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Kenya

Le Kenya s'enfonce un peu plus dans la crise électorale

L’élection présidentielle du 26 octobre, scrutin convoqué après l'invalidation de celui du 8 août dernier pour irrégularité par la Cour suprême, n’a pu se tenir jeudi dans quatre comtés bastion de l'opposant Raila Odinga. On n'y a pas voté pas non plus ce samedi 28 octobre, comme prévu, après le nouveau report sine die annoncé vendredi. A Kisumu, les habitants saluent la décision de Wafula Chebukati, président de la Commission électorale, mais ils sont toujours déterminés à empêcher toute élection de se tenir dans les prochains jours. A Nairobi, le climat reste tendu à Kawangware, en périphérie de la capitale.

Des forces de l'ordre face à une barricade érigée sur la route par les partisans de la coalition Nasa, lors d'une manifestation contre la tenue de l'élection présidentielle à Kisumu, le 27 octobre 2017.
Des forces de l'ordre face à une barricade érigée sur la route par les partisans de la coalition Nasa, lors d'une manifestation contre la tenue de l'élection présidentielle à Kisumu, le 27 octobre 2017. YASUYOSHI CHIBA / AFP
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Les pneus brûlés et les barricades ont laissé place au va-et-vient des taxis-motos dans les rues de Kisumu. Jacqueline tresse les cheveux d'une cliente dans son petit salon de coiffure. Pour elle, ce nouveau report est un aveu d'échec de la Commission électorale (IEBC) et une victoire pour sa communauté. « C'est une victoire car nous ne voterons pas. Nous voulons montrer que le président qui est élu ne l'a pas été par nous. Parce que ce sont les mêmes personnes qui sont au pouvoir depuis l'indépendance, nous voulons seulement du changement », précise-t-elle.

Un peu plus loin, Samson Otieno, mécanicien, renchérit. « Depuis tout ce temps, ils nous volaient la victoire. Cette fois, nous ne pouvions pas les laisser passer. Ils ne pourront pas nous forcer à voter », affirme-t-il.

L'élection a exacerbé les tensions entre la tribu Kikuyu, du président sortant Uhuru Kenyatta, et la tribu Luo de l’opposant Raila Odinga. Pour Julius, transporteur routier, le report signifie avant tout une trêve de violences policières qui, selon lui, ciblent la tribu Luo.

« S'ils reportent encore l'élection, il y aura encore des morts. Ils ne devraient pas prendre les gens pour des moins que rien. Faut-il qu'un Kikuyu meure pour qu'ils se rendent compte de cela ? Car les Luos sont des humains tout autant que les Kikuyus ou les Nandis », dit-il.

Mais aujourd'hui, le calme règne dans la ville. On attend, encore une fois, un mot d'ordre de Raila Odinga qui a prévu de s'adresser à ses partisans lundi 30 octobre.

Tension en périphérie de Nairobi

A Nairobi, le climat reste tendu. Des affrontements ont notamment été signalés, dans la nuit de vendredi à ce samedi 28 octobre, à Kawangware, en périphérie de la capitale kényane.

Kawangware est aujourd’hui un quartier à la fois traumatisé et divisé. Plusieurs sources expliquent que vendredi soir, au moins une centaine de jeunes armés de machettes, cocktails Molotov et bâtons ont soudainement pris d’assaut un secteur frappant, dépouillant les gens, détruisant et pillant les commerces.

Beaucoup de gens, se sentant en danger, auraient appelé des renforts pour se défendre. D’autres bandes sont alors arrivées, entraînant des affrontements. Un marché entier a été réduit en cendres. Samedi matin, une commerçante était en larmes en voyant sa boutique détruite. C’était la seconde fois que cela arrivait. La première fois, c’était en 2007 lors des terribles violences post-électorales.

« J’ai pris ma décision, je ne reviendrai plus jamais ici », a-t-elle dit.

Ces violences semblent trouver leur origine dans un conflit ancien, entre ethnies rivales - certaines proches du pouvoir et d’autres proches de l’opposition - mais qui ressurgit ces temps-ci. « Tout cela a été provoqué par la tension politique récente », a expliqué un habitant.

Raila Odinga donne rendez-vous à ses partisans

Dans un entretien à la chaîne américaine CNN, Raïla Odinga a expliqué que sa coalition Nasa avait désormais deux branches, à savoir une politique et une devenue un mouvement de résistance qui va s’engager dans la désobéissance civile avec manifestations, grèves, marches pacifiques, boycotts et autres. Il n’y aura « pas de résistance armée », précise Raïla Odinga.

Cependant, l’opposant estime que Uhuru Kenyatta ne pourra pas gérer le pays facilement. « Il a obtenu un vote de non confiance », dit Raïla Odinga qui conseille à Uhuru Kenyatta de démissionner mais qui dit aussi qu’il est prêt à dialoguer avec le président, mais uniquement pour évoquer de nouvelles élections d’ici 90 jours.

La communauté internationale essaie de faire pression. Les chancelleries critiquent Odinga sur sa façon de gérer la crise dans l’Ouest et notamment « des blocages de bureaux de vote, pas du tout spontanés », confie un diplomate.

Quant à Uhuru Kenyatta, « on lui dit de terminer le processus mais qu’en cas de bain de sang, on risque de le considérer comme un paria », confie une autre source diplomatique.

En attendant, le décompte continue. Les médias kenyans donnent 98% des voix à Uhuru Kenyatta, sans surprise. On revote aussi dans deux circonscriptions, à Turkana où le scrutin n’avait pas pu se tenir à cause de la pluie et à Fafi, dans l’Est, où des violences avaient contraint la Commission électorale d’annuler le scrutin.

Certains agents de l’IEBC sont par ailleurs visés par une enquête de la police parce qu’ils ne sont pas venus tenir leur bureau de vote.

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