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Kraft Heinz : autopsie d'un modèle qui a influencé toute l'industrie

Basé sur des rachats en série, une chasse aux coûts et des managers très jeunes, la stratégie du fonds 3G a bouleversé le secteur de l'alimentation, avant de montrer ses limites.

Allié à Warren Buffet, le fonds brésilien 3G a acquis Heinz en 2013, puis Kraft en 2015, avant de tenter de s'offrir Unilever en 2017.
Allié à Warren Buffet, le fonds brésilien 3G a acquis Heinz en 2013, puis Kraft en 2015, avant de tenter de s'offrir Unilever en 2017. (AFP)

Par Emmanuel Grasland

Publié le 24 févr. 2019 à 19:34

C'est un ouragan qui est en train de disparaître. Les 15,4 milliards de dollars de provisions passées par Kraft Heinz et son effondrement en Bourse (-27 %) semblent sonner le glas du système 3G. Un modèle mis en oeuvre par le fonds éponyme chez Kraft Heinz, Burger King et le brasseur AB InBev. Tour d'horizon d'un modèle qui a bouleversé l'industrie alimentaire.

La capacité de 3G à réduire les coûts a « un impact révolutionnaire sur tous les autres acteurs », avait reconnu en avril 2015, l'ex-président de Nestlé, Peter Brabeck-Letmathe. De fait, le modèle 3G, c'est d'abord un contrôle des coûts impitoyable. Le fonds n'a pas inventé la méthode du « budget base zéro », qui oblige une filiale à justifier tous ses coûts chaque année et pas seulement les nouvelles dépenses. Mais il l'a poussé à ses extrémités.

Fini les voyages en jet, les billets gratuits de base-ball ou les impressions sur un seul côté de la feuille. Bonjour, les hôtels entrée de gamme, les fournisseurs mis sur le gril et les réductions massives d'effectifs. Aujourd'hui, le « budget base zéro » est professé par tous les groupes de conseil. Les acteurs traditionnels s'en inspirent sans aller aussi loin, même si en France, Altice n'a pas hésité à « faire du 3G » dans les télécoms.

Un appétit d'ogre

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Cette chasse aux coûts se double d'un appétit d'ogre. Pour dégager des synergies, il faut racheter régulièrement. Allié à Warren Buffet, 3G a acquis Heinz en 2013, puis Kraft en 2015, avant de tenter de s'offrir Unilever en 2017. Auparavant, le brasseur Inbev avait mis la main sur Anheuser-Busch en 2008 puis sur SAB-Miller en 2016. Inquiets, les géants de l'alimentation ont réagi pour se mettre à l'abri d'une OPA. Sous la pression conjointe des fonds activistes et de Kraft Heinz , Danone et Nestlé se sont pour la première fois donné un objectif de marge opérationnelle courante, de respectivement 16 % et entre 17,5 et 18,5 % en 2020, tandis qu'Unilever cible les 20 % en 2020.

Troisième pilier du modèle, la RH. « Ils sélectionnent des profils psychologiques. Des types de 30-35 ans qui ont faim, qui ne viennent pas de milieux favorisés et à qui on donne des objectifs très ambitieux », explique un professionnel. Les premiers niveaux de management sont en général éliminés. Chez Heinz, le brésilien Bernardo Hees, avait par exemple reçu tous les employés du siège, pendant quinze minutes chacun, pour leur poser trois questions : quel a été votre apport à l'entreprise ? En quoi cela a-t-il augmenté les ventes ? Quelles idées avez-vous pour la société ? Ceux qui n'ont pas su répondre ont été virés.

Une absence de vision

Quatrième caractéristique, l'absence de vision. Le modèle est purement financier et consiste à fournir des protéines alimentaires à des millions de gens en maximisant les économies d'échelle. De quoi conduire à une impasse alors que la méfiance vis-à-vis de la nourriture transformée augmente et que le local est plébiscité. « Je me sens comme un dinosaure », a reconnu le cofondateur de 3G, Jorge Lemann, en avril à la conférence Milken Institute. « J'ai longtemps vécu dans un monde confortable de vieilles marques et de volumes. Il fallait simplement être efficace et ça marchait. »

Alors, il est fini le modèle 3G ? « Ils sont hyper malins », répond un professionnel. En 2018, Kraft Heinz a investi 300 millions dans le marketing pour préparer le rebond. Dans la bière, AB InBev a racheté une multitude de marques locales pour compenser le déclin de poids lourds comme Budweiser et répondre aux attentes des consommateurs. L'ogre n'a pas encore dit son dernier mot.

Emmanuel Grasland

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