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Les opposants au golf de la Sommerau se préparent à une nouvelle bataille

Après avoir été annulé, puis repêché par la justice administrative, la construction d’un golf dans la vallée de la Sommerau, près de Saverne, est relancée. Une campagne de remobilisation débute pour les opposants qui n’arrivent pas à croire qu’on puisse injecter autant de millions d’euros publics dans un sport aussi élitiste que le golf et aussi gourmand en ressources naturelles. Mais dans le secteur, le golf est perçu comme l’unique chance de sortir du noir.

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Les vertes prairies se transformeront-elles en green ? (Photo Jean-Marc Bachellerie)

Les vertes prairies se transformeront-elles en green ? (Photo Jean-Marc Bachellerie)
Ces vertes prairies se transformeront-elles en green ? Pour les opposants au golf de la Sommerau, la présence de la ligne électrique fera fuir les golfeurs. (Photo Jean-Marc Bachellerie)

Le golf de la Sommerau, c’est comme le GCO pour cette vallée près de Saverne, entre Marmoutier et Wasselonne : un serpent de mer qui dure depuis plus de vingt ans. Les collectivités locales, dont la mairie de Saverne et la communauté de communes de Marmoutier-Sommerau, tentent depuis 1993 de créer entre Birkenwald et Hengwiller un golf de 18 trous. Pariant sur une démocratisation de la pratique du golf, les élus comptent sur cet aménagement pour sortir la vallée de l’ornière économique et faire venir quelques touristes.

Mais le projet a dès le début été combattu par les écologistes, dont l’association Alsace Nature. Pour cette dernière, pas question de dépenser quelque cinq millions d’argent public pour un sport aussi élitiste et aussi gourmand en ressources naturelles, dont les limites comprennent des zones humides de surcroît. Des riverains, qui apprécient la tranquillité des lieux, se sont joints au mouvement de protestation qui a connu de riches heures en 2009 lors de l’enquête publique avec une manifestation rassemblant 500 personnes à Saverne.

Surtout en 2013, les opposants locaux ont obtenu du tribunal administratif l’annulation de la déclaration d’utilité publique (pdf). Le tribunal avait considéré que la surface concernée par la déclaration d’utilité publique, 78 hectares, était trop importante par rapport aux besoins d’un golf de 18 trous, que le coût global du projet était excessif et que les prévisions de fréquentations étaient surévaluées ! Le coup a été rude pour les promoteurs du golf, qui ont dû stopper toutes les procédures…

Sauf une : le syndicat mixte du golf, auquel appartiennent les communes environnantes, la Région Alsace et le Département du Bas-Rhin, a fait appel de ce jugement et a eu gain de cause. En février 2014, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé le jugement du TA de Strasbourg. Après les élections municipales, le syndicat mixte a pu reprendre ses opérations. Deux appels d’offres ont été publiés : un pour la construction du golf et un autre pour sa gestion.

Quatre candidats pour une gestion sans risque

Un précédent appel d’offre pour la gestion avait été infructueux mais cette fois, plusieurs réponses ont été reçues. Président du syndicat mixte, Stéphane Leyenberger, maire de Saverne, détaille la nouvelle stratégie :

« Pour l’exploitation du golf, nous étions sur le régime de la concession, qui fait supporter à l’exploitant une partie des coûts d’investissement. C’est peut-être ce qui a découragé les acteurs à candidater. Donc nous avons opté pour une gestion en affermage cette fois et nous avons eu quatre réponses. L’exploitant se rémunérera sur les recettes, versera aux collectivités un loyer et ces dernières financeront l’intégralité des investissements. Les résultats de cette consultation seront dévoilés à l’automne. »

Mais ce mode de gestion fait peser de nouvelles charges sur les finances des collectivités participantes, déjà très engagées. Le Syndicat mixte a déjà dépensé plus de 2 millions d’euros pour lancer les études, les forages et acquérir les 78 hectares de terrains et 400 000€ pour maintenir le poste de la directrice. Saverne est caution d’un prêt de 640 000€. Quant à la communauté de communes de Marmoutier, elle a dû voir s’envoler une caution de 436 000€ transformée en subvention en avril 2013. Selon les opposants du golf, le coût initial de construction, 5,6 millions d’euros, sera impossible à tenir.

4,78 millions d’euros à trouver

Les participations des collectivités ont effectivement été revues à la hausse. En mars 2003, le conseil général et le conseil régional avaient accordé 1,37 M€ de subventions chacun. Un peu moins d’un tiers de ces fonds ont été dépensés pour les acquisitions foncières. Mais aujourd’hui, la directrice du syndicat mixte, Isabelle Mirghain-Schini, espère obtenir au moins 1,7 M€ de chacune des deux collectivités territoriales pour boucler le budget de la construction du golf :

« Le budget d’investissement évolue encore mais nous avons besoin d’environ 4,78 M€. Nous aimerions éviter d’avoir à emprunter aux banques, donc nous sollicitons les collectivités pour qu’elles financent l’ensemble du projet. Par ailleurs, nous nous rapprochons d’autres collectivités locales situées dans notre zone de chalandise, car même si elles ne font pas partie du syndicat mixte, elles ont tout intérêt à ce que le golf se fasse. Pour la première fois depuis huit ans, je suis très optimiste sur nos chances de succès. »

Plan du golf de la Sommerau (document architectes)
Plan du golf de la Sommerau (document architectes)

« Les arguments écologiques ne prendront pas ici »

Mais Rolande Einsetler, présidente de l’association pour la préservation de l’environnement de la Sommerau (Apes), ne partage pas le même optimisme  :

« On ne comprend pas pourquoi les élus s’acharnent à vouloir construire ce golf. Cerné par d’autres golfs mieux cotés, il n’est économiquement pas viable, il va détruire des réserves écologiques, privatiser des prairies avec des zones humides qui sont des endroits de promenades inestimables, pomper les ressources en eau et tout ça pour des golfeurs, c’est à dire 0,9% de la population selon leur propre fédération ! On ne laissera pas faire, on va devoir relancer la mobilisation. »

Car depuis le début de l’action juridique, le souffle militant des opposants est retombé. De leurs côtés, les promoteurs se sentent revigorés par les résultats des élections municipales. Stéphane Leyenberger précise même :

« Tous les candidats favorables à la construction du golf ont été élus ou réélus. Ce golf bénéficie d’une vraie légitimité démocratique. »

Voire. Car 13% des suffrages exprimés lors des élections municipales à Saverne se sont portés sur l’écologiste Jean-Michel Louche, clairement opposé au golf, une sacrée percée dans cette terre de droite. Il précise :

« Je ne pense pas que la position des candidats sur le golf ait été un critère déterminant des votes en mars 2014. Les élus de droite sont restés discrets sur ce sujet, évitant soigneusement et encore aujourd’hui de répondre aux questions. Ils préfèrent rester sur des non-dits. Même certains élus de la majorité sont contre, mais se taisent car il est toujours délicat de s’opposer à un projet de développement économique, même s’il est voué à l’échec comme le golf de la Sommerau. Pour l’instant, la majorité des gens sont attentistes. Si on veut empêcher ce golf de se faire, notre mobilisation devra être sans accroc car on n’aura droit qu’à un seul coup. »

Quelques slogans hostiles au golf subsistent, mais la mobilisation des antis s'est essoufflée (Photo Gilles Bachellerie)
Quelques slogans hostiles au golf subsistent, mais la mobilisation des antis s’est essoufflée (Photo Gilles Bachellerie)

Même constat de Michel Schliffer, militant d’Alsace Nature et membre de l’Apes :

« Les gens dans la vallée sont peut-être à 10% pour, 10% contre et… 80% s’en foutent. Les arguments écologistes ne fonctionneront pas dans cette vallée. Mais on a peut-être une chance si on fait comprendre aux gens qu’ils vont payer l’addition pour que quelques golfeurs viennent s’amuser et que la construction coûtera bien au delà des cinq millions annoncés. À mon avis, ils vont doubler ce budget, ça fera comme avec le Bioscope. »

Pour mesurer l’étendue de la contestation dans l’opinion publique locale, l’Apes indique que la souscription lancée par Alsace Nature pour couvrir les frais d’avocats, entre 8 et 10 000€, a été bouclée en deux mois. De son côté, Rolande Einsetler est « repartie comme en 40 » :

« On va demander que des réunions publiques soient organisées, et si les maires les refusent, on les organisera nous mêmes ! On va reprendre les tracts, lancer une pétition et puis probablement une grosse marche publique. L’Apes compte une centaine de membres à jour de cotisation, c’est un réseau important ici pour animer plusieurs centaines de sympathisants. »

Les promoteurs du golf espèrent boucler leur plan de financement avant la fin de l’année pour une mise en service en août 2015.

Aller plus loin

Sur DNA.fr : Le golf sur le green (accès abonnés)


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