Passage de l'Arctique : la ruée vers l'abîme

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La fonte des glaces au pôle Nord, causée par le réchauffement climatique, ouvre de nouvelles voies de passage et des perspectives d'exploitation des ressources en hydrocarbures.

La route de l’Arctique attise de plus en plus de convoitises avec l’accélération de la fonte des glaces. Un espace particulièrement stratégique puisque le réchauffement climatique, deux fois plus rapide aux pôles, y ouvre de nouvelles voies pour la navigation. Un passage désormais praticable tout au long de l’année et qui permet de réduire considérablement les trajets. Près de vingt jours de moins pour les navires reliant l’Asie à l’Europe, obligés jusqu’à présent, de passer par le Canal de Panama. 

Une opportunité qui n’a bien entendu pas échappé aux puissances de la région, à commencer par la Chine, qui a désigné ces « routes polaires de la soie »  comme une des priorités de sa conquête économique et commerciale. 

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Sans être un État du cercle polaire, la Chine s’investit donc chaque jour un peu plus dans la région. Elle a ainsi, depuis 2013, le statut d'Etat observateur au Conseil de l'Arctique et s’est rapproché ces derniers temps de son voisin russe afin de s’associer à l’exploitation imminente de la banquise.

Il faut dire que la Russie s’est déjà largement investie dans cette zone, revendiquant le statut de principale puissance polaire. Vladimir Poutine a ainsi annoncé sa volonté de multiplier par quatre le trafic de fret transitant par la voie polaire d’ici à 2025. Et lors du forum de l’Arctique, qui se tenait il y a quelques semaines à Saint Pétersbourg, le président Poutine a rappelé que l’Arctique concentrait 10% des investissements de la Fédération et réaffirmé sa volonté d’amplifier encore la présence de son pays dans la région. 

Une volonté qui s’est traduite très concrètement puisque, depuis 2013, la Russie a construit ou rénové sept bases militaires le long de la route du Nord et déployé des lanceurs de missiles, radars et autres installations militaires dans toute la zone. 

Mais au-delà de ces enjeux stratégiques et commerciaux, cette région du grand Nord aiguise surtout les appétits car elle regorge d’hydrocarbures en quantités insondables : l’Arctique pourrait ainsi abriter près d’un tiers des réserves mondiales de gaz et près de 15% du pétrole planétaire. 

La fonte des glaces marque donc le départ d’une nouvelle ruée vers l’or noir. Comme l’explique Mika Mered, spécialiste des enjeux géopolitiques de la région, « le système russe est fondé sur sa rente pétrolière. Or, les ressources d’hydrocarbures, exploitées dans le sud-ouest de son territoire depuis l’ère soviétique, se tarissent petit à petit ». Se tourner vers l’Arctique est donc, pour la Russie, une question de survie. 

Mais bien sûr les autres puissances de la région ne l’entendent pas de cette oreille. A commencer par les Etats-Unis qui lorgnent également vers le Nord grâce à leur implantation en Alaska. Les velléités russes en Arctique ont poussé Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, à déclarer il y quelque jours : « ce n’est pas parce que l’Arctique est un monde sauvage que la loi du plus fort doit y régner ». 

Une déclaration, en forme de mise en garde, qui ne présage rien de bon quant à l’évolution des relations entre les géants du grand Nord... Mais surtout, une surenchère verbale qui traduit la volonté inébranlable d’exploiter les ressources, coûte que coûte, jusqu’à la dernière goutte. 

Alors même que c’est la consommation d’énergies carbonées qui est la cause du réchauffement climatique, qui libère à son tour de nouvelles réserves d’hydrocarbures, on semble pris de vertige face au cynisme et  à l’inconséquence de l’homme, qui semble incapable de fixer des limites à une démesure qui risque pourtant de lui être fatale. 

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