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Santé

Cytotec : un antiulcéreux utilisé pour accoucher est retiré du marché

Le Cytotec, médicament contre l'ulcère de l'estomac couramment utilisé pour déclencher des accouchements malgré les risques encourus par la mère et l'enfant, sera retiré du marché par le laboratoire Pfizer en mars 2018

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Cytotec utilisé hors AMM

Le Cytotec, antiulcéreux commercialisé par Pfizer et utilisé hors AMM dans le déclenchement d'accouchements, sera retiré du marché en mars 2018.

GARO / Phanie

Le Cytotec est un médicament contre l'ulcère de l'estomac détourné pour déclencher des accouchements à terme au risque de la santé de la mère et de l'enfant. Commercialisé par le laboratoire Pfizer, il sera retiré du marché français à partir de mars 2018, a annoncé l'Agence du médicament (ANSM). Voici un nouveau cas de mésusage d’un médicament qui fait suite à de nombreuses alertes des autorités de santé et d’associations, face à des hôpitaux et médecins cherchant à réduire des coûts et estimant le risque mesuré.

Un risque de surdosage

Le Cytotec se prend normalement par voie orale et contient du misoprostol, la même molécule que celle des médicaments Gymiso et Misoone, qui sont indiqués dans les IVG. Le misoprostol, en plus de son effet anti-ulcéreux, a en effet la capacité de provoquer des contractions de l'utérus et un relâchement de son col, entrainant son utilisation dans les IVG et le déclenchement d'accouchements. Utilisé hors AMM, le Cytotec est ainsi administré par voie vaginale pour déclencher l'accouchement à terme d'un enfant viable malgré les risques graves que cela comporte pour la santé de la mère et de l'enfant. C'est un "scandale", estime Aurélie Joux, fondatrice de l'association Timéo, du prénom de son enfant handicapé "né sous Cytotec", surdosé, en novembre 2010 et qui a milité pour son interdiction avec le soutien du Lien, une association de défense des patients et des usagers de la santé.

"Le risque est d'entraîner des contractions trop fortes, et une mauvaise oxygénation du foetus", selon le Dr Thierry Harvey, gynéco-obstétricien. Cet usage détourné comporte en effet des risques de surdosage car il suppose d'utiliser un huitième du comprimé qui est dosé à 200 microgrammes, ce qui vu sa taille (moins d'un centimètre) est pour le moins hasardeux, relève l’obstétricien remonté contre cette pratique dangereuse motivée par des considérations financières.

Une utilisation peu coûteuse

Car les autres médicaments à base de prostaglandines prévus pour le déclenchement artificiel du travail, en gel ou en tampon, coûtent beaucoup plus cher que le Cytotec (30 centimes le comprimé). "Pour faire des économies les hôpitaux préfèrent utiliser le Cytotec qui ne coûte quasiment rien. C'est juste scandaleux" s'insurge Aurélie Joux. "Mon fils est resté entre la vie et la mort plusieurs jours, j'ai eu l'utérus complètement déchiré, je ne pourrais plus avoir d'autre enfant. Ce n'est pas possible de faire vivre cela à des femmes pour des raisons budgétaires", témoigne-t-elle.

Evoquant son utilisation pour les fausses couches spontanées, le Dr Harvey souligne tout de même que "Le misoprostol est un super produit qui rend de réels services".  Selon Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) interrogé par France Info, les autres options médicamenteuses "provoquent les mêmes effets indésirables que le Cytotec", c’est-à-dire "hausse du rythme cardiaque fœtal, d'hémorragie pour la mère et de rupture utérine", bien que "dans des proportions différentes". De plus, soutient-il, selon les études le Cytotec fait gagner des heures précieuses aux mères, puisqu’il agit "en 15 à 20 heures" contre "environ 24 heures avec les autres". "Il nous faut un générique, il nous faut du misoprostol, pas cher comme pour le Cytotec mais à différents dosages (25, 50, 200...)", conclut le Dr Harvey.

Des alertes de l’ANSM, un procès… Les risques étaient connus depuis 2013

L'agence du médicament avait déjà mis en garde, en 2013, contre les risques graves pour la mère et l'enfant (rupture utérine, hémorragie...) de cet usage. "Il faut modifier la loi pour pouvoir interdire des pratiques identifiées comme dangereuses", ajoute Alain-Michel Ceretti, fondateur du Lien, selon qui "l'affaire du Cytotec révèle la faiblesse de l'autorité de l'Etat en matière de sécurité sanitaire, un problème au centre des Etats généraux".

Aurélie Joux a depuis gagné un procès fin 2016 devant le tribunal administratif de Versailles, en 1ère instance, contre l'hôpital de Poissy pour le préjudice subi par son fils lourdement handicapé avec "sanction exécutoire" immédiatement. Sham l'assureur de l'établissement a fait appel, précise son avocat Serge Beynet.

Selon un rapport des Assises du médicament de 2011, 15 % à 20 % des prescriptions se feraient hors AMM tous domaines confondus. Loin d’être cantonnées à l’hôpital, elles concerneraient l’ensemble du parcours de soins. En 2006 aux Etats-Unis, parmi les utilisations hors AMM des médicaments, seulement 27% étaient étayés par de solides données scientifiques. Ces 27 % pourraient peut-être obtenir une AMM si les industries en faisaient la demande, mais face aux frais importants nécessaires à la validation d’une nouvelle indication dans l’AMM d’un médicament, beaucoup de groupes pharmaceutiques renoncent et s’en remettent au seul jugement des médecins.

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