Tribune

Confinement ou pas, le sort inchangé des enfants exclus de l’école

Comme en septembre 2019, seront-ils à nouveau plus de 100 000, voire plus, à ne pas pouvoir accéder à l'école de la République ?
par Anina Ciuciu, , avocate, auteure, marraine du Collectif #EcolePourTous
publié le 18 juin 2020 à 12h34

Tribune. Le président de la République a annoncé le retour à l'école obligatoire pour tous les enfants ce lundi 22 juin. Comme lors de la rentrée de septembre dernier, 100 000 d'entre eux resteront à la porte de l'école. Peut-être plus? Le ministre de l'Education nationale estime à 80 000 le nombre d'enfants qui ont été perdus par l'école pendant le confinement. Je suis la marraine du collectif #EcolePourTous qui regroupe des enfants, des jeunes et des parents exclus de l'école de la République française parce qu'ils habitent en bidonville, en squat, en hôtel social ou dans la rue, parce qu'ils sont des «mineurs non accompagnés», des anciens enfants placés, des enfants «du voyage». J'ai été une de ces enfants avant de devenir auteure et avocate, et c'est en leurs noms que j'ai une première fois alerté Emmanuel Macron sur leur sort alors qu'il était candidat à l'élection.

Lundi 22 juin, certains d’entre vous hésiteront à renvoyer leurs enfants à l’école. Durant le confinement, vous étiez angoissés de ne plus comprendre comment l’école fonctionne. Vous étiez inquiets de leur réussite aux examens. Vous ne saviez d’ailleurs pas si l’école reprendrait. Et vous ne savez toujours pas si vos enfants y seront en sécurité. Vous avez fait l’expérience temporaire de ce que les membres d’#EcolePourTous vivent toute l’année. Mais vous avez désormais la liberté de renvoyer vos enfants à l’école, maintenant ou en septembre, lors de la «vraie rentrée». Pour les enfants d’#EcolePourTous, le confinement, c’était le monde d’avant et c’est encore le monde d’après.

Comment préparer nos examens ?

Comment savoir quand commence l’école lorsque le maire de notre ville nous en refuse l’accès ? Comment préparer nos examens quand tous les trois mois nous sommes expulsés de là où nous habitons ? Comment finir notre année quand l’«aide sociale à l’enfance» nous remet à la rue à 18 ans ? Comment nous y sentir en sécurité quand nous y sommes quotidiennement victimes de harcèlement raciste ?

Depuis novembre 2018, #EcolePourTous fait la demande à Jean-Michel Blanquer de mettre en œuvre six mesures à même de garantir l'effectivité du droit à l'instruction pour tous. Avec le soutien notamment de Jean-Marie Dru, président d'Unicef France, Jack Lang, ancien ministre de l'Education, et de plusieurs député.e.s dont Sandrine Mörch, #EcolePourTous a obtenu l'adoption, en juillet 2019, de l'article 16 portant simplification des pièces exigibles lors de l'inscription scolaire dans la loi «pour une école de la confiance» ainsi que la promesse de l'ouverture d'une mission d'information parlementaire.

A ce jour, en dépit de nos demandes réitérées, ni la mission d’information n’a été nommée ni le décret d’application de l’article 16 n’ont été publiés. Ce dernier a pour finalité d’empêcher les refus illégaux d’inscription scolaire et de commencer de mettre en conformité les pratiques de la République avec ses idéaux. En attendant, chaque jour, dans le pays des droits de l’homme, des enfants se voient refuser l’entrée à l’école, comme ce fut le cas tout récemment dans les villes de Stains, Drancy ou Aubervilliers.

Sauver le rêve d’avenir de milliers d’enfants

Je ne peux pas me résoudre à croire que les représentants de la République française estiment que les vies et les rêves de certains enfants valent moins que d’autres. La simple publication d’un décret est un acte qui coûte peu et qui peut sauver le rêve d’avenir de milliers d’entre eux. Il a peu coûté au gouvernement de publier le 22 mars, au début du confinement, un décret accordant un crédit d’impôt aux parents favorisés ayant recours pour leurs enfants aux services privés de cours à distance. Il est maintenant en son devoir de publier le décret qui permettra le simple accès d’un enfant défavorisé à l’école de sa ville.

Lors de la rentrée scolaire de septembre dernier, le collectif #ecolepourtous avait porté la voix, au côté de Geneviève Avenard, Défenseure des enfants, de 100 000 enfants et jeunes discriminés dans l'accès à l'éducation en France. Il est urgent d'adopter les solutions que nous proposons si nous voulons éviter le constat dramatique de voir à la rentrée de septembre que nos rangs auront doublé.

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