La Croix : La baisse des dons des particuliers, enregistrée en 2018, risque-t-elle de fragiliser le secteur associatif ?

Viviane Tchernonog : Les dons représentent, en moyenne, une part assez petite du financement du secteur associatif dans son ensemble. Le mécénat, le sponsoring, les dons des particuliers et les dons des fondations, tout compris, comptent pour 4,5 % environ des ressources globales des associations. Il y a cependant des différences selon les secteurs. Le poids des dons est important dans l’humanitaire, la défense des droits et des causes ou l’action sociale.

→ BAROMÈTRE. 2018, année noire pour les dons aux associations

Si les associations du champ social et médico-social reçoivent ainsi une grande partie des dons, elles vivent néanmoins surtout des financements publics – venant de l’État, des collectivités locales ou des organismes sociaux – qui restent donc majeurs dans leur budget.

Le secteur de la défense des causes – associations de défense de l’environnement ou de lutte pour le droit des femmes, par exemple – ne reçoit pas beaucoup de ressources publiques et est peu subventionné. Les dons y constituent donc une source importante du financement.

Qu’en est-il des financements publics ?

V. T. : Les ressources publiques ont des natures différentes : les subventions sont des financements accordés aux associations pour soutenir leur projet ; dans les commandes publiques les associations agissent comme prestataires. Ces dernières années, les commandes publiques ont augmenté au détriment des subventions.

Au total, la part des financements publics dans les ressources totales des associations a baissé pour se situer dorénavant à 45 %. Ce qui a conduit les associations à rechercher des ressources privées. Les marges de manœuvre étant limitées, c’est la participation des usagers au service rendu qui a servi de variable d’ajustement. Elle alimente dorénavant 42 % du budget total des associations, ce qui pose la question de l’accès aux associations de certains publics.

Quels ont été les principaux effets de ces changements dans l’origine des financements ?

V. T. : Les commandes publiques s’adressent surtout aux grosses associations qui ont la taille critique suffisante, et les ressources humaines nécessaires, pour pouvoir accéder à ces commandes ou répondre à un appel d’offres. Celles-ci ont vu leur poids augmenter dans les dernières années et leur nombre baisser sous l’effet de phénomènes de concentration.

Les toutes petites associations, qui constituent la majorité du tissu associatif, et qui fonctionnent avec quelques subventions communales et du bénévolat, n’ont quasiment pas été touchées par la transformation des ressources publiques.

En revanche, cette transformation a beaucoup déstabilisé les associations de taille intermédiaire. C’est ennuyeux car ces associations sont très ancrées dans les territoires, ouvertes vers les autres, actives dans tous les secteurs d’activité et elles fonctionnent avec un engagement citoyen fort. Elles sont en perte de vitesse depuis une quinzaine d’années, en nombre et en poids, alors même qu’elles jouent un rôle d’équilibre, notamment territorial, essentiel.

Le secteur associatif perd-il des emplois ?

V. T. : En fait, l’emploi stagne depuis cinq ou six ans. Son évolution fluctue autour de zéro selon les années. Si on examine les évolutions selon les budgets associatifs, qui sont très liés à l’évolution de l’emploi, on constate des différences importantes selon les secteurs. Le poids des associations de solidarité (humanitaire, social, médico-social) continue d’augmenter. Les autres secteurs d’activité – éducation populaire, sports et loisirs, etc. – voient au contraire leur poids relatif se stabiliser. La montée en charge des départements, qui sont dorénavant les premiers financeurs du monde associatif, et qui concentrent leurs financements vers ces secteurs explique en partie cette évolution.

Les pouvoirs publics n’ont-ils pas tendance à déléguer de plus en plus de leurs missions au secteur associatif ?

V. T. : Oui, c’est très clair. Les départements, en particulier, délèguent de plus en plus certaines de leurs compétences aux associations. Sans ce mouvement, le poids économique des associations n’aurait pas sans doute pas stagné mais carrément baissé. Un autre facteur a joué : la démographie. La population augmente et vieillit, ce qui soutient une demande de services croissante en direction des associations.

Le secteur a-t-il du mal à recruter ?

V. T. : Les associations ont surtout des difficultés à conserver leurs salariés. À qualifications égales, le secteur associatif offre un niveau de salaire moyen inférieur à celui du secteur privé. Mais là encore, on constate des différences importantes selon les secteurs. Dans les loisirs, l’animation locale et culturelle, les salaires sont moins élevés. Dans le secteur médico-social, régulé par des conventions collectives, ils sont équivalents. Et on trouve par exemple dans le tourisme des salaires plus élevés.

Les associations, en tant qu’employeurs, ont surtout à relever le défi de la mobilité de leurs salariés. La possibilité d’y faire carrière, de progresser d’un point de vue salarial y est plus limitée que dans le privé. De ce fait, leurs salariés, une fois expérimentés et formés, ont tendance à partir vers le secteur privé à la recherche de salaires plus élevés, ou dans le secteur public à la recherche d’avantages comme la sécurité de l’emploi. Cette mobilité produit de l’instabilité dans les associations.