Droit international privé

Année 2002-2004

Editions Pédone, Paris 2005

LES ACTIONS CIVILES POUR VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ASPECTS DE DROIT INTERNATIONAL PRIVE

Communication de Mme Catherine KESSEDJIAN

Séance du 28 novembre 2003 Présidence de Mme Hélène Gaudemet-Tallon

Nous sommes incontestablement arrivés au temps de la réparation, essentiellement pécuniaire, due aux victimes de dommages divers, dans des conditions dont on peut penser qu'elles n'ont pas d'équivalent dans l'histoire au moins récente du droit français1 et du droit international. Il ne nous revient pas ici d'approuver ou de désapprouver cette évolution mais de la considérer comme un fait à prendre en considération dans la réflexion juridique qui est la nôtre dans le cadre de cette communication.

Lorsque le dommage est la conséquence d'une violation actuelle des droits fondamentaux de la personne humaine2 ou de ce qu'il est convenu d'appeler désormais « les crimes de l'histoire » (esclavage3, génocide, torture, ...), on ne peut qu'être troublés par la récurrence de ces actes4. On peut donc légitimement se demander si l'admission d'une action au civil ne peut pas contribuer efficacement à leur eradication. C'est en ce sens que se sont prononcés les Nations Unies et le Conseil de l'Europe qui, par diverses déclarations et recommandations ont encouragé les Etats membres à faire participer les victimes et la collectivité en général au processus de justice pénale afin de développer chez le délinquant le sens de sa responsabilité vis-à-vis de ses victimes et envers la société dans son ensemble5.

Ces actions ne concernent pas seulement des Etats et des représentants de ceux- ci, mais de plus en plus des entreprises qui sont accusées de participer aux actes incriminés, généralement en qualité de complice, soit parce qu'en poursuivant des activités économiques sur le territoire d'Etats en violation des droits fondamentaux elles permettent à ces gouvernements de prospérer, soit en participant directement aux exactions (travail forcé, séquestration, etc...)*. C'est ainsi, qu'aujourd'hui, les entreprises minières qui ont investi dans certains Etats sont accusées par les populations locales de « prêter la main » aux exactions qu'elles reprochent à leur gouvernement (c'est le cas de la Birmanie). On a vu également une action en réparation intentée par des associations représentants des tziganes à I'encontre d'une entreprise ayant fourni au gouvernement de l'Allemagne nazie des machines permettant de recenser la population tzigane,