Marche des fiertésMarche des fiertés à Saint-Denis : "La banlieue aussi a une vie queer"

Par Camille Chrétien le 31/05/2019
Marche des fiertés

Très loin des clichés sur une banlieue soi-disant homophobe, une association d'étudiants de Saint-Denis a décidé de mettre sur pied la première "Pride de banlieue" dans leur ville.

Les queers de banlieue en ont marre des clichés. Et ils veulent le faire savoir. Le 9 juin prochain, Saint-Denis aussi portera fièrement l'arc-en-ciel, pour la première marche des fiertés dédiée aux LGBT de banlieue. 

Mais pourquoi créer une marche des fiertés à 20 minutes de RER de Paris, où se tient la plus grande marche des fiertés de France ? Pour Youssef, l'un des deux étudiants à l'origine de cette initiative, c'est primordial. "On veut montrer qu'il peut y avoir une communauté LGBT+ en banlieue". Son acolyte, Yanis, est le fondateur de l'association Saint-Denis Ville Au Coeur, une association qui mène des actions plurithématique pour "stimuler la cohésion sociale." Tous les deux veulent donner une nouvelle image de leur ville, et des banlieues en général. "On veut valoriser le patrimoine des banlieues, et déconstruire la stigmatisation." Loin des clichés selon lesquels l'homophobie y serait monnaie courante.

Plus de visibilité pour les banlieues

En 2018, Lyes Alouane, un jeune gay de Gennevilliers "brisait la loi du silence", racontant son quotidien d'insultes, de crachats, et d'agressions. Si Youssef et Yanis ne partagent pas vraiment sa mauvaise expérience, ils ont conscience qu'il est difficile de savoir vers qui se tourner quand on est "un LGBT+ racisé, de classe populaire de banlieue." C'est de là que leur vient l'idée d'une marche des fiertés qui leur ressemble, qui acterait la création d'une communauté LGBT+ en banlieue. "On voudrait que les gens se sentent représentés et qu'ils sachent vers qui ils peuvent se tourner sans avoir à aller à Paris".  Pour autant, ils sont très heureux du retour des associations qui organisent la pride parisienne : "Plusieurs associations veulent nous aider comme l'Inter-LGBT ou Act up. On est content des retours que ça suscite."

Pour le collectif, c'est aussi une question de représentation. "On habite tous en banlieue, explique Youssef. Et on ne se reconnait pas forcément dans la Pride parisienne." En tant que personnes racisées, ils trouvent que leur discours y trop minorisé. Et puis c'est important pour la visibilité LGBT+ en banlieue. "Tout ce qui est fait est très insuffisant" déplore Youssef. Alors quand la mairie de Saint-Denis et la région ont accepté de soutenir financièrement le projet, les deux jeunes associatifs étaient soulagés. Mais ça ne couvre pas tous les frais, et une marche des fiertés, ça coûte de l'argent. Alors pour leur éviter d'avoir à avancer les fonds, l'association a également créé une cagnotte en ligne.

Des marches des fiertés partout et pour tous

Pour eux, la sensibilisation passe aussi par la découverte de la culture queer. Alors ils ont tenu à inscrire au programme un atelier drag queen et une after party avec le collectif queer "Soeurs Malsaines". "On s'est rendu compte que la communauté drag queen n'est pas aussi développée en banlieue qu'à Paris. C'est dommage. On voudrait montrer que Saint-Denis aussi a une vie queer et festive." explique Youssef.

Et devant tant de retours positifs et d'encouragements, ils espèrent que leur première marche des fiertés de banlieue va donner l'exemple. "On aimerait que chaque banlieue populaire puisse se doter de sa Pride" explique Youssef. "Finalement, on ne reçoit pas de retours homophobes de la part des habitants. Mais plutôt racistes de la part de ceux qui ne connaissent pas la banlieue. On nous dit 'C'est une idée géniale, on vous soutient à fond... Mais on espère que le système de sécurité sera efficace', comme si ça allait être dangereux." Une preuve de plus que la marche sera nécessaire.

Informations : Dimanche 9 juin de 14h30 à 18h, place de la Résistance et de la Déportation à Saint-Denis.

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Crédits photo : Tanushree Rao on Unsplash