L'hypersexualité : choix de vie ou addiction sexuelle ?

Les hypersexuels seraient-ils les nymphomanes du 21ème siècle ? La réalité est plus complexe qu'il n'y paraît, certains font le choix d'une vie sexuelle intense, tandis que d'autres souffrent d'une véritable addiction sexuelle.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
L'hypersexualité : choix de vie ou addiction sexuelle ?
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Certain(e)s papillonnent et enchaînent les conquêtes, affichent une sexualité plus débridée que la moyenne, n'hésitant pas à revendiquer leur libertinage ou l'échangisme. Ce comportement, différent de la moyenne, les inquiète parfois et ils viennent se faire évaluer en consultation, craignant une addiction sexuelle : "Mais certaines personnes peuvent être hypersexuelles sans que cela soit pathologique, rassure le Dr Karila, addictologue et auteur de Votre plaisir vous appartient (éd. Flammarion). Il n'y a pas de souffrance, ni de perte de plaisir et la personne ne perd pas trop de temps à la recherche de partenaires, même si elle peut y passer plus de temps qu'une personne lambda." Selon les études américaines, 3 à 6% de la population serait concernée par des comportements sexuels excessifs, comme la masturbation et le visionnage de films X de façon compulsive, la recherche de partenaires réels ou virtuels pour des rapports sexuels. 

Bien souvent, c'est le conjoint, ou la conjointe, qui peut mal percevoir les choses et qui le pousse à consulter : "C'est le cas dans l'immense majorité, reprend le Dr Karila. Or il peut être en couple, marié ou pacsé, mais aussi échangiste, libertin ou avoir toutes les étiquettes ! Tant qu'il n'y que du plaisir, ce n'est pas très grave." Il s'agit alors simplement d'une variante sexuelle : comme certaines personnes sont plus gourmandes que d'autres, certaines peuvent avoir une libido et un comportement sexuel plus intenses que les autres...

Les critères précis de l'hypersexualité pathologique

Quand elle est pathologique, l'hypersexualité se traduit par une augmentation exagérée et anarchique des pensées, du désir et de l'intérêt sexuels. Alors synonyme d'addiction sexuelle, elle concerne davantage les hommes que les femmes, avec un ratio de 3 à 5 hommes pour 1 femme. Les pensées sexuelles sont obsédantes et elles tournent en boucle dans sa tête ; la personne peut alors se masturber ou visionner des films X de façon compulsive, passer un temps fou à la recherche de partenaires réels ou virtuels pour des rapports sexuels ou fréquenter des clubs libertins assidûment. L'hypersexualité peut aussi prendre la forme de séduction compulsive, les conversations érotiques au téléphone ou encore le recours très fréquent aux prostituées.

Dans son article publié en 2014 dans European psychiatry, le Dr Laurent Karila, addictologue, donne une définition précise de l'addiction : "Il y a au moins un orgasme quotidien pendant au moins 6 mois mais celui-ci s’accompagne toujours d’une perte de contrôle et d’une perte de temps à préparer le comportement, le réaliser ou à récupérer de ses effets."

La vie cachée des hypersexuels pathologiques

Cette attitude aboutit à une deuxième vie cachée, consacrée à l'assouvissement impossible d'un désir incontrôlable... Une deuxième vie régie par les fantasmes, les pulsions et/ou la répétition de comportements sexuels, qui ne suffisent pas à rassasier ni à apaiser. La personne est incapable d'interrompre son comportement ou de le limiter ; elle multiplie les conduites à risque comme l'absence de préservatif, le fait de photographier ou filmer les ébats et de les stocker de façon non protégée...  Peu à peu, elle ressent le besoin de consommer de plus en plus, pour atteindre le même niveau de satisfaction et elle perd de plus en plus de temps à le faire. L'addict vit dans la peur que soit découverte cette deuxième vie centrée sur le sexe brut et dissociée de tout amour. Il souffre de sa dépendace et il court de plus en plus de risques physiques et psychologiques...

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L'impératif d'une prise en charge spécialisée 

L'addiction sexuelle fait en effet courir des risques infectieux puisque les personnes qui en souffrent ont tendance à oublier le préservatif et à prendre le risque d'infections sexuellement transmissibles. Elles souffrent souvent d'anxiété, de stress, de dépression, de phobies ou encore de troubles du sommeil. De plus, l'hypersexualité pathologique a un fort retentissement sur la vie de couple et de famille, ou la vie socio-professionnelle. Elle entraîne parfois un licenciement du fait de retard ou d'absences pour assouvir ses pulsions. Lorsque les intérêts débridés se manifestent en milieu professionnel, les accusations d'harcèlement sexuel ne sont pas rares...

L'addiction sexuelle n'est pas une addiction comme les autres : le diagnostic est complexe et la prise en charge ne vise pas l'abstinence puisque le sexe est une activité naturelle, une récompense nécessaire. Elle vise en revanche un meilleur contrôle des consommations et se fait habituellement dans un centre ou service spécialisé dans les addictions.

Pour cela, la prise en charge fait appel aux thérapies cognitives et comportementales pour modifier le comportement et apprendre à développer d'autres stratégies face aux facteurs déclenchants de l'addiction. Le patient apprendra à prévenir ou à gérer différemment ces situations, par exemple en se distrayant physiquement avec le sport ou la méditation, ou en en parlant avec un proche. Le but de la thérapie est aussi de réduire les risques pris.

Le recours aux groupes de soutien

La psychothérapie est utilisée pour apporter un soutien psychologique. Si la personne est en couple, une thérapie de couple sera initiée ou une médiation puisque l'addiction sexuelle a un fort retentissement chez le conjoint et met le couple à rude épreuve. La psychanalyse peut également être effectuée une fois les symptômes stabilisés pour débloquer certains "nœuds" survenus dans la vie du patient. Enfin, si aucun médicament ne soigne l'hypersexualité, certains antidépresseurs peuvent réduire les compulsions et traiter la dépression ou l'anxiété associées.

Les groupes de soutien tels que les Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes, et Sexaholic Anonymes, se révèlent particulièrement adaptés et complémentaires de la prise en charge médicale.