L’extraction des ressources responsable de la moitié des émissions mondiales de carbone

Les industries extractives sont responsables de la moitié des émissions de carbone et de la perte de plus de 80 % de la biodiversité, selon le bilan environnemental le plus complet de l’exploitation minière et agricole. Un article de notre partenaire, The Guardian.

Une étude du programme des Nations unies pour l’environnement révèle que le poids croissant de l’économie mondiale a un impact bien plus nocif sur le climat et les écosystèmes qu’il ne l’avait été évalué auparavant. Les ressources sont aujourd’hui extraites de la planète trois fois plus vite qu’en 1970, bien que la population n’ait fait que doubler depuis lors, selon le rapport Global Resources Outlook, publié à Nairobi le 12 mars.

Chaque année, plus de 92 milliards de tonnes de matières premières sont consommées : de la biomasse (principalement pour l’alimentation), des métaux, des combustibles fossiles et des minéraux, et ce chiffre croît à hauteur de 3,2 % par an.

Depuis 1970, l’extraction des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) a augmenté de 5 milliards de tonnes, celle des métaux augmente de 2,7 % chaque année et celle d’autres minéraux (particulièrement le sable et le gravier pour la fabrication de béton) a pratiquement été multipliée par 5, passant de 9 à 44 milliards de tonnes. Sur la même période, la récolte de la biomasse est quant à elle passée de 9 à 24 milliards de tonnes.

L’utilisation des ressources, un levier majeur pour le climat

L’utilisation plus efficace des ressources représente un levier crucial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, note un rapport publié le 14 mai par le think tank britannique Green Alliance. Un article de notre partenaire, le Journal de l’environnement

L’extraction exponentielle de ces ressources a été grandement bénéfique à notre économie jusqu’à l’an 2000, mais le taux de rendement a depuis bien diminué, en raison des coûts plus élevés de l’extraction des ressources et de l’impact environnemental qui peut difficilement être ignoré.

« L’économie mondiale s’est focalisée sur l’amélioration de la productivité, au dépens des matières premières et de l’énergie. Cette stratégie était justifiée dans un monde ou le travail était le facteur limitant la production. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les ressources naturelles sont le facteur limitant la production, et nous devons changer cela et mettre l’accent sur la productivité des ressources », explique le rapport.

Les avantages économiques et les coûts environnementaux sont variables en fonction du secteur. Le changement d’affectation des sols représente 80 % de la perte de la biodiversité et 85 % des pénuries d’eau, à cause de la déforestation et de la disparition des zones humides remplacées par des cultures qui ont besoin d’être irriguées. L’extraction et la transformation primaire des métaux et autres minéraux est responsale de 20 % des impacts sur la santé liés à la pollution atmosphérique et de 26 % des émissions de carbone.

Le plus surprenant pour les auteurs a été l’énorme impact climatique de l’extraction de matières premières du sol et de leur préparation pour utilisation. Tous les secteurs confondus représentent 53 % des émissions de carbone du monde – avant même que l’on ne tienne compte des combustibles consommés.

« Je ne m’attendais pas à ce que la moitié de l’impact climatique soit attribué à l’extraction et à la transformation des ressources », a déclaré Stefanie Hellweg, l’une des auteurs de l’étude. « Elle lève le voile sur les ressources qui se cachent derrière les produits. En se concentrant sur eux, leur immense impact est devenu évident. »

Les sols, laissés pour compte de la stratégie de l’UE pour le climat

Le changement climatique provoque des dégâts sur l’agriculture, et l’utilisation des terres contribue au réchauffement de la planète. Pourtant, les sols attirent peu l’attention des décideurs politiques dans leur stratégie sur le climat.

 

Le document met en évidence des inégalités croissantes. Les habitants des pays riches consomment en moyenne 9,8 tonnes de ressources par an, soit le poids de deux éléphants. Ce chiffre est 13 fois plus élevé que celui des groupes à faible revenu. Une grande partie de ce phénomène est invisible parce qu’une grande quantité de matériaux est souvent nécessaire pour un petit produit final, tel qu’un téléphone portable.

Izabella Teixeira, ancienne ministre brésilienne de l’Environnement, a déclaré que le rapport soulignait comment les riches pays consommateurs ont exporté une pression environnementale vers les pays pauvres producteurs. Elle estime qu’il est temps de changer ce modèle qui s’approche dangereusement des limites du climat et de la biodiversité et qui est néfaste pour toute la planète. « Il faut du leadership pour cela car actuellement, les décisions sont prises en fonction du passé, il faut les tourner vers l’avenir. »

Reste à savoir d’où viendra ce leadership dans le contexte politique actuel, sachant que les États-Unis et le Brésil sabrent les règlementations environnementales existantes. La Chine avance sur les renouvelables et la pollution, mais sa croissance est encore plus gourmande en matières premières que les nations développées.

Selon les auteurs, il est essentiel de dissocier la croissance économique de la consommation de matières premières. Sans changement, la demande de ressources devrait plus que doubler pour atteindre 190 milliards de tonnes par an, les gaz à effet de serre augmenteraient de 40 % et la demande de terres augmenterait de 20 %.

Ils ont toutefois déclaré que ce scénario catastrophique pourrait être évité s’il y avait une transition plus rapide vers les énergies renouvelables, une planification urbaine plus intelligente pour réduire la demande de béton, des changements dans l’alimentation pour diminuer le besoin de pâturages et réduire les niveaux de déchets (actuellement un tiers de tous les aliments), et une attention accrue pour créer une économie circulaire qui réutilise davantage les matériaux.

« Il est possible de croître différemment avec moins d’effets secondaires. Ce rapport prouve clairement que c’est possible et que la croissance en sera plus forte », a déclaré Janez Potočnik, coprésident de l’International Resource Panel et ancien commissaire à l’environnement de l’Union européenne. « Ce n’est pas un travail facile à faire, mais croyez-moi, le scénario alternatif est pire. »

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