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Emploi

Transports, règles sanitaires... Les Français de retour au bureau, entre soulagement et casse-tête

REPORTAGE - Trains, RER, bus, vélos... Nombre de Français ont repris lundi le chemin du bureau, après deux mois de confinement. Entre soulagement et casse-tête sanitaire, salariés et employeurs commencent une nouvelle course d'obstacles, sur le front économique cette fois, qui pourrait faire beaucoup de casse dans les prochains mois, malgré les aides de l'Etat.

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Une ligne de métro à Paris, le 11 mai 2020

Une ligne de métro à Paris, le 11 mai 2020, lors du jour 1 du déconfinement.

GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

C’est désormais le nouveau slogan de la SNCF: "Merci de laisser le train à ceux qui en ont vraiment besoin". Depuis le 11 mai, la compagnie ferroviaire, comme la RATP et l’ensemble des transporteurs publics de l’Hexagone sont sur les dents pour limiter l’afflux de passagers sur leurs réseaux et faire respecter les règles de distanciation physique. Des cercles blancs, pour attendre, des flèches pour avancer, des croix pour laisser un siège libre… en quelques jours les halls de gares et les stations de métro se sont transformés en jeux de piste géants pour les voyageurs.

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A la gare de Lyon, à Paris, les contrôles des autorisations de déplacement de plus de 100 kilomètres par les forces de l’ordre venues en nombre créent des embouteillages à l’arrivée des TGV. Pas mal de parisiens partis se confiner dans le sud de la France sont de retour! Sur le parvis, le filtrage par les agents de la SNCF des passagers embarquant dans les Transiliens –limités à 1.000 par rame- vers Melun ou Montereau-Fault-Yonne, génère également un peu de cohue. Mais rien à voir avec la surcharge du RER B à la gare du Nord, ou la congestion de la ligne 13 du métro observées aux heures de pointe au premier jour du déconfinement.

Cercles blancs pour attendre comme ici à la gare de Saint-Lazare, des flèches pour avancer, des croix pour laisser un siège libre… en quelques jours les halls de gares se sont transformés en jeux de piste géants.

La SNCF et la RATP ont d’ailleurs été priées par Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilité, de rajouter des rames. "On s’adapte au jour le jour, confie Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, globalement les gens sont responsables et portent le masque. Beaucoup ont aussi décalé leurs horaires pour aller travailler", constate-t-il. L’attestation obligatoire en Île-de-France à partir de mercredi pour justifier son déplacement aux heures de pointe, sous peine d’une amende de 135 euros, est assez dissuasive! Tout comme les rappels à l’ordre des agents de la sûreté ferroviaire (SUGE) à ceux qui voyagent le visage découvert. A Grenoble, des caméras intelligentes permettent de dire si les bus sont trop remplis et combien de gens ne portent pas de protection.

Montée en charge des transports en commun

"Le vrai test, ce sera surtout la semaine prochaine, estime cet opérateur, quand ceux qui hésitaient vont reprendre les transports en commun." En début de semaine, l’affluence moyenne à la SNCF était de 15% en moyenne par rapport à la normal et de 20% à la RATP. D’ici dix jours, la compagnie publique veut relever ses capacités à 75% pour les Transiliens et les TER et 45% pour les TGV. En province, les entreprises privées comme Keolis ou Transdev sont déjà en moyenne à près de 80% de leur offre habituelle. A Lyon par exemple, deuxième réseau de métro avec 3 millions de voyageurs par jour en temps normal, "on déploie un dispositif maximal comme lors de la fête des Lumières", raconte Frédéric Baverez, directeur exécutif France de Keolis.

A Lyon, deuxième réseau de métro avec 3 millions de voyageurs par jour en temps normal, des marquages au sol ont été posés pour indiquer le sens de circulation.

La filiale de la SNCF a par ailleurs écrit à chacune des entreprises de la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour leur transmettre le plan des lignes les plus chargées concernant leurs employés, les incitant à décaler leurs horaires. Un enjeu majeur pour éviter le chaos dans les transports urbains, avec celui du télétravail, martelé par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail qui a publié un "mode d’emploi" dédié pour les plus réfractaires! Si bien que le statu quo reste la norme jusqu’à nouvel ordre pour nombre d’entreprises (Safran, Veolia, Publicis, L’Oréal…), comme en témoignait le quartier désert de La Défense lundi. Xavier Chéreau, le DRH de PSA, a même annoncé vouloir "renforcer le travail à distance, et d'en faire la référence pour les activités non reliées directement à la production".

Après deux mois d’arrêt, de télétravail et/ou de chômage partiel, 400.000 entreprises employant 875.000 salariés ont rouvert leurs portes lundi. 45% des travailleurs devraient néanmoins se rendre désormais au bureau "tous les jours ou presque", selon un sondage Odoxa-Aviva pour Challenges et BFM Business. Pour leurs employeurs, les consignes sont claires : limitation des flux de salariés et strict respect des règles sanitaires édictées dans le protocole de déconfinement et la soixantaine de fiches métiers élaborées avec les branches professionnelles (maraîcher, caissier, ouvrier de production, chauffeur VTC, etc.).

Un casse-tête pour les directions qui ont dû gérer la distribution de masques, l’installation de vitres de plexiglas, le réaménagement des postes de travail, la création de parcours de circulation, la désinfection des locaux, la désignation de référents Covid… "Les consignes, très nombreuses et hyper contraignantes sur le nettoyage des locaux, sont difficiles à mettre en œuvre pour les PME", déplore Eric Chevée, vice-président de la CPME qui s’inquiète aussi de la problématique des gardes d’enfants, à l’heure où la majorité des écoles reste fermée ou ouverte a minima.

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Le dialogue social, condition sine qua non à la reprise

Pour éviter les blocages, les employeurs sont fortement incités à consulter leurs élus du personnel sur l’élaboration de leurs plans de reprise. Si une poignée de groupes a pris les devants en signant des accords, à l’instar de Toyota et Valeo, "la majorité ne l’a pas fait", regrette Olivier Laviolette, à la tête de Syndex (conseil aux élus du personnel). Droit de retrait, poursuites, conflits, absences… Les risques sont pourtant nombreux pour les employeurs qui ne joueraient pas le jeu du dialogue social. "Les décisions de justice liées au cas Amazon ont donné des grilles de lecture très exigeantes pour la reprise qui compliquent la tâche pour les entreprises", pointe Danièle Chanal, vice-présidente du syndicat d’avocats d’entreprise AvoSial. Même les plus prudents peuvent s’y brûler les doigts comme l’usine de Renault à Sandouville (Seine-Maritime), forcée à la fermeture après que le tribunal judiciaire du Havre a invalidé son accord de reprise, jugé trop laxiste pour la sécurité des travailleurs.

Au-delà des enjeux sanitaires, la course aux obstacles se joue aussi sur le front économique. Délais de paiement à rallonge, trésoreries essorées, reprise de la consommation incertaine… Les interrogations quant à la survie même de certaines activités sont pléthores avec en toile de fond le spectre d’une casse sociale d’ampleur, sur laquelle les patrons vont devoir aussi rassurer leurs troupes dans les mois à venir. Certaines voix au Medef et à l'Institut Montaigne s’élèvent déjà pour flexibiliser davantage le droit du travail afin d’accélérer la reprise, en poussant notamment pour une augmentation de la durée légale du travail ou la suppression de jours fériés.

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Le gouvernement a déjà acté l'assouplissement des règles sur les congés et RTT, l'extension des durées légales de travail sous certaines conditions, la réduction des délais de consultation des CSE ou le recours aux CDD. D’autres appellent au contraire à la tenue d’un "Grenelle des salaires" pour revaloriser les travailleurs précaires restés en première ligne, ou encore à la création d’un fonds d’indemnisation pour les salariés infectés par le Covid-19 dans le cadre de leur activité professionnelle. Entre nécessaire reprise économique, protection des salariés et reconnaissance salariale, les arbitrages en haut lieu aura tout du jeu d’équilibriste.

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