Le parquet général avait dix jours pour faire appel du verdict de la cour d’assises spéciale de Paris qui a condamné jeudi 2 novembre Abdelkader Merah à vingt ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs en vue d’actes terroristes. Il lui a fallu moins de vingt-quatre heures pour prendre sa décision. Il y aura donc, à l’initiative de l’accusation, un deuxième procès au cours duquel son représentant s’efforcera une nouvelle fois de convaincre les juges que l’accusé doit être reconnu coupable de complicité des attentats commis en mars 2012 à Toulouse et Montauban par son frère Mohamed et qu’il doit être condamné pour cela à la réclusion criminelle à perpétuité.
Lorsqu’il s’est ouvert, lundi 2 octobre, il y avait beaucoup à redouter d’un procès Merah sans Mohamed Merah. Au fil des six semaines d’audience, cette crainte s’est dissipée et, en dépit de ses tensions, le procès a répondu à tout ce que l’on pouvait espérer de lui. Il a affronté l’horreur des attentats qui ont coûté la vie à trois militaires, grièvement blessé un quatrième à Toulouse et à Montauban, puis tué trois enfants de 8, 5 et 3 ans et le père de deux d’entre eux devant l’école juive Ozar-Hatorah. Il a permis de souligner les défaillances du renseignement en amont de ces attentats. Il a éclairé au plus près les racines familiales et idéologiques d’une folie meurtrière. Il a soumis une enquête à l’examen minutieux et contradictoire des charges retenues contre les accusés. Il a laissé s’exprimer la douleur, la colère et les attentes des familles des victimes.
Le droit et la répression
Et au terme de tout cela, le verdict rendu à l’encontre du principal accusé est apparu, aux yeux de ceux qui ont suivi le procès, en parfaite cohérence avec les débats : les éléments rapportés par l’accusation contre Abdelkader Merah ne suffisent pas à établir la preuve de sa complicité dans les attentats commis par son frère. En l’acquittant de ce chef et en le condamnant au maximum de la peine encourue pour l’association de malfaiteurs, les juges ont répondu à la fois aux exigences du droit et à celles de la répression.
Que l’avocate générale Naïma Rudloff ne soit pas parvenue à emporter la conviction non pas de jurés citoyens mais de cinq magistrats professionnels aurait pu inciter le parquet à prendre le temps de la réflexion. Un nouveau procès Merah est-il nécessaire ? Certaines parties civiles, pas toutes, le souhaitent. Les deux condamnés n’avaient pas encore fait connaître leur décision quand celle du parquet a été rendue publique. L’accusation n’est pas une partie comme les autres au procès. Elle s’exprime au nom de la société, c’est-à-dire de chacun d’entre nous. Si elle a le devoir d’avoir une conviction, elle doit se garder de l’obstination.