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Billet de blog 30 mars 2012

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Christianisme : l'invention du baptême et des formules de foi

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L’invention du baptême et des formules de foi.

 Mais qu’en est-il du baptême ? On ne perçoit pas clairement, dans les évangiles ni dans les Actes,  que le baptême s’accompagne de la prononciation de formules qui expliciteraient le contenu des croyances auxquelles, par le baptême, le néophyte adhère.  Même après que, dans l’Evangile de Matthieu, le Christ ait dit à ses apôtres : «Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit», - sans en avoir parlé auparavant, répétons-le -  dans les premières allusions qui suivent à l’acte du baptême (Actes 2, 38 et 41 ; 8, 16), aucune profession de foi n’est précisée. Tel est le cas, notamment, du baptême de Paul (Actes, 9, 18), et c’est encore le cas du baptême des premiers païens (Actes10, 17-18). Il n’y aura guère plus de précisions au sujet du baptême dans les Actes qu’il n’y en a dans les Evangiles. Dans une des épitres apostoliques, la première de Pierre, une brève allusion est faite au baptême, mis en relation avec le salut par l’embarquement dans l’arche de Noë : «Ce qui y correspond, c’est le baptême qui vous sauve à présent et qui n’est pas l’enlèvement d’une souillure charnelle, mais l’engagement à Dieu d’une bonne conscience par la résurrection de Jésus-Christ (...)» (1 Pierre, 3, 21).La discrétion est grande sur le baptême et les profession de foi dans le Nouveau Testament. On est en droit de se demander, compte tenu de ce que l’on sait que les évangiles sont faits de couches rédactionnelles successives, si les baptêmes des chrétiens primitifs commencent parce que le Christ en avaient donné l’ordre ou bien si, au contraire, l’ordre du Christ est ajouté parce que les chrétiens avaient pris l’habitude de se livrer à cette pratique. 

Au IVème siècle, alors que le «Credo» s’est étoffé en 12 articles puisque le Concile de Nicée en fixera la formule, divers pères de l’Eglise affirmeront qu’il remonte aux apôtres  «Si rien ne peut être enlevé des écrits d’un seul apôtre, coinment oserions-nous entâcher le symbole que nous avons reçu dans sa tradition et dans sa composition des apôtres ? Voici que selon les douze apôtres, douze sentences ont été exprimées.» (Ambroise de Milan : Explication du symbole)  ;  « Nos anciens rapportent qu’après l’ascension du Seigneur, lorsque le Saint-Esprit se fut reposé sur chacun des apôtres, sous forme de langues de feu, afin qu’ils pussent se faire entendre en toutes les langues, ils reçurent du Seigneur l’ordre de se séparer et d’aller dans toutes les nations pour prêcher la parole de Dieu. Avant de se quitter, ils établirent en commun une règle de la prédication qu’ils devaient faire afin que, une fois séparés, ils ne fussent exposés à enseigner une doctrine différente à ceux qu’ils attiraient à la foi du Christ. Etant donc tous réunis, remplis de l’Esprit Saint, ils composèrent ce bref résumé de leur future prédication, mettant en commun ce que chacun pensait et décidant que telle devra être la règle à donner aux croyants. Pour de multiples et très justes raisons, ils voulurent que cette règle s’appelât symbole. (Rufin d’Aquilée Commentaire du symbole des apôtres, 2) ; «Le symbole de notre foi et de notre espérance fut transmis par les apôtres.» (Jérôme Contre Jean de Jérusalem, 28.) Dès le IIIème siècle, on trouve cette affirmation : «Il faut savoir que les saints apôtres prêchant la foi du Christ ont transmis en termes manifestes les points de doctrine qu’ils estimaient nécessaires.» (Origène, Traité des principes, préface) 

On constate que, plus ou avance dans le temps, plus le Credo prend de l’ampleur. Incidemment, tous ces auteurs veulent en attribuer la paternité aux apôtres, sans se soucier de ce que les évangiles et les Actes qu’ils ont entre les mains leur démontre le contraire. On peut constater par là, incidemment, que dès les premiers siècles, la foi ne fait pas bon ménage avec l’histoire. Le besoin de preuves n’est toutefois pas absent puisque si elles manquent à leur raisonnement, certains auteurs n’hésiteront pas à les créer. Nous parlions précédemment des Constitutions Apostoliques, qui datent du Vème siècle, l’auteur (anonyme) que l’histoire traditionnelle appelle le compilateur et qu’une histoire juste devrait appeler un faussaire, n’hésite pas à présenter un baptême et un credo de sa façon. 

Je rappelle que si le texte est de la fin du Vème siècle, il se présente aux contemporains comme un texte très ancien et qu’il est signé des apôtres :  «Doit-on instruire quelqu’un dans la doctrine de la foi , qu’on lui enseigne donc avant le baptême la connaissance qui se rapporte au Dieu ingengendré, la connaissance élaborée qui se rapporte au Fils Monogène, la certitude qui se rapporte au Saint-Esprit. Qu’on lui apprenne l’ordre des différentes créations, la série des interventions de la providence, les ordonnances des diverses législations. Qu’on l’instruise des raisons pour lesquelles le monde a été créé et l’homme établi citoyen du monde ; qu’on l’informe sur sa propre nature, ce qu’elle est. Qu’on lui apprenne comment Dieu a puni les méchants par l’eau et le feu (...) qu’on lui apprenne comment Dieu, dans sa providence, plutôt que de se détourner du genre humain, les a appelés de l’erreur et de la vanité à la connaissance de la vérité, en divers temps, les menant de l’esclavage et de l’impiété à la liberté et à la piété, de l’injustice à la justice, de la mort éternelle à la vie éternelle  (...) Après cette action de grâce, qu’on l’instruise de l’incarnation du Seigneur, de sa passion, de sa résurrection des morts et de son ascension.» C.A. Livre VII, 39, 2-5

Le baptême est l’occasion de lutter contre les hérésies :  « Car comme un bon agriculteur nettoie d’abord la terre et la débarrasse des épines qui y avaient poussé, avant de semer le froment, de même vous faut-il d’abord extirper chez les candidats toute impiété avant de semer en eux la piété et de les juger dignes du baptême. En effet, le Seigneur nous l’a ordonné quand il disait : «d’abord, enseignez toutes les nations» Il a alors ajouté : «Et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.» (id. 40, 2-3). Après que, sous la houlette du prêtre qui va lui administrer le baptême, le catéchumène ait dit ce à quoi il ne croit pas, c’est-à-dire à l’erreur, et ce à quoi il renonce, c’est-à-dire à Satan, il doit dire fermement ce à quoi il croit, c’est-à-dire réciter la profession de foi que voici : «Et je m’attache au Christ. Je crois et je suis baptisé en l’unique ingendré, seul vrai Dieu, tout-puissant, Père du Christ, créateur et auteur de toute chose, de qui tout vient, et en Jésus-Christ, le Seigneur, son Fils Monogène, le premier-né de toute créature, engendré avant les siècles par la prédilection du Père, non pas créé, par qui tout a été fait, au ciel et sur la terre, le visible et l’invisible. Dans les derniers jours, il est descendu des cieux et a pris chair, il a été engendré de la sainte Vierge Marie, il a vécu saintement, selon les lois de Dieu son Père, il a été crucifié sous Ponce-Pilate, il est mort pour nous, il est ressuscité des morts le troisième jour après sa passion, il est monté aux cieux, il est assis à la droite du Père, il reviendra avec gloire à la fin du monde pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin. Je suis aussi baptisé en l’Esprit-Saint, c’est-à-dire le Paraclet, qui a agi en tous les saints depuis le début et qui, ensuite, a été envoyé également aux apôtres par le Père, selon la promesse de notre sauveur et Seigneur Jésus-Christ, et après les apôtres, à tous ceux qui croient dans la sainte Eglise universelle et apostolique. Je crois à la résurrection de la chair et à la rémission des péchés, au royaume des cieux et à la vie du siècle à venir». (id. 41, 1-9)

Une lecture non-attentive de ce Credo peut donner un sentiment trompeur de familiarité : n’est-ce pas, à quelques détails près celui que les chrétiens récitent encore aujourd’hui, connu sous le nom de Credo de Nicée-Constantinople ? A quelques détails près, oui.  La plupart de ces détails ne sont pas d’une importance capitale , mais il est une différence qui, parce qu’étant justement d’importance capitale, ne peut pas être considéré comme un détail. Ce Credo est, en effet, parfaitement hérétique. Passons sur le fait qu’encore à la fin du Vème siècle, certains chrétiens lient la venue du Messie aux derniers jours, et doivent, par conséquent, s’étonner du retard de la fin du monde, mais l’attendre toujours. Ce sur quoi, en revanche, on ne peut pas ne pas s’arrêter est la différence qui est faite entre l’unique ingendré, seul vrai Dieu, tout-puissant, Père du Christ, créateur et auteur de toute chose, et Jésus-Christ, le Seigneur, son Fils Monogène, le premier-né de toute créature, engendré avant les siècles par la prédilection du Père, non pas créé, par qui tout a été fait. Il s’agit tout simplement d’une conception des rapports entre le fils et le père très proche de l’arianisme. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’au fil des siècles, les Constitutions Apostoliques, non sans continuer à jouer un rôle de première importance dans la constitution du droit canon 

(1), ont commencé a attirer la suspicion sur leur authenticité. C’est le VIème Concile œcuménique, dit Concile Quinisexte ou Concile in Trullo (692) qui le déclare pollué par des interpolateurs hérétiques, mais pour le fond hérité des apôtres : « (...) certaines falsifications et choses étrangères à l’Eglise ont été ajoutées jadis par quelques-uns des hétérodoxes au détriment de l’Eglise, (...) nous croyons utile, pour l’édification et la sécurité du peuple chrétien de rejeter ces Constitutions, afin de ne pas mêler les productions de la fausseté hérétique à l’enseignement authentique et adéquat des apôtres». 

 (2)  Pendant de longs siècles, aussi bien dans l’Eglise d’Orient que dans l’Eglise d’Occident, on considèrera les Constitutions Apostoliques, comme un texte des Apôtres transmis à la postérité via Clément de Rome, ceci jusqu’au milieu du XIXème siècle. Le concile de Trente, notamment, ne manquera pas d’authentifier l’origine apostolique du Credo, comme cela figure dans l’article 1,1,2 du catéchisme de 1566 : «Cette profession de foi et d’espérance chrétienne que les apôtres avaient composée, ils l’appelèrent symbole, soit parce qu’ils la formèrent de l’ensemble des vérités différentes que chacun d’eux formula, soit parce qu’ils s’en servirent comme d’une marque et d’un mot d’ordre qui leur ferait distinguer aisément les vrais soldats de Jésus-Christ des déserteurs et des faux frères qui se glissaient dans l’Église pour corrompre l’Evangile»

La falsification est loin d’être un cas unique, à cette époque, à de plus anciennes et à de plus tardives. Dans les oeuvres d’Augustin, le sermon 241 fournit une version du Credo où chacun des douze articles est énoncé, tour à tour, par chacun des douze apôtres. On l’attribuera, comme d’autres textes problématiques du Docteur de la grâce, à une pseudo-Augustin jamais identifié. 

 (3)

Ces diverses versions du Credo montrent que, dans la pratique, dans l’Eglise des Vème, VIème, VIIème siècles, l’orthodoxie était encore loin d’être définitivement fixée, en dépit des conciles oecuméniques déjà nombreux, et elle ne le sera même jamais, puisque le christianisme se subdivisera en différentes branches. L’orthodoxie est une vue de l’esprit, particulièrement entretenue par le christianisme catholique. Mais quels états successifs de la foi nous révèle l’examen des formules que nous ont laissé les siècles précédents et dont nous trouvons trace toujours à l’occasion du baptême.

Clément de Rome ne parle pas de baptême dans sa lettre aux Corinthiens. La première mention qui en est faite dans la littérature patristique se trouverait dans la Didachè que la majeure partie des experts date du début, voir de la moitié du IIème siècle mais que, au moins l’un d’entre eux, considère d’une facture beaucoup plus précoce : entre 50 et 70.  

 (4) : «Baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit dans l’eau vive… Verse sur la tête trois fois de l’eau au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit

Un passage de Justin de Néapolis dans sa première Apologie (datant des environs de 155) fait allusion à une immersion dans l’eau ,s’accompagnant de commentaires ,dont les termes peuvent étonner quelque peu : : « Ensuite, nous les conduisons en un endroit où il y a de l’eau et là, de la même manière que nous avons été régénérés nous-mêmes, ils sont régénérés à leur tour : au nom de Dieu le Père et le maître de toutes choses, et de Jésus-Christ, notre Sauveur, et du Saint-Esprit. Ils sont alors lavés dans l’eau. Car le Christ a dit : «Si vous ne renaissez, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Il est bien évident pour tout le monde que ceux ui sont nés une fois ne peuvent pas rentrer dans le sein de leur mère. Le prophète Isaïe, comme nous l’avons dit plus haut, enseigne de quelle manière les pécheurs repentants effaceront leurs péchés. Il s’exprime en ces termes : «Lavez-vous, purifiez-vous, enlevez le mal ce vos coeurs, apprenez à bien faire, rendez justice à l’orphelin et défendez la veuve ; venez alors et comptons, dit le Seigneur. Vos péchés vous eussent-ils rendus rouges comme la pourpre, je vous rendrai blancs comme la laine ; fussiez-vous rouyges comme l’écarlate, je vous rendrai blancs comme la neige. Mais si vous ne m’écoutez pas le glaive vous dévorera. C’est la bouche du Seigneur qui a parlé Voici la doctrine que les apôtres nous ont transmise sur ce sujet… : cette ablution s’appelle illumination parce que ceux qui reçoivent cette doctrine ont l’esprit rempli de lumière. Et aussi au nom de Jésus-Christ qui fut crucifié sous Ponce Pilate et au nom de l’Esprit Saint qui prédit par les prophètes toute l’histoire de Jésus, est lavé celui qui est illuminé.» 1ère Apologie, I, LXI.1-9 ;12-13

A lire ce passage qui est l’une des toutes premières descriptions du rite baptismal selon les chrétiens, on a l’impression que l’institution du baptême  est justement antérieure au christianisme ; en fait il témoigne d’une période de transition où le christianisme émerge d’une sorte de magma religieux où toutes sortes de croyances et de pratiques se mélangent. C’est tout-à-fait conforme à cette autre œuvre fameuse de Justin, le Dialogue avec le Juif Tryphon, que l’on regarde comme l’un des témoignages de la séparation entre les juifs et les chrétiens ; d’autre part, en divers passages de la première Apologie s’en prend à ces adversaires qui seront bientôt les hérétiques identifiés, ayant nom, entre autres, Simon, Ménandre, Marcion. La Trinité, quant à elle, ne semble pas associée au rite baptismal.

Elle apparaît, en revanche chez Irénée, non pas dans dans le premier livre de Contre les hérésies,où il est plusieurs fois question du baptême du Christ, mais une seule fois du baptême du néophyte, à quoi il associe une règle de vérité qu’il ne précise pas : «  Ainsi en va-t-il de celui qui garde en soi, sans l'infléchir, la règle de vérité qu'il a reçue par son baptême : il pourra reconnaître les noms, les phrases et les paraboles provenant des Écritures, il ne reconnaîtra pas le système blasphématoire inventé par ces gens-là.. «(Contre les Hérésies, 1, 9,...). L’allusion est un peu plus claire dans sa Démonstration de la prédication apostolique : « Voici ce que nous assure la foi, telle que les presbytres, disciples des apôtres, nous l’ont transmise. Tout d’abord, elle nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le baptême pour la rémission des péchés, au nom de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui s’est incarné, est mort, et est ressuscité, et dans l’Esprit Saint de Dieu.» (Démonstration, 3).

La forme la plus ancienne (La forma antiquissima) du symbole des apôtres figure dans un tete apocryphe originaire d’Asie Mineure, écrit en grec et composé après 150, dont voici le libellé :     «Je crois en Dieu le Père tout-puissant,
et en son Fils unique notre Seigneur Jésus-Christ
et au Saint-Esprit
et en la résurrection de la chair
et en la sainte Église catholique
.» 

  (5)

Au IIIème siècle, dans son ouvrage intitulé «De la prescription des hérétiques», Tertullien fait allusion au baptême, dans des termes d’autant plus intéressants qu’il se réfère à la pratique de l’Eglise de Rome, dont il dit également qu’elle communique avec les Eglises d’Afrique 

(6) , mais il n’associe pas à ce rite d’immersion la récitation d’une formule : « Mais voulez-vous satisfaire une louable curiosité, qui a pour objet le salut, parcourez les Eglises apostoliques, où président encore, et dans les mêmes places, les chaires des Apôtres; où, lorsque vous écouterez la lecture de leurs lettres originales, vous croirez voir leurs visages, vous croirez entendre leur voix. (...)Voyons donc ce qu'a appris et ce qu'enseigne Rome, et en quoi elle communique particulièrement avec les Eglises d'Afrique. (...) Voilà les sources où elle puise sa foi. Elle fait renaître ses enfants dans l'eau, elle les revêt du Saint-Esprit, elle les nourrit de l'Eucharistie, les exhorte au martyre, et rejette quiconque ne professe pas cette doctrine. C'est cette doctrine, je ne dis plus qui nous annonçait des hérésies pour les temps à venir, mais de qui elles sont sorties». (de la prescription des hérétiques, 36) Rien de surprenant à ce qu’il dise que les hérésies naissent de la juste doctrine, puisqu’il est, avec Irénée, l’un des deux grands hérésiologues créateurs de cette théorie. Quant au formulaire de foi, il figure bien dans la même œuvre, mais dans une partie antérieure et non associée au baptême : « Or, voici la règle ou le symbole de notre foi; car nous allons faire une déclaration publique de notre croyance. Nous croyons qu'il n'y a qu'un seul Dieu, auteur du monde qu'il a tiré du néant par son Verbe engendré avant toutes les créatures. Nous croyons que ce Verbe, qui est son fils, est apparu plusieurs fois aux patriarches sous le nom de dieu, qu'il a toujours parlé par les prophètes; qu'il est descendu, par l'opération de l'Esprit de Dieu le Père, dans le sein de la Vierge Marie, où il s'est fait chair; qu'il est né d'elle; que c'est notre Seigneur Jésus-Christ qui a prêché la loi nouvelle et la promesse nouvelle du royaume des cieux. Nous croyons qu'il a fait plusieurs miracles; qu'il a été crucifié; qu'il est ressuscité le troisième jour après sa mort; qu'il est monté aux cieux, où il est assis à la droite de son Père; qu'il a envoyé à sa place la vertu du Saint-Esprit, pour conduire ceux qui croient; enfin qu'il viendra avec un grand appareil, pour mettre les saints en possession de la vie éternelle et de la béatitude céleste, et pour condamner les méchants au feu éternel, après les avoir ressuscites les uns et les autres en. leur rendant leur chair.» (id. 13) La divinité de Jésus-Christ est évoqué, de manière quelque peu déroutante : puisqu’il serait apparu plusieurs fois aux patriarches sous le nom de Dieu et se serait exprimé par les prophètes. D’autre part, Tertullien affirme croire, aux miracles de Jésus, à la crucifixion, la mort, la résurrection, l’ascension, mais ne mentionne toujours pas les quatre évangiles ; nous sommes pourtant à la fin du IIème siècle.

Enfin vient Hippolyte de Rome - mais nous sommes au IIIème siècle - qui donne une première description assez précise du baptême chrétien, rite et profession de foi, sous une forme originale : « Que celui qui doit être baptisé descende dans l’eau et que celui qui le baptise lui impose la main sur la tête-en disant : Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant ?  Et que celui qui est baptisé réponde : Je crois. Qu’il le baptise alors une fois en lui tenant la main posée sur la tête. Puis qu’il lui dise : Crois-tu au Christ Jésus, le Fils de Dieu qui est né par l’Esprit Saint de la Vierge Marie, est mort et a été enseveli, est ressuscité vivant des morts le troisième jour, est monté aux cieux, est assis à la droite du Père, viendra juger les vivants et les morts ? Et quand il aura dit : Je crois, qu’il le baptise de nouveau. Qu’il lui dise de nouveau :  Crois-tu au Saint-Esprit, en la sainte Église et en la résurrection de la chair ? Que celui qui est baptisé dise : Je crois. Et ainsi qu’on le baptise une troisième fois.» ( La tradition apostolique, II, 1) On peut observer que la divinité de Jésus n’est pas nettement affirmée, pour dire le moins; de fait, ce grand pourfendeur d’hérétiques, qui se dit le disciple d’Irénée, se verra lui-même accusépar la théologie ultérieure de subordinationisme, c’est-à-dire cette hérésie qui fait du fils un être dépendant du Père et non son égal.

L’histoire du Credo ne s’examine donc pas sous l’angle beaucoup trop réducteur des conciles de Nicée et de Constantinople. Beaucoup d’autres formules de foi existaient avant et, d’ailleurs, dans une lettre qu’il adresse à ses administrés 

(7) qui donne le compte-rendu du concile de Nicée, Eusèbe de Césarée avance que le Credo adopté est celui qu’il a proposé qui n’était autre, évidemement, que le Credo en usage dans son Eglise de Césarée, à un point près, dont il se lamente et non sans raison car ce point est essentiel ; c’est que l’on y ajoute, pour définir la relation entre le Fils et le Père, le terme d’homoousios qui consacre l’égalité de nature ceux dont à Césarée comme en bien d’autres lieux, on était peu conscient. Si on l’en croit, c’est l’empereur Constantin qui aurait imposé le mot homoousios, qui sera ultérieurement l’objet de tant de polémiques. 

 (8)

La réalité historique n’est pas qu’il y eut deux formules de foi, l’une en usage à Césarée et l’autre adoptée par l’ensemble des évêques réunis à Nicée, avec intervention décisive ou non de l’empereur Constantin, la réalité est qu’il y avait des formules de foi différentes un peu partout. Peu importe qu’elles aient toutes suivi un schéma général identique dans la mesure où le coeur du problème pouvait tenir au choix d’un mot. Pour le seul quatrième siècle, entre le concile de Nicée (325) et celui de Constantinople (381) nous disposons d’au moins unedouzaine de formules de foi différentes  qui furent discutés à l’occasion d’autres conciles qui pour n’avoir pas reçu par la suite le statut d’œucuménique, n’en étaient pas moins important. Ce sont :

- Premier symbole du concile de la dédicace (341)

- Deuxième symbole du concile de la dédicace (341)

- Troisième symbole du concile de la dédicace (341)

- Quatrième symbole du concile de la dédicace (341)

- Symbole du Concile de Sardique (343)

- Formule de foi  dite de Philoppopolis (343)

- Symbole du concile d’antioche (345)

- Symbole du premier concile de Sirmium (351)

- Symbole du deuxième concile de Sirmium (357)

- Quatrième symbole de Sirmium (359) (dit Credo daté)

  • Symbole de Rimini (359)

La liste n’est pas exhaustive.

 (9) Le point le plus constant de toutes ces formules, c’est qu’elles se terminent généralement par l’anathème lancé sur l’adversaire.  Un  millénaire plus tard, au siècle de la Réforme, Calvin écrit : « Je nomme le symbole des apôtres, mais je ne me soucie pas beaucoup de savoir qui en a été l’auteur… Quoi qu’il en soit, je ne doute nullement, de quelque part qu’il soit procédé, qu’il n’ait été dès le premier commencement de l’Église et même dès le temps des apôtres reçu comme une confession publique et certaine de la foi.» 

 (10)

Notes :

1 A

2 Id. c

3 Voir ce Credo en annexe

4 A

5 S

6 Tertullien (vers 150-vers 220) est dit «de Carthage», ce qui est juste ; mais son père est centurion romain et ses contacts avec Rome sont étroits; il y exercerait même, durant un temps, la profession de rhéteur.

7 Eusèbe de Césarée, Epist. PG. t. XX, col 154

8 Voir en annexe, «Le symbole d’Eusèbe de Césarée», dans l’histoire des conciles d’Hefele.

9

10 Calvin, De la foi,

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