En région parisienne, l’été sera chaud pour le millier de personnes qui donnent déjà les premiers coups de pelleteuses au Grand Paris Express, ce projet de métros automatiques autour de la capitale. Pas question de chômer.

Le 15 août, l’effervescence devrait même être à son comble du côté de la nouvelle gare Fort d’Issy-Vanves-Clamart, sur le tracé de la prochaine ligne 15 sud. C’est ce jour-là que le toit de la structure, une dalle de béton de 60 m de long et 40 m de large pour un poids de 7 000 tonnes, environ celui de la structure de la tour Eiffel, sera « glissé » par des vérins hydrauliques en dessous des lignes de train existantes.

Un chantier titanesque presque parmi d’autres. En septembre, une quarantaine d’opérations auront démarré. Les premiers tunneliers vont eux aussi entrer en action. Au pic des travaux, vers 2020-2021, 250 chantiers seront en cours et 24 tunneliers fonctionneront alors en même temps. Du jamais-vu. Au point que les géants du BTP, Vinci, Bouygues et Eiffage ont créé une société commune pour commander dès à présent les engins, afin de ne pas être pris au dépourvu.

Soixante-huit nouvelles gares

Le Grand Paris Express, initié en 2007 par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, cumule beaucoup de superlatifs. C’est le plus grand projet d’infrastructures en Europe et le quatrième au monde, derrière trois ouvrages chinois. « Pour un ingénieur, c’est le genre de chantiers que l’on ne rencontre qu’une fois dans sa vie », résume Xavier Huillard, le PDG de Vinci.

Quelques chiffres suffisent à en mesurer l’ampleur. Au total, 205 kilomètres de tunnels doivent être construits d’ici à 2030, avec quatre lignes de métro supplémentaires, deux extensions et 72 gares desservies, dont 68 nouvelles. Cela revient quasiment à doubler la taille du métro parisien, qui compte 220 kilomètres de lignes, dont dix seulement ont été mis en service depuis 2000. Ces métros vont créer une grande rocade souterraine reliant entre eux les grands pôles économiques de la région. Ils permettront aussi de se déplacer d’une banlieue à une autre sans avoir à transiter par Paris. Difficile de ne pas y voir une révolution pour les 8,5 millions de Franciliens, usagers quotidiens des transports.

« Après la transformation de Paris par le baron Haussmann au XIXe siècle et la création des villes nouvelles de Paul Delouvrier un siècle plus tard, la région parisienne va vivre sa troisième révolution », explique Philippe Yvin, le président de la Société du Grand Paris (SGP), l’établissement public mis en place par l’État pour piloter les travaux.

Transports, immobilier… et JO 2024

Ces futurs métros seront « un outil anti-apartheid social », lâche-t-il. Il s’agit « d’opérer enfin le rééquilibrage tant attendu entre l’est et l’ouest de la région », « d’effacer la frontière du périphérique » et de construire une seule métropole « de l’île de la Cité aux contours de l’A86 ».

Le Grand Paris Express participerait également à la lutte contre le changement climatique, car « en densifiant le tissu urbain de la petite couronne, on protégera les champs agricoles de la grande couronne », juge Philippe Yvin.

Au total, le coût du projet est estimé à 28,3 milliards d’euros. La Société du Grand Paris (SGP) va emprunter de l’argent sur les marchés, pour une durée de quarante ans. Elle remboursera ensuite ces prêts grâce aux recettes fiscales qui lui ont été spécialement affectées, notamment une fraction des taxes sur les bureaux franciliens.

Mais l’économie du projet va bien au-delà des seuls investissements dans les transports. La chambre de commerce de Paris-Île-de France évalue l’ensemble des retombées à une centaine de milliards d’euros, si l’on tient compte notamment des dizaines de milliers de logements qui vont être construits aux dernières normes environnementales.

« Ces nouvelles infrastructures vont améliorer considérablement le parc immobilier et lui donner un énorme coup de jeune. L’attribution des Jeux olympiques à Paris en 2024 serait la cerise sur le gâteau », estime Jean-Roch Varon, associé au cabinet EY. Les responsables de la SGP considèrent que cette offre massive de logements contribuera à faire baisser les prix au mètre carré, ou en tout cas à ralentir la hausse. Mais la plupart des professionnels en doutent.

En attendant que ces projets sortent de terre, les grands groupes du BTP se sont mis en ordre de marche. Vinci, Bouygues et Eiffage ont déjà remporté chacun un appel d’offres, pour des travaux compris entre 700 et 900 millions d’euros. Les grosses PME de la construction, comme Leon Grosse, le bordelais Fayat, NGE ou Demathieu Bard sont aussi sur les rangs.

Ouverture d’une « académie du Grand Paris »

« Cela va relancer l’activité du secteur en Île-de-France qui a souffert ces dernières années des réductions budgétaires des collectivités locales », souligne Robert Bello, coordonnateur du dossier Grand Paris chez Vinci. Entre 2008 et 2016, le nombre d’emplois du BTP dans la région est ainsi passé de 280 000 à 245 000. Le projet de Grand Paris devrait permettre la création de 20 000 emplois, selon les calculs de la profession.

« La priorité sera donnée à l’emploi local et si besoin on fera appel à la province », explique-t-on à la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Le recours aux travailleurs détachés de l’Union européenne serait l’exception et ne concernerait que des tâches bien spécifiques. En septembre, « une académie du Grand Paris » ouvrira ses portes à Vitry-sur-Seine et à Aulnay-sous-Bois pour former des jeunes dans les 23 métiers en tension qui ont été recensés, comme canalisateurs, poseurs de voies ferrées, conducteurs ou mécaniciens d’engins.

« Ce chantier du siècle doit être le plus exemplaire possible », assure Philippe Yvin le patron de la SGP, qui a multiplié les innovations en ce domaine, en particulier dans la concertation et l’information des habitants. Des outils spécifiques ont ainsi été créés pour suivre au plus près l’état d’avancement des travaux.

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La région parisienne, un tiers du PIB français

L’Île-de-France compte 11,8 millions d’habitants, soit 19 % de la population française, sur 2,8 % du territoire.

À elle seule, cette région assure environ 31 % de la richesse nationale, soit 700 milliards d’euros, et près de 4 % du PIB de l’Union européenne, devant le Grand Londres et la Lombardie.

Elle se présente comme le premier pôle de recherche et développement en Europe et le 3e au monde, avec 40 % des chercheurs français.

L’Île-de-France compte 23 % des universités françaises, 25 % des écoles d’ingénieurs (hors universités) et 22 % des écoles de commerce.

Elle est le premier bassin d’emploi en Europe et regroupe 35 % des cadres français. 82 % des actifs franciliens travaillent dans le secteur tertiaire, dans l’administration, la banque, le tourisme, les aides à la personne ou le commerce.

Source : région Île-de-France