Les réfugiés affluent vers l’Ethiopie en quête d’asile et de sécurité

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Les réfugiés affluent vers l’Ethiopie en quête d’asile et de sécurité

Le pays accueille désormais le plus grand nombre de réfugiés en Afrique
Sulaiman Momodu
Afrique Renouveau: 
Photo: UNHCR/R. Julliart
Photo: UNHCR/R. Julliart
L’Envoyée special de l’ONU, la Princesse Haya Bint Al Hussein, épouse du dirigeant de Dubai lance un appel à l’aide internationale en faveur des réfugiés de Gambella, à l’ouest de l’’Ethiopie, où vivent plus de 252 000 Soudanais du sud ayant fui leur pays depuis décembre 2013. Photo: UNHCR/R. Julliart

Quand il avait 17 ans, James Gaw Tot,  a fui la guerre au Sud-Soudan pour trouver refuge  en Éthiopie. Il ne se doutait pas que  ce pays allait être le sien durant les 23 prochaines années.

Aujourd’hui, toujours réfugié, Tot vit dans un camp avec sa femme et leurs sept enfants, tous des réfugiés.  Il aspire toujours à rentrer dans son pays.

« Je souhaite rentrer dans mon pays, mais comment le pourrais-je  ? »  demande-t-il, en contemplant  le camp de réfugiés de Pugnido à l’ouest de l’Éthiopie. « L’insécurité règne toujours dans mon pays.  Avant cela, la guerre contre les Arabes visait l’indépendance. Le Sud-Soudan est devenu indépendant, mais les combats se poursuivent ».   Dans le camp, Tot officie en tant que travailleur social et sensibilise les autres réfugiés à la prévention du VIH.  

Tot fait partie des réfugiés qui vivent actuellement en Éthiopie. Il sont plus de 665 000, ce qui  fait de ce pays le plus grand pays d’accueil de réfugiés en Afrique, devant le Kenya depuis juillet 2014.  La plupart des réfugiés viennent d’Érythrée, de  Somalie, du Sud-Soudan et du Soudan.  

À la mi-décembre 2013, des milliers de Sud-Soudanais ont été déracinés de leur pays lorsque le président Salva Kiir a accusé son adjoint déchu, Riek Machar, de planifier un coup d’État. Les combats dans la plus jeune nation du monde ont très vite pris une dimension tribale, opposant le groupe ethnique Dinka du Président Kiir et le groupe ethnique Nuer de M. Machar, déclenchant ainsi un cycle de massacres et de représailles à travers le pays. 

« Mes parents et les parents de ma femme fuyaient ensemble.  Ils ont été tués, » déclare Biel Jock, âgé de 27 ans. Il s’est enfui de Nyirol dans l’État de Jonglei au Sud-Soudan avec cinq neveux âgés de neuf à 14 ans.  Ils se sont retrouvés sous sa charge après que leurs parents ont été  tués dans le conflit du Sud-Soudan ou sont morts de causes naturelles.  M. Jock et sa famille ont franchi le territoire éthiopien dans le courant de 2014,  les mains pratiquement vides, après avoir marché 16 jours dans la jungle en s’alimentant des fruits sauvages et en buvant l’eau qu’ils pouvaient trouver en chemin. 

Résoudre les conflits  

« Nous assistons à une vague  considérable de déplacements forcés dans le monde », affirme António Guterres, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), d’autant que les statistiques 2013 affichent un total de 51,2 millions de réfugiés,  demandeurs d’asile et personnes déplacées. C’est le niveau  le plus élevé de déplacements depuis la Seconde Guerre mondiale.  et la cause  principale en est la guerre en Syrie.  Les conflits en République centrafricaine et au Sud-Soudan ont également contribué à cette montée en flèche .  

Selon M. Guterres, les organismes humanitaires  peuvent seulement atténuer l’impact des conflits sur des personnes ordinaires.  « Il n’y a pas de solution humanitaire. La solution est politique et consiste à résoudre les conflits à l’origine de  ces niveaux prodigieux  de déplacements ».  

Actuellement, il y a plus de trois millions de réfugiés en Afrique, 12,5 millions de personnes déplacées et  700 000 apatrides, selon le HCR. 

Situation catastrophique 

Partageant des frontières avec la Somalie, le Sud-Soudan, le Soudan et l’Érythrée qui sont aux prises avec des conflits, l’Éthiopie accueille des réfugiés depuis les années 1990. En 2011, le pays comptait seulement huit camps de réfugiés abritant quelque 90 000 personnes. Mais en juin 2014, ce  nombre avait grimpé à 23 camps. Les Sud-Soudanais constituent le plus grand nombre de réfugiés en Éthiopie, soit 253 030, suivis par les Somaliens (245 326), les Érythréens (126 363), les Soudanais (35 870) et d’autres nationalités représentant près de 5 300 personnes.  

Alors que la guerre civile somalienne perdure depuis plus de deux décennies, le conflit en cours au Soudan entre le gouvernement soudanais et le Mouvement de libération du peuple du Soudan (SPLM-Nord), continue  de contraindre des milliers de Soudanais à fuir en Éthiopie.  

Ato Ayalew Aweke, le Directeur adjoint de l’administration chargée des réfugiés et des rapatriés en Éthiopie, affirme que le pays comptait plus de 450 000 réfugiés sud-soudanais avant 2011. La plupart d’entre eux ont été rapatriés après que le pays eut obtenu son indépendance. 

« Dans la Corne de l’Afrique, l’Éthiopie est un pays très pacifique et stable. Nous avons huit camps de réfugiés rien que pour les Somaliens. D’octobre à décembre 2014, nous avons connu une augmentation du nombre d’Érythréens venus chercher refuge en Éthiopie, » affirme M. Aweke 

« Lorsque vous voyez  les chiffres relatifs aux  réfugiés, par exemple, qui sont passés de 90 000 à plus de 600 000 en deux ou trois ans, cela démontre clairement le caractère massif des déplacements et la souffrance qui sévit dans les pays  de la région », déclare le Représentant adjoint du HCR en Éthiopie, Bornwell Katande. « En attendant, voilà  deux  décennies qu’il ne se passe pas un seul jour  sans que  des réfugiés entrent en Éthiopie et  que l’Éthiopie leur apporte son soutien  », affirme-t-il.

Déficit de financement  

Le financement en faveur des réfugiés vivant en Éthiopie reste difficile à assurer, les contributions confirmées étant actuellement  de l’ordre de 12 % .   

Malgré  l’aide des bailleurs de fonds, les réfugiés continuent de mettre à l’épreuve  les ressources locales telles que l’eau et la nourriture, ainsi que les écoles et les centres de santé. Ces infrastructures ont  toujours besoin d’être agrandies ou  améliorées, sans quoi les tensions ont tendance à s’attiser.  Afin  que les réfugiés et les populations locales  vivent ensemble dans la paix, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a initié divers projets dans les communautés d’accueil. 

« Il nous faut une aide  internationale plus importante afin de satisfaire les besoins essentiels des réfugiés tels que le logement, l’alimentation, l’eau, l’assainissement, l’éducation et la santé », affirme M. Aweke.

Les réfugiés interviennent dans diverses activités de subsistance, dont l’élevage à petite échelle et d’autres projets agricoles. Le HCR leur offre des subventions pour ces activités et une formation concernant le développement  de coopératives et la gestion d’entreprise. L’organisme dirige également un projet agricole qui met  l’accent sur l’amélioration des moyens de subsistance de plus de 200 000 réfugiés somaliens dans la région de Dollo Ado.  

Dans la zone de Jijiga où il y a trois camps qui abritent plus de 40 000 réfugiés somaliens, le HCR  implique les réfugiés et les communautés d’accueil dans des activités d’autosuffisance dans le cadre de son programme d’aide au développement pour les réfugiés. 

Au début de cette année, par exemple, un projet de moyens de subsistance et de sécurité alimentaire a été lancé dans le  camp de réfugiés de Kule dans la région de Gambella. Ce projet a démarré par une formation concernant  les activités commerciales et génératrices de revenus pour plus de 800 réfugiés, qui ont par la suite développé leurs propres projets  d’affaires et constitué des groupes d’entreprises. Lors du lancement du projet, les réfugiés ont reçu des fonds de démarrage pour créer des entreprises, et continueront à recevoir d’autres formations.

Par ailleurs, les réfugiés ayant des compétences servent aussi comme enseignants, infirmières, interprètes, ou  travailleurs sociaux pour diverses organisations dans les camps.  

Cependant, ils doivent faire face à de nouveaux défis. Par exemple, pendant l’afflux de réfugiés sud-soudanais de l’année dernière, alors que les organismes humanitaires travaillaient sans relâche pour leur fournir une assistance, une forte averse sans précédent en août 2014 et un débordement des eaux du fleuve Baro ont entraîné l’inondation des camps de réfugiés de Leitchuor et de Nip Nip, deux des quatre nouveaux camps mis en place pour accueillir de nouveaux réfugiés.  

« Cela a été très difficile. Nous avons connu  une situation d’urgence avec des vagues de personnes qui traversaient la frontière, puis les inondations ont créé une autre situation d’urgence », déclare le Représentant du HCR en Éthiopie, Valentin Tapsoba. Il a félicité l’Éthiopie pour avoir partagé ses maigres ressources avec les réfugiés.  

En réponse à la crise, le personnel humanitaire s’est servi d’embarcations  et d’un hélicoptère affrété  par le HCR pour transporter le personnel, les réfugiés et assurer  la logistique. Une campagne de vaccination de masse contre le choléra a également été lancée dans les camps de sinistrés. 

« Actuellement, nous avons pour priorité d’évacuer quelque 50 000 réfugiés sud-soudanais des deux camps inondés l’année dernière avant la prochaine saison des pluies qui arrive dans quelques mois », déclare Angele Djohossou, chef du bureau auxiliaire du HCR à Gambella, qui se trouve à l’ouest de l’Éthiopie et accueille plus de 250 000 réfugiés sud-soudanais.  Les réfugiés du camp de Leitchuor seront transférés sur un nouveau site que les autorités locales ont alloué tandis que ceux du camp de Nip Nip seront installés dans le  camp de réfugiés de Pugnido qui accueille actuellement environ 55 000 réfugiés sud-soudanais. « Nous continuerons à chercher de nouveaux sites pour y établir des camps au fur et à mesure que de nouveaux réfugiés continueront d’arriver », a ajouté Mme Djohossou.