamment par la pressante horloge biologique : « Chez les femmes, plus que chez les hommes, est présente l’idée sous-jacente qu’il y a un enfant à faire… », explique la psychanalyste. D’autres résistent et ne cherchent – ou ne tiennent – pas à se « caser ». Ont-ils loupé le coche pour autant ? « Bien sûr que non, estime Sophie Cadalen. On est encore formaté : on considère qu’il y a nécessairement une cellule familiale à constituer alors que ce n’est plus le cas aujourd’hui ! »

Avec le couple, on recherche la stabilité à tout prix. « Mais la vie, c’est du mouvement, de l’instabilité souvent, ce sont des choses qui nous conviennent un moment et qui ne nous siéent plus le temps d’après, estime Sophie Cadalen. Le couple est certes une aventure formidable s’il est vivant, mobile et dynamique. » Mais il n’est pas un « état » préférable à celui du célibat. Et il ne dit rien d’ailleurs des bonheurs qu’on tirera de l’une ou l’autre situation. »

2. Je ne suis pas fait(e) pour vivre en couple

Suis-je hermétique ou dans l’incapacité de partager mon existence avec un autre, faute de prédispositions ? Pour la psychanalyste, on associe rarement le célibat à une envie délibérée de ne pas vivre en couple, ne serait-ce qu’un temps, « mais on le lie trop souvent à des aptitudes, en quelque sorte constitutives, qu’une personne aurait ou pas ».

Aussi préfère-t-on dire que c’est du ressort de la névrose, de l’égoïsme, de l’incapacité à vivre avec l’autre plutôt que de considérer qu’on a simplement le choix. « Les célibataires jugés comme menaçants pour les couples sont ceux qui vivent bien leur célibat, qui n’en font ni un handicap, ni une pathologie ou une faiblesse, observe la psychanalyste. Cela montre que l’on peut aussi s’épanouir seul(e). »

3. Je suis égoïste et bien trop difficile

Le célibat choisi demeure une atypie. Tout loup (ou louve) solitaire est d’emblée considéré(e) comme égoïste, inapte à concéder de la place à l’autre et bien trop exigeant(e). Or on peut aussi choisir le célibat parce qu’on ne tient pas à l’archétype du couple ou que l’on n’est pas prêt à « recevoir » l’autre dans sa vie.

« La meilleure façon de garder intact le fantasme du couple est effectivement… de ne pas être en couple. »

« Il est des célibataires égoïstes, qui ne pensent effectivement qu’à eux, concède Sophie Cadalen, mais cela existe aussi au sein même du couple. Le fait de vivre seul ne fait pas nécessairement de vous un égocentrique, comme celui de vivre en couple ne fait pas non plus de vous un individu à l’écoute et en osmose avec l’autre. »

« On donne un conseil terrible aux célibataires : sois moins difficile ! », s’insurge-t-elle. Ce qui sous-tend qu’il va falloir faire avec ce qu’il y a. Et à être moins regardant. « On sait bien qu’il est plus réjouissant et valorisant de s’assumer seul(e) et de vivre avec soi-même que de s’installer dans un tel compromis… et avec cet autre qui ne nous plaît pas tant que ça ! »

4. Je suis mal dans ma peau

Le célibat peut être, au même titre que le couple, subi ou choisi. « Les célibataires qui me consultent, explique la psychanalyste, sont surtout dans un questionnement : est-ce que ce célibat m’est douloureux ou est-ce qu’il l’est parce que les autres me regardent avec apitoiement ? Autre question : est-ce une situation qui me convient bien parce que j’ai peur du couple ? Ou encore parce que je n’ai pas rencontré quelqu’un qui me donne envie, parce que ma vie est bien ainsi et que je n’ai pas forcément envie de la déranger – car c’est du dérangement de rencontrer l’autre ! »

Et si l’essentiel était d’apprendre à se sentir bien dans sa situation présente ? « Il n’y a pas une seule bonne façon de se vivre soi, mais il faut être en capacité de se dire : là, c’est ce qui me convient, j’assume pleinement mon célibat, c’est ce que je veux, et de le faire savoir. C’est déjà être responsable de sa vie. »

5. Je vais finir seul(e)

Et la solitude dans tout cela ? « Certains célibataires ont une vie sociale très riche, et certains couples sont très seuls, au sens d’incapacité à rejoindre l’autre, de non-communication et de non-échange, considère la psychanalyse. On reproche à la société d’être trop individualiste, or c’est pourtant l’individu qu’il faut valoriser ! On est plus apte à l’écoute, à la collaboration et à la coopération si on est dans un premier temps apte à soi-même. »

Un dernier conseil pour ceux qui rêvent d’en finir avec le célibat ? « La meilleure façon de garder intact le fantasme du couple est effectivement de ne pas être en couple, préconise Sophie Cadalen. On peut s’enferrer dans le célibat, mais c’est pourtant en sortant de cet horizon d’idéal du couple que l’on se met dans les meilleures dispositions pour rencontrer quelqu’un. Et c’est là que tout peut arriver. »

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