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Bac 2019 : les « chansons de révisions », utiles avec modération

Des applications proposent de mémoriser des notions au programme du bac en les mettant en musique. Un complément parmi d’autres, qui peut aider, mais ne remplacera jamais une bonne compréhension du cours.

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Publié le 06 juin 2019 à 14h15

Temps de Lecture 5 min.

Plusieurs entreprises proposent de réviser le bac en chansons, afin d’aider les lycéens à mémoriser.

Abou Touré et Dembo Dramé sont partis de leur expérience personnelle pour créer Onzic, une application pour « réviser le bac en écoutant du rap ». « Quand on révisait, on passait de la musique pendant nos pauses et on s’est rendu compte qu’on connaissait mieux les paroles des chansons que nos cours », raconte Abou Touré, entrepreneur de 29 ans. Il y a un an, les deux amis d’enfance commencent à mettre en rap le programme d’histoire. Succès immédiat. Ils revendiquent 1,5 million d’écoutes en 2018 et 40 000 téléchargements de l’application.

Pour le bac 2019, ils ont travaillé avec des profs et des artistes pour élargir leur offre aux autres matières. L’application compte aujourd’hui 150 titres de révisions, par exemple sur la guerre 39-45. Seule l’histoire est gratuite, les autres disciplines sont accessibles sur abonnement. « Bachoter a un côté rébarbatif, alors qu’écouter des musiques, c’est plutôt cool. L’idée est vraiment de joindre l’utile à l’agréable », assure Abou Touré, qui aimerait désormais proposer du contenu de révisions pour des étudiants en droit ou en médecine.

Nouveaux usages des jeunes

A deux semaines des épreuves écrites du bac, tous les moyens sont bons pour réviser. Après le succès de chaîne YouTube comme L’antisèche ou de sites comme Les bons profs, de nouvelles applications audio apparaissent sur le juteux marché des révisions. A l’instar des comptines pour enfants, ces chansons de révisions surfent sur l’idée que l’on retient mieux en rythme et s’adaptent aux nouveaux usages des jeunes, lassés des fiches et des manuels.

Onzic n’est pas la seule à s’être positionnée sur ce créneau. Créé il y a trois ans par un Français, Alexandre Houpert, et le compositeur de musique George Hammond-Hagan, StudyTracks a d’abord été lancé en Angleterre et aux Etats-Unis, avant d’arriver en France. George Hammond-Hagan a ouvert son carnet d’adresses pour bénéficier de deux ambassadeurs de choc : JoeyStarr et Soprano, qui explique notamment le théorème de Thalès.

StudyTracks affiche 500 chansons en français aujourd’hui et 200 000 utilisateurs dans l’Hexagone. Les utilisateurs peuvent télécharger trois chansons par matière gratuitement avant de passer à une version par abonnement. « Chaque morceau est basé sur la répétition : les éléments importants sont répétés trois fois, mais de manières différentes », explique Alexandre Houpert, qui vient de rencontrer Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, pour lui faire connaître sa solution.

Un moyen pour apprendre par cœur

Mais est-ce efficace ? Professeure de physique-chimie, Catherine Troubat est convaincue de leur utilité et a expérimenté l’apprentissage de notions avec ses classes. « C’est parti d’une boutade il y a six ans avec une classe. Juste avant Noël, j’ai trouvé sur Internet une chanson en anglais sur la définition des acides et des bases. Lors du devoir suivant, certains m’ont redonné ces notions en anglais. Elles étaient restées dans leur oreille », se souvient Catherine Troubat, qui remarque qu’il existe beaucoup plus de ressources pédagogiques chantées en anglais qu’en français. « Quand il faut apprendre une définition par cœur et qu’il n’y a pas d’enjeux de compréhension les chansons ont cet avantage de pouvoir être écoutées en boucle », estime-t-elle. Et, ainsi, mieux mémorisées sans en avoir l’air.

« La mémoire musicale active les deux hémisphères : le langage à gauche et la perception à droite », explique Nicole Bouin, formatrice d’enseignants et spécialiste des sciences cognitives. « Pour peu qu’on aime le rap, en écouter stimule le circuit de la récompense. Ce qui provoque la sécrétion d’hormones, comme la dopamine, qui favorisent l’apprentissage. C’est efficace pour les notions à apprendre par cœur, mais les chansons ne pourront jamais remplacer un cours », estime-t-elle. Ainsi, elles peuvent servir de compléments, mais seulement quand on a déjà assimilé le programme : « Sinon, l’élève n’aura pas de grille mentale où raccrocher les informations. »

« Tout se ressemble, tout s’embrouille »

Professeur en psychologie cognitive et auteur du Cerveau mélomane (Belin, 2013), Emmanuel Bigand commence des recherches sur les effets de StudyTracks sur l’apprentissage. Il rappelle une évidence : il ne suffit pas d’écouter une chanson pour apprendre une notion. Celles-ci doivent être utilisées comme des supports pédagogiques parmi d’autres, « au même titre qu’un livre », estime-t-il.

C’est là toute leur vertu. « Les chansons permettent d’aborder un cours de manière différente, observe Christophe Rodo, doctorant en neurosciences à l’université d’Aix-Marseille et auteur du podcast “La tête dans le cerveau”. Plus on va multiplier les points de vue sur un cours, plus on va utiliser ses différents sens (lecture, écoute, reformulation orale, etc.) et mieux on va retenir. C’est cette combinaison qui est efficace. L’idée que certains auraient une mémoire auditive plutôt qu’une mémoire visuelle n’est pas corroborée par les études scientifiques. »

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Mais ces « chansons de révisions » doivent être utilisées avec modération. « Un élève ne peut pas faire toutes ses révisions sur ce mode, car le risque est de créer des interférences. Si tout se ressemble, alors tout s’embrouille dans la tête », affirme Emmanuel Bigand. Il préconise donc aux élèves tentés par ce format de se tester pour vérifier qu’il est efficace pour eux. Et ajoute : « Apprendre en musique a plus d’effets sur la mémoire à long terme que pour un apport immédiat. »

« Toute stratégie doit être personnalisée »

En matière de mémorisation, tout est donc affaire de stratégie. C’est, en tout cas, le credo développé par Sébastien Martinez, formateur et auteur de La mémoire est un jeu (Premier Parallèle, 2018) : « Quatre étapes sont nécessaires pour mémoriser : être attentif, filtrer les informations, les encoder – à savoir créer des liens entre elles – et les répéter. Si les chansons peuvent aider sur ces différentes étapes, elles ne peuvent être qu’une bribe d’une stratégie plus globale de révisions. De plus, pour être efficace, toute stratégie doit être personnalisée. »

Une personnalisation que revendique Mickaël Bertrand, enseignant et formateur. Adepte d’innovations pédagogiques, ce prof d’histoire-géographie a été surpris cette année par une élève qui lui a demandé de faire des synthèses orales de ses cours pour les réécouter dans le bus. Une première dans sa carrière. Il a conseillé à son élève de se fabriquer elle-même ses propres mémos vocaux et ainsi d’y associer ses moyens mnémotechniques à elle. Alors, à chacun de créer son propre « rap de révisions » ?

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