Paris, nouvelle capitale des palaces

  LE PARISIEN MAGAZINE. Depuis 2010, dix hôtels de luxe parisiens ont décroché l’appellation très convoitée de « palace ». Trois autres pourraient bientôt les rejoindre. Etat des lieux... de prestige.

    Lumière bleue, DJ branché, décoration tendance... Depuis 2014, le bar du Plaza Athénée, palace de la très chic avenue Montaigne, a troqué ses habits guindés pour attirer les Parisiens à la page. Quelques rues plus loin, le Royal Monceau, réaménagé en 2010 par le designer Philippe Starck, fait la part belle à l'art en accueillant une galerie, une librairie spécialisée et un cinéma. L'hôtel a aussi recruté une « art concierge » chargée de proposer aux clients des programmes culturels sur mesure – pour certains d'entre eux, elle va jusqu'à privatiser le Louvre le temps d'une visite. Le George-V, lui, a aménagé en 2012 une suite avec solarium, double terrasse et vue à 360 degrés, et abrite trois restaurants, tous étoilés au Guide Michelin. En dix ans, les palaces parisiens ont fait peau neuve, modernisant leurs équipements, agrandissant leurs chambres, se dotant, un à un, d'un spa et de tables gastronomiques.

    Ils ont retrouvé leur éclat

    En 2010, Atout France, l'agence de développement touristique du ministère des Affaires étrangères, a créé un label pour distinguer les palaces des cinq étoiles. Dix hôtels parisiens occupent désormais ce créneau. Ils devraient être rejoints en 2017 par le Crillon (dont nous avons visité le chantier peu avant la réouverture) et le Lutetia, actuellement en travaux, puis en 2018 par le Cheval Blanc. Mais les adresses les plus chics de la capitale n'ont pas attendu les pouvoirs publics pour exister. Elles s'inscrivent dans une longue tradition. « Le palace a repris les codes de l'aristocratie française en termes de service et de raffnement, avant de s'exporter dans le monde entier », observe Laurent Delporte, expert de l'hôtellerie de luxe. Obsession du détail, service sur mesure (avec au moins trois employés par chambre), restaurants renommés... Les hôtels de luxe parisiens savent y faire. Pourtant, un brin vieillissants, ils avaient fni par perdre un peu de leur superbe. Mais à la fn des années 2000, des investisseurs sont venus bousculer le jeu. Trois établissements, Shangri-La, Mandarin Oriental et The Peninsula Paris, ont ouvert entre 2010 et 2014. « Certes, le Bristol, le Ritz (qui n'a pas encore postulé au label, NDLR) et les autres étaient là. Mais Paris suscite un tel engouement qu'il y avait de la place pour de nouveaux acteurs », estime Isabelle Bouvier, directrice du marketing au Peninsula. Ces arrivées ont donné un coup de fouet au secteur. Un à un, les établissements historiques ont engagé des travaux de rénovation pharaoniques. Des investissements qui exigent des reins solides (chaque chambre coûte de 3 à 5 millions d'euros) : Shrangi-La appartient à un milliardaire de Hong Kong, Royal Monceau et The Peninsula, au fonds souverain du Qatar. « Ces palaces sont très onéreux à créer et à exploiter. Pour qu'ils soient rentables, il faut attendre plusieurs générations », estime Gwenola Donet, directrice France de JLL Hotels & Hospitality, conseil en investissement immobilier. Mais l'immobilier parisien reste une valeur sûre pour les investisseurs étrangers, favorisés par une politique fiscale accommodante.

    Une clientèle à rassurer

    En 2018, l'offre de palaces parisiens devrait atteindre 1 800 chambres, contre 1 100 en 2008. Cette hausse a pénalisé les hôtels, qui ont dû au même moment gérer les conséquences des attentats de 2015 et 2016. Alors que le taux d'occupation tournait autour de 75 % en 2014, il est tombé à 50 % en 2016. « La clientèle des palaces est composée à 90 % d'étrangers, venant principalement des Etats-Unis et du Moyen-Orient, et voyageant surtout pour leurs loisirs », précise Gwenola Donet. « Nos clients sont là pour faire du shopping et assister à de grands événements : défilés de mode, biennale d'art... » confirme François Delahaye, le directeur du Plaza Athénée. Ils n'ont aucune obligation d'aller à Paris. Après les attentats, beaucoup se sont tournés vers Londres ou Genève. Avec Atout France, les établissements de luxe travaillent à redorer le blason de la capitale. Insistant sur les mesures de sécurité mises en place par l'Etat, et sur la qualité de leurs prestations. Avec succès – au premier trimestre 2017, le revenu par chambre a augmenté de 12 %. « Les Japonais et les Américains commencent à revenir », souligne Christophe Laure, président de la section prestige de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie.

    Fini les uniformes !

    Chaque palace s'est aussi démené pour offrir du rêve et de la nouveauté à ses clients, car c'est bien cela que recherchent ces richissimes touristes. « Et le sentiment de vivre comme des Français », ajoute Aaron Kaupp, directeur du Royal Monceau. Déflés, cocktails... Les palaces ont multiplié les événements pour attirer les Parisiens. Dans cette course à la notoriété, José Silva, le directeur du George-V, cherche à rester « tendance », à l'écoute des évolutions de la société, n'hésitant pas à chambouler les habitudes : « La plupart de nos employés ont abandonné l'uniforme et les hommes peuvent porter la barbe. La Rolls-Royce a aussi été délaissée au profit d'un système de chauffeurs privés façon Uber, et j'ai créé un restaurant étoilé servant des plats à partager. »

    Paris, qui retrouve ses atours de capitale mondiale des palaces, en abrite-telle trop ? « Non, mais il y en a assez, estime Gwenola Donet. Il faudra au moins cinq ans pour que le surplus d'offre soit absorbé. » A terme, avec un marché du luxe en croissance de 4 % par an et l'augmentation du nombre de millionnaires, les établissements pourraient renouer avec un taux d'occupation de 67 %. « Ces chambres continueront à se remplir grâce aux Américains et aux clients du Moyen- Orient, et attireront notamment une nouvelle clientèle chinoise qui n'a pas encore pris l'habitude de séjourner dans des hôtels de luxe. » De quoi assurer de beaux jours aux palaces parisiens.