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Il est temps que la finance remette l'argent au service de la société et de l’environnement

Avec CGI
© tumsasedgars via Getty Images

Un vent de changement souffle sur le monde de la finance. Emmené par des jeunes structures, l’impact investing - ou finance durable - valorise les entreprises qui corrigent les dérèglements environnementaux et sociétaux. Et contribue à remettre l’argent au service de l’économie réelle.

« Nous naviguons dans un monde complexe, et nous subissons les conséquences des derniers cycles financiers, qui ont vu la volatilité s’accroître au détriment des investissements de long terme. » Ces mots sont ceux de Larry Fink, patron de Black Rock, le plus gros gestionnaire d’actifs au monde, qui gère la bagatelle de 6 000 milliards de dollars d’actifs.

« Le capitalisme ultra-libéral et financier, trop souvent guidé par le court-terme et l'avidité de quelques-uns, va vers sa fin », déclarait quant à lui Emmanuel Macron, en Janvier 2019, à l’occasion de ses vœux adressés aux Français. Un vent de changement soufflerait-il sur le monde de la finance ? À en croire les ambassadeurs et ambassadrices de la finance à impact, ou encore les porteurs du projet Pacte Finance Climat,  il est plus que temps de faire bouger les lignes. 

Engagement, impact et rentabilité

Dans le système actuel, 97% de l’argent en circulation est créé par des banques privées et circule dans des circuits très fermés. La plupart du temps il est utilisé par des investisseurs pour spéculer, et n’alimente pas l’économie réelle. Le mouvement de la finance d’impact a émergé pour corriger ces dérives. Il s’est d’abord structuré aux États-Unis et au Canada, au tournant de la crise financière de 2008, avant d’essaimer en Europe puis partout dans le monde. « Depuis une dizaine d’années, les acteurs du secteur bancaire ont réalisé qu’il fallait prendre en compte de nouveaux enjeux. Comme par exemple le financement de la transition écologique via les obligations vertes (green bonds) ou la définition de critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) », note Nathalie Conné, Manager IT Risques, Règlementaire Banque et climat pour CGI.

Mais la finance d’impact entend aller plus loin. L’ambition de ce mouvement ? Associer des acteurs économiques dont l’objectif est de corriger des problèmes environnementaux et sociétaux, et valoriser les investissements dans ces structures. « L’impact investing est une catégorie d’investissement qui considère que le ROI doit être aligné avec la performance sociale et environnementale d’une entreprise », précise Eva Sadoun, présidente et co-fondatrice de LITA.CO, jeune pousse française du secteur.

Aller plus loin que la RSE

Ces entreprises responsables, ce sont les « entreprises à mission ». Leur modèle d’affaires est juste et profitable, et elles s’engagent à avoir un impact positif sur la société. Aujourd’hui, l’expression est à la mode : de nombreuses entreprises ont ainsi flairé l’opportunité de mettre en avant leur politique RSE. Pourtant, l’impact est une catégorie très large, qui rend la mesure et la comparaison délicates. « Dans beaucoup de cas, la RSE en entreprise ce n’est pas suffisant, il y a trop de greenwashing, et pas assez de méthodologie », appuie Paul Allard, entrepreneur montréalais, cofondateur de la fintech Impak Finance. Pour mesurer, comparer les performances des entreprises et guider les investissements, il manquait donc un indicateur fiable, reconnu internationalement. C’est ainsi qu’est né l’Impact Management Project.

Le « Yuka de la finance »

« C’est en quelque sorte le Yuka de la finance » , sourit l’entrepreneur montréalais. À l’instar de l’application qui permet de décrypter les étiquettes de produits de grande consommation, l’Impact Management Project promet de fournir des informations fiables sur l’impact des entreprises. « Avec cet outil, il est possible de passer les organisations au crible, en analysant des critères comme la gouvernance, le nombre d’emplois créés, les externalités positives ou négatives qui sont générées. » Pour les investisseurs, il devient donc possible de « faire le tri » et de valoriser, grâce à leurs capitaux, les structures qui font réellement des efforts.

Rendre l'impact accessible

Pour Eva Sadoun, la vitalité du secteur de l’impact s’explique par une demande très forte de transparence et de responsabilité. « Les gens souhaitent qu’on les réintègre dans le système, ils ont besoin de comprendre comment et où est alloué leur argent ». C’est en partant du constat qu’il fallait redonner du sens à l’investissement qu’elle a créé LITA, une structure qui permet aux particuliers d’investir dans différents projets tous garantis responsables. LITA propose ainsi des produits à impact, et un accompagnement personnalisé pour gérer au mieux son portefeuille. « Nous souhaitons rendre l’impact accessible au plus grand nombre. Nos investisseurs sont des particuliers qui peuvent suivre en ligne les impacts financiers et extra-financiers de leurs investissements », précise-t-elle.

De son côté, Paul Allard est formel. « Le mouvement est en marche. Les acteurs privés, comme les fonds d’investissements ou certaines banques, sont conscients. Il faut maintenant actionner le levier citoyen pour accélérer ce processus. Et pour cela, il faut récompenser les actions positives. »

Récompenser les actions positives

Basée à Montréal et à Paris, sa start-up Impak Finance s’emploie à « flécher le capital, de manière à ce qu’il devienne un catalyseur de changement social ». Côté entreprises, elle travaille à rassembler et à certifier celles qui répondent aux critères de l’Impact Management Project. Côté consommateur, elle s’attache à valoriser les actions positives. Et pour créer une boucle vertueuse, elle développe une place de marché en ligne, qui mettra en relation les deux parties. Chaque transaction entre une entreprise « à mission » et un-e consommateur-ice responsable sera récompensée grâce à une crypto-monnaie, l’Impak Coin.

Plus transparente et plus horizontale, la finance d’impact séduit chaque jour de nouveaux investisseurs. Aujourd’hui Impak Finance poursuit son déploiement à Montréal et à Paris. De son côté, la plateforme LITA compte 5 000 utilisateurs actifs et ambitionne de devenir la première néo-banque de l’impact. Preuve que la finance d’impact séduit de plus en plus les investisseurs… et les citoyens.

Nastasia Hadjadji

Journaliste, Nastasia Hadjadji a débuté sa carrière comme pigiste pour la télévision et le web et couvre aujourd'hui les sujets en lien avec la nouvelle économie digitale et l'actualité des idées. Elle est diplômée de Sciences Po Bordeaux.
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