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A l’école de l’amour

Les Français restent à l’affût de conseils sur leur vie amoureuse qu’ils vont puiser dans les cours du soir, la littérature de développement personnel ou sur Internet.

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Publié le 13 février 2015 à 13h26, modifié le 19 août 2019 à 13h27

Temps de Lecture 4 min.

L’amour dure-t-il trois ans ? Sept ans ? Toute une vie ? A vous de découvrir comment le faire durer. » A cette invitation de la School of Life Paris, créée en avril 2014, franchise de son aînée londonienne fondée en 2008 par le philosophe Alain de Botton, vingt-sept personnes ont répondu présent, ce jeudi soir, avant-veille de la Saint-Valentin. Dans l’assistance, une majorité de femmes, de célibataires, peu de divorcés, venus majoritairement seuls ou entre amis, plus rarement des couples, la trentaine en moyenne. Tous ont franchi le pas pour « explorer ce qui se passe lorsque la lune de miel prend fin ». Ce cours du soir atypique cherche à approfondir le rapport à l’amour et promet implicitement de donner quelques ficelles pour qu’il rime avec « toujours ».

En fil rouge, tout au long de la soirée, une question complexe et banale qui semble devoir éternellement préoccuper les amoureux : nos rêves de bonheur peuvent-ils cohabiter sur le long terme avec la réalité de la vie en couple ? Elle capte, ce soir-là, toute l’attention des participants, la plupart égarés, écorchés ou en rémission. La charismatique animatrice, Patricia Louisor-Brosset, au parcours hétéroclite, anime cet échange pendant plus de deux heures, dispense des pistes utiles tout en invitant chacun à confronter et à partager ses intimes convictions, expériences et pensées avec de bienveillants inconnus d’un soir. « Les quatre cours du soir hebdomadaires ne désemplissent pas, explique Fanny Auger, directrice de The School of Life Paris et dont la mission est de « développer l’intelligence émotionnelle de ses élèves volontaires par une approche holistique. On y aborde les grandes questions de la vie, et ce que l’école traditionnelle n’apprend pas forcément, comme améliorer la confiance en soi, réaliser son potentiel, accroître sa créativité ou nourrir ses amitiés ».

Près de 4 000 adultes ont assisté aux cours parisiens depuis l’ouverture de « l’Ecole de la vie ». Parmi eux, Cécile n’a manqué aucune session : « Je suis curieuse par nature, justifie l’inconditionnelle. Ces cours en lien avec ma vie et mes préoccupations m’apportent plusieurs réponses, et ne constituent qu’une introduction qu’il m’est donné d’approfondir à ma guise à travers des ressources littéraires, artistiques ou sociologiques. C’est une parenthèse agréable pendant laquelle on se donne le temps de réfléchir sur soi. » Partager son expérience avec d’autres, « c’est courageux », juge la quadragénaire qui reconnaît relativiser davantage en situation de groupe. Et puis, « ce n’est pas la même démarche que celle d’aller consulter un psychanalyste, c’est une méthode complémentaire. Il ne faut pas s’enfermer dans une seule vision ».

Donner des prises sur le monde

« L’expérience partagée peut atténuer le sentiment d’étrangeté face à ses propres émotions », confirme Stéphanie Hahusseau. La psychiatre-psychothérapeute, spécialiste des émotions, estime préférable, dans un pays qu’elle juge « en difficulté par rapport aux émotions, qui oscille entre diarrhée et constipation émotionnelle », de se tourner vers du conseil qui en appelle à la reconnaissance des émotions et à leur acceptation. Lire des ouvrages de développement personnel,ou « aller dans un lieu – The School of Life Paris ou Internet – où l’on n’est pas connu, est souvent plus facile que d’en parler à ses proches ». Parce que « les amis, finalement, on sait ce qu’ils vont répondre… », souligne Cécile pour qui « The School of Life Paris est plus objective et universelle ». Réseaux sociaux, forums de discussion, sites de coaching et de rencontre, applis et SMS, sont donc devenus le théâtre du conseil amoureux. « On manque peut-être d’oreilles dans un contexte social qui valorise l’action efficace et autonome et fait peu de place aux attitudes de plaintes », constate le docteur en sociologie Nicolas Marquis.

« Il y a une méconnaissance autour du fonctionnement de base du sentiment, et l’individu cherche des renseignements pour augmenter le sentiment de contrôle, ce qui est légitime en soi », soutient Stéphanie Hahusseau. Les ouvrages et le discours de développement personnel agissent comme « un activateur de possibles qui donne des prises sur le monde », la rejoint Nicolas Marquis. Mais on n’entre pas dans le développement personnel par hasard, considère ce dernier pour qui on ne peut toutefois pas appliquer à la vie humaine des « techniques » qui résoudraient tout : « Cette démarche est liée à un accident dans la vie de l’individu, et pour lequel il s’est retrouvé suffisamment démuni pour s’ouvrir à des ressources qu’il n’aurait jamais considérées dans d’autres circonstances ».

Ces « mises au diapason » ont une prédilection très féminine. Ouvrages et démarches en développement personnel s’adressent davantage aux femmes à qui « incombe la responsabilité de veiller à la salubrité émotionnelle de la vie du couple », explique M. Marquis. Cécile reconnaît qu’elle a croisé peu d’hommes dans les cours de The School of Life Paris mais ce qu’elle retient... c’est d’y avoir côtoyé « des gens qui vont de l’avant ».

The School of Life Paris, 28, rue Pétrelle, 75009 Paris. Cours collectif pour adulte. 39 € les trois heures.

Un homme, un vrai. Dissiper les malentendus émotionnels homme-femme, de Stéphanie Hahusseau (Odile Jacob).

Du bien-être au marché du malaise. La société du développement personnel, de Nicolas Marquis (PUF, 2014).

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