Un nouveau pas a été franchi dans la connaissance de la flore microbienne, encore appelée microbiote intestinal. Chaque individu compte environ 100 000 milliards de bactéries dans son intestin, soit dix à cent fois plus que le nombre de cellules dont le corps humain est constitué. Ces bactéries sont devenues des acteurs-clés dans la compréhension de certaines maladies comme le diabète, l’obésité ou la maladie de Crohn. Des liens ont aussi été montrés avec le système immunitaire, les troubles cognitifs…
La diversité de ces bactéries est très importante. En effet, environ un millier d’espèces bactériennes différentes ont pu être distinguées dans les microbiotes humains, par l’analyse de leur ADN. Mais seulement 15 % de ces bactéries sont connues, c’est-à-dire que leurs génomes ont été séquencés. « Une bactérie qui se respecte a en moyenne 3 300 gènes », résume le professeur Dusko Ehrlich, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui a dirigé le consortium international MetaHIT (piloté par l’INRA), avec les équipes du CEA, du CNRS et de l’université d’Evry. Il est aujourd’hui porteur du projet MetaGenoPolis (MGP), financé par le programme français « Investissements d’avenir », qui vise à établir l’impact du microbiote intestinal humain sur la santé.
Une nouvelle méthode a été utilisée pour analyser l’ensemble des gènes de ces bactéries. Dans 396 échantillons de selles d’individus danois et espagnols, 741 espèces bactériennes ont été identifiées, dont 85 % n’étaient pas connues jusqu’ici. Les équipes ont pu reconstituer le génome complet de 238 bactéries, sans culture préalable, selon les travaux publiés dimanche 6 juillet dans Nature Biotechnology. Les chercheurs de l’INRA, avec des équipes du CEA, du CNRS, de l’université d’Evry, du consortium MetaHIT ainsi que des scientifiques étrangers ont également démontré plus de 800 relations de dépendance au sein des 7 381 groupes de gènes. Des bactériophages nécessitent par exemple la présence de bactéries pour survivre.
Des études publiées en 2013 dans Nature avaient également mis en avant que plus nos bactéries intestinales sont nombreuses et diversifiées, meilleure est notre santé. Parallèlement, les personnes à la flore appauvrie ont plus de risque de diabète, de maladies cardio-vasculaires et de troubles hépatiques (« Science & médecine » du 4 septembre 2013). De plus, « les personnes déficitaires en bactéries intestinales prennent plus facilement du poids », note la professeure Karine Clément, qui dirige l’Institut de cardio-métabolisme et nutrition (ICAN) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). « L’enjeu, à l’ICAN, est de savoir comment utiliser ces connaissances pour les patients, notamment pour les maladies du cœur et le métabolisme. En affinant la connaissance des pathologies comme le diabète, l’obésité, qui sont d’une très grande hétérogénéité clinique, il sera possible d’aller vers une médecine de plus en plus personnalisée. »
Le professeur Dusko Ehrlich, qui a fondé une société pour la mise au point de biomarqueurs à partir de gènes bactériens, espère mettre au point un test diagnostique.
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