Sud Rail propose la «grève de la gratuité», indolore pour les usagers

Accusé de pratiques «irresponsables» après le conflit de la gare Saint-Lazare, le syndicat demande, en partenariat avec la Fédération des usagers des transports et des services public, la légalisation des grèves de la gratuité.
par CEDRIC MATHIOT
publié le 22 janvier 2009 à 16h43
(mis à jour le 22 janvier 2009 à 17h35)

Lors de ses voeux aux forces économiques, le 15 janvier,  Nicolas Sarkozy avait violemment attaqué Sud Rail, qualifié de syndicat «irresponsable», coupable d'avoir "fermé la gare Saint Lazare, la deuxième gare de France". Le syndicat n'a pas tardé à riposter. Dans un communiqué, le syndicat  se pose en promoteur de la "grève de la gratuité", qui aurait l'avantage d'être indolore pour l'usager.

Cette pratique, connue sous le nom "grève de la pince" dans le jargon cheminot, consiste, écrit le communiqué, à "faire circuler normalement les trains, sans faire payer les voyageurs et sans contrôler les billets. Cette grève de la gratuité est bien sûr généralisable, notamment aux autres modes de transport de voyageurs (métros, bus, trams)".

"Evidemment, concède Sud Rail, sa mise en oeuvre ne peut-être systématique, dans la mesure où pour être possible, elle implique la participation des agents commerciaux des gares et des trains". Néanmoins, le syndicat suggère que "cette pratique pourrait constituer une alternative aux grèves dites classiques dans de nombreuses situations, et permettre ainsi la circulation des trains".

Habilement, le syndicat, qui traîne une réputation de jusqu'au boutisme, et qui est accusé depuis une semaine d'avoir pourri la vie des usagers de Saint-Lazare pendant un mois, co-signe le communiqué avec une (petite) association de défense des usagers, la Fédération des usagers des transports et des services publics, la FUTSP.

Une alliance qui n'est pas que de circonstance, affirme à Libération Jean-Claude Delarue, secrétaire général de la FUTSP : "Je suis allé l'année dernière au congrès de Sud Rail, où nous avons discuté des modalités de grève permettant de moins léser les usagers, mais aussi du manque de moyens qui pénalise le trafic en temps normal. Jusqu'à présent, Sud est le seul syndicat qui ait accepté de discuter avec nous. Nous défendons d'ailleurs ensemble le principe de la grève de la gratuité depuis plusieurs mois".

En novembre 2007, peu avant la grève de 10 jours contre la réforme des régimes spéciaux de retraite, Sud-Rail et la FUT-SP avaient déjà mené cette campagne.

Les deux signataires demandent à nouveau au gouvernement "de faire voter une loi en ce sens" et à la SNCF et aux autres entreprises de transport de "ne pas prendre de sanctions contre leurs employés qui décideraient de faire grève sans pénaliser les usagers".

Interrogé par Libération, un porte-parole de la SNCF met en avant un risque d'assurance pour les usagers: "C'est le billet, le contrat de transport qui vaut assurance". "Je ne pense pas que ce soit une affaire très sérieuse, ajoute-t-il. D'abord, la FUTSP ne représente rien du tout. Par ailleurs, il est difficile de comprendre comment ce type de grève peut-être mis en place dans les conflits de conducteurs qui sont les plus pénalisants, comme récemment à Saint-Lazare: s'il s'agit de demander à un contrôleur de refuser de faire son travail par solidarité avec un conducteur gréviste, il me semble normal qu'il sera sanctionné. Par ailleurs, dans le cas du TER ou du Transilien (le transports régional en Ile de France), il faut savoir que ce n'est pas la SNCF qui serait lésée par ce type de conflits, mais la région, autorité organisatrice des transports. La SNCF ne perçoit qu'une rémunération marginale en fonction de la fréquentation, pour le reste, l'entreprise est payée au train-kilomètre : qu'il y ait 10 titres de transports payés ou 10.000 cela ne change pas grand chose".

Histoire de faire monter la mayonnaise, Sud-Rail et la FUTSP assurent que lors de l'émission "Revu et corrigé", diffusée le 16 janvier, et à laquelle participaient Christian Mahieux, secrétaire fédéral de Sud-Rail, et Jean-Claude Delarue, porte-parole de la FUTSP, "les deux représentants du PS et de l'UMP, Benoît Hamon et Eric Raoult, ont exprimé leur intérêt pour la grève de la gratuité".

Un visionnage de l'émission (ici) montre en effet les deux hommes politiques formuler un avis plutôt positif, même s'ils semblent visiblement pris au dépourvu et peu au fait de la question.

 

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