par Paul Seabright
Le phénomène de « fausses informations » (« fake news ») n’est pas nouveau dans la démocratie – Périclès en était victime à Athènes au Ve siècle avant J-C. Mais la portée sans précédent de l’Internet et notamment des réseaux sociaux pose des questions sur l’influence des fausses informations sur les élections démocratiques.
Une étude de deux chercheurs américains tente d’éclairer leur rôle dans l’élection présidentielle américaine de 2016 (« Social Media and Fake News in the 2016 Election », Hunt Allcott & Matthew Gentzkow, janvier 2017). Le papier n’a toutefois pas encore été soumis à un comité de lecture de revue scientifique et ses résultats doivent donc être pris avec précaution. Mais l’un des auteurs, Matthew Gentzkow (université de Stanford et National Bureau of Economic Research), est lauréat de la prestigieuse médaille Clark de 2014, attribuée à un économiste de moins de 40 ans, et spécialiste reconnu de la presse et des médias numériques.
Les auteurs ont construit leur enquête autour d’articles cités dans les réseaux sociaux et contenant des informations qui se sont clairement révélées fausses – comme la « nouvelle » que le pape avait apporté son soutien à Donald Trump – soumis à un échantillon représentatif de 1 200 Américains de plus de 18 ans vingt jours après l’élection. 15 % des participants à l’étude disent avoir vu ces articles, et 8 % y avoir cru.
Ceci semble inquiétant, mais il y a une possibilité de souvenir erroné. Pour la tester, les chercheurs ont construit également des articles fictifs, jamais parus, contenant de fausses informations non moins plausibles que celles qui ont vraiment été diffusées. Or, la proportion disant avoir vu ces articles fictifs est presque aussi élevée ! Philosophes, réjouissez-vous, il y aura du travail car les catégories traditionnelles du vrai et du faux sont dépassées : il y a désormais les véritables fausses informations et les fausses fausses informations…
Un impact douteux
Les auteurs estiment au final que chaque véritable fausse information (c’est-à-dire, chaque article contenant une information fausse vraiment parue) n’a été vue que par 1,2 % de la population. Sur cette base, ils estiment que l’électeur moyen se souvenait de 0,92 fausse information en faveur de Donald Trump et de 0,18 fausse information en faveur d’Hillary Clinton.
Quelle importance accorder à ces chiffres ? L’élection a été très serrée : une baisse de la marge de Donald Trump de 0,51 % des voix dans les Etats de Michigan, Pennsylvanie et Wisconsin aurait suffi pour donner la victoire à Mme Clinton. Mais c’est là où il faut tenir compte de la quantité d’autres influences qui ont joué dans ces élections. Les fausses informations ne constituent que quelques gouttes d’eau dans la cascade de propagande dont le public américain est abreuvé pendant la saison électorale. Pour changer le résultat, les fausses informations auraient dû avoir chacune une capacité de convaincre les électeurs égale à trente-six publicités électorales à la télévision, ont calculé les chercheurs.
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