Latifa Ibn Ziaten. «Réveillez-vous!»

Par Thierry Charpentier

Matinée d'exception, ce mardi, au sein du Likès, à Quimper. 280 élèves de 1res professionnelle et technologique ont écouté Latifa Ibn Ziaten, mère d'Imad, première victime du terroriste Mohamed Merah, les exhorter à la paix et à la tolérance. En ces temps où les messages mortifères de Daesh sur les réseaux sociaux le disputent aux discours de Marine Le Pen, son message a été reçu cinq sur cinq.

« Chers élèves » ! Latifa Ibn Ziaten commence chacune de ses prises de parole par ses deux mots. Elle y associe un doux sourire. En un instant elle apparaît à son auditoire telle qu'elle est : une femme d'une humanité sans pareille, dotée d'une volonté de fer. Depuis cinq ans, à raison de trois établissements scolaires par semaine, de deux maisons d'arrêt et d'autant de centres sociaux visités chaque mois, elle parcourt la France pour faire entendre sa voix. « C'est le combat que j'ai choisi, jusqu'au bout de ma vie », élude-t-elle. Une façon, sans doute, de garder la douleur à distance, et de faire en sorte que son fils ne soit pas mort pour rien.

« Je ne m'arrêterai pas »


C'était le 11 mars 2012, à Toulouse. Imad Ibn Ziaten était la première victime du terroriste djihadiste Mohammed Merah. Il abattra six autres personnes, dont trois enfants de l'école juive Ozar Hatorah. Latifa Ibn Ziaten raconte tout cela. « Le tueur au scooter », comme il fut surnommé, était équipé d'une caméra Go Pro et filmait chacun de ses meurtres. C'est ainsi que Latifa Ibn Ziaten a pu savoir que son fils a refusé de se mettre à genoux devant Merah, qui lui a tiré une balle dans la tête. Elle raconte sa souffrance pendant quarante jours, avant qu'elle ne se rende sur les lieux de l'assassinat, à la recherche d'un indice que son fils lui aurait laissé avant de mourir. « J'ai cherché, cherché », souffle-t-elle. Elle n'a trouvé que des traces de sang. Elle s'est saisie de poignées de terre pour frotter le sol, « et j'ai crié. Je me suis dit : Mon fils s'est arrêté là mais moi, je ne m'arrêterai pas ». Dans l'auditorium du Likès, le courant passe dès la première seconde. Les élèves écoutent, respectueux. Certains ont l'émotion à fleur de peau. Cette rencontre, organisée par l'association des parents d'élèves, survient en effet trois jours après le décès d'un de leurs camarades, qui a chuté au travers du toit d'une friche industrielle, à Rosporden. On devine que la parole de Latifa Ibn Ziaten libère les émotions.

« De la colère, oui. De la haine, jamais »


Elle leur narre sa visite dans le quartier de Mohamed Merah, « pour savoir qui il est ». Elle aborde un jeune qui lui lâche : « C'était un martyr de l'Islam, il avait la France à genoux ! ». Elle le regarde : « Comment pouvez-vous dire ça ? C'est juste un assassin ! ». Elle se retrouve encerclée, ne se démonte pas, leur parle de son fils et les retourne : « Qu'a fait Merah ? Il a fait la terreur. Il a sali l'Islam ». Ils s'excuseront, raconteront leur quotidien entravé dans une cité ghetto, sans grand espoir de monter dans l'ascenseur social. « Vous êtes courageuse, ne vous arrêtez pas ! », lui font-ils promettre. Alors Latifa Ibn Ziaten a fondé son association, « Imad pour la jeunesse et la paix » et s'est lancée sur les routes, « pour le vivre ensemble. Ce n'est pas l'apparence, pas l'origine, pas la confession qui comptent, mais la personne en face de vous », martèle cette marocaine, musulmane pratiquante arrivée en France à 17 ans, à Caen, sans connaître un mot de français. « Mais ma famille m'avait appris à aller vers l'autre, alors je sortais ! ». Au bout de six mois, elle commençait à ébaucher notre langue. Puis elle a appris à lire, à écrire. « J'avais cette volonté, ce besoin d'apprendre ». Puis elle a trouvé du travail, employée municipale dans une école. Toujours, elle a eu un rêve : « Avoir cinq enfants. J'ai quatre garçons et une fille. On a tout fait, moi et mon mari : les cadrer, les aimer, les accompagner ! ».

Elle raconte Imad, son fils adoré. Une lycéenne se lève pour lui demander si elle a ressenti de la haine. « Non, jamais de la haine. De la colère, oui. Mohammed Merah a grandi vite. Sa mère l'a mis en foyer pour faire sa vie. Alors j'ai pardonné à Mohammed Merah. Ce n'était pas un homme normal, mais un monstre qui n'a plus de coeur parce qu'il n'avait pas eu d'amour. Je n'ai jamais souhaité sa mort. Si j'avais de la haine, je ne serais pas ici. La haine contre la haine, ça n'apporte rien. C'est comme ça que je continue le combat ».

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