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Plus on utilise les réseaux sociaux, plus on se sent seul

Une étude tente de répondre à la question : « Se sent-on seul parce qu’on passe trop de temps en ligne, ou passons-nous trop de temps en ligne justement parce qu’on se sent seul ? »

Publié le 09 mars 2017 à 19h10, modifié le 10 mars 2017 à 09h32 Temps de Lecture 4 min.

Seul parce que sur les réseaux sociaux, ou sur les réseaux sociaux parce que seul ?

Des chercheurs de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) se sont intéressés à la relation qui pourrait exister entre le temps passé ou perdu sur les réseaux sociaux et le sentiment d’isolement de ceux qui les utilisent. Les résultats de leur étude, réalisée en 2014, viennent d’être publiés dans l’American journal of preventive medicine.

La méthodologie :

Un échantillon de 1 787 Américains âgés d’entre 19 et 32 ans ont été questionnés sur la fréquence d’utilisation et le temps passé, en dehors du « temps de bureau », sur onze réseaux sociaux : Facebook, YouTube, Twitter, Google Plus, Instagram, Snapchat, Reddit, Tumblr, Pinterest, Vine (RIP), LinkedIn.

Ils ont répondu à un questionnaire pour déterminer leur « isolement social perçu », dont l’échelle évalue « la perception d’être évité, exclu, détaché, déconnecté ou inconnu des autres ». Le but n’était pas de définir l’isolement « objectif » du sujet, mais pour le sujet de leur dire le degré d’isolement dans lequel il a l’impression de vivre. « La perception d’être isolé socialement et seul – et pas seulement le manque objectif de connexions sociales – est particulièrement liée à des maladies physiques et mentales », rappellent en introduction les chercheurs.

Les conclusions :

Les données récoltées ont permis aux chercheurs de dire qu’il existe un lien important entre « l’isolement social perçu » et une forte utilisation des réseaux sociaux, « même après avoir pris en compte des facteurs démographiques et sociaux qui auraient pu influencer les résultats » :

  • comparées aux personnes qui utilisent les réseaux sociaux pendant moins d’une demi-heure par jour, celles qui le font pendant plus de 121 minutes ont deux fois plus de chances de ressentir un isolement social perçu plus élevé ;
  • comparées à celles qui ont visité des réseaux sociaux moins de neuf fois par semaine, celles qui les ont visités plus de 58 fois ont trois fois plus de chance de ressentir un isolement social perçu plus élevé.

« Nous sommes des créatures fondamentalement sociales, mais la vie moderne a tendance à nous compartimenter plutôt que de nous rapprocher. On peut avoir l’impression que les réseaux sociaux nous permettent de remplir ce vide social, mais je pense que cette étude suggère que ce n’est peut-être pas la solution que les gens espéraient », dit le professeur Brian Primack, qui a dirigé l’étude.

Les chercheurs émettent plusieurs hypothèses, plus ou moins crédibles, pour tenter d’expliquer ce lien. A trop traîner en ligne, on se sentirait plus seul parce que :

  • « Plus on passe du temps sur Internet, moins on a de temps pour des interactions dans la vie réelle » ;
  • « Certaines caractéristiques de la vie en ligne facilitent le sentiment d’exclusion. Par exemple, quand un individu découvre des photos d’un événement auquel il n’a pas été invité » ;
  • « Etre exposé à une représentation idéalisée de la vie d’autrui peut susciter la jalousie et vous faire ressentir que votre vie est décevante et morne en comparaison. »

Un lien, mais pas de lien de causalité

Ceux d’entre nous qui perdent leur temps sur les réseaux, et sont extrêmement conscients de le perdre, se reconnaîtront dans (certains) des mots et (certaines) des conclusions du professeur Primack. Cette impression de passer beaucoup plus de temps que nécessaire à faire F5 sur Facebook, à tourner en rond sur Pinterest, à voir son flux Twitter défiler sur l’écran, pour être sûr de ne rien rater.

Si vous êtes arrivés à ce stade de l’article, c’est que le sujet vous intéresse, plus que le seul partage de son titre sur les réseaux sociaux (bravo !). Si les chercheurs notent que les personnes qui ont passé le plus de temps sur les réseaux sociaux sont aussi celles qui se considèrent comme les plus isolées, ils ne disent pas que les réseaux sociaux sont la raison de cet isolement. Aucun lien de causalité ne peut être scientifiquement prouvé.

« Nous ne savons pas ce qui est apparu d’abord : l’utilisation des réseaux sociaux ou l’isolement social perçu », résume la professeure Elizabeth Miller, coauteure de l’étude.

La question à laquelle les chercheurs ne peuvent pas répondre est : se sent-on seul parce qu’on passe trop de temps en ligne, ou passons-nous trop de temps en ligne justement parce qu’on se sent seul ? « Cela pourrait être une combinaison des deux, tente Elizabeth Miller. Mais même s’il y avait un isolement social au départ, il n’a pas été soulagé par plus de temps passé en ligne. »

L’étude fait attention à ne pas tomber dans la conclusion binaire facile de dire que tout est de la faute des réseaux sociaux. En partant d’un constat médical reconnu (la hausse de l’isolement des jeunes aux Etats-Unis), elle tente de comprendre sa relation avec un aspect de la vie quotidienne qui ne va pas disparaître (90 % des « jeunes adultes » américains étaient sur les réseaux en 2014, selon le Pew Research Center) et a le mérite d’ouvrir des futures pistes de recherches en ne considérant pas ce qu’apporte la technologie uniquement sous un aspect négatif ou pessimiste.

Cette approche du « verre à moitié plein » apporte notamment cette conclusion :

  1. d’accord, la forte utilisation des réseaux sociaux est liée à un isolement perçu fort ;
  2. mais elle « pourrait aussi offrir des opportunités de socialisation qui ne sont pas optimisées » ;
  3. des individus disent que leur temps passé en ligne comporte des interactions avec d’autres individus, mais que celles-ci ne « se traduisent pas en de “vraies” interactions sociales » ;
  4. « Par conséquent, un des leviers d’intervention potentiels pour les pouvoir publics serait d’essayer d’aider à transformer ces interactions en ligne en des relations plus importantes et concrètes. »
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