Coronavirus : cinq questions sur l’obligation du port du masque

Afin de limiter le nombre de malades atteints du Covid19, plusieurs villes comptent imposer à leurs habitants de se munir d’une protection sur le visage lors de leurs sorties. Plusieurs pays étrangers ont déjà pris une telle mesure.

 À Paris, une minorité de gens portait jusque-là des masques. Mais les choses sont en train de changer.
À Paris, une minorité de gens portait jusque-là des masques. Mais les choses sont en train de changer. LP/Olivier Corsan

    C'est une petite musique qui monte, jour après jour : faut-il rendre obligatoire le port du masque pour limiter la propagation du virus ? Plusieurs maires, dont celui de Nice et celui de Sceaux, comptent, comme l'ont fait des pays étrangers, imposer à leurs habitants de se dissimuler le visage.

    Si le gouvernement est beaucoup moins catégorique, l'Académie de médecine a lui préconisé le port obligatoire d'un masque pour tous. Décryptage en cinq questions.

    De quel masque parle-t-on ?

    On ne parle pas ici uniquement des masques sanitaires chirurgicaux ou FFP2, qui doivent être en priorité réservés aux soignants, mais aussi de tous ceux dits « alternatifs ». Ceux-ci peuvent être fabriqués par des entreprises spécialisées ou confectionnés chez soi à la main, le plus souvent en tissu.

    Certains élus ou médecins proposent même de se protéger avec une simple écharpe ou un foulard, ce qui serait mieux que rien au niveau sanitaire à condition de bien utiliser cette protection et de respecter les gestes « barrière » (ne pas se toucher le visage, se laver les mains, etc.)

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    Qui souhaite rendre le masque obligatoire en France ?

    C'est le cas de plusieurs maires, dont Christian Estrosi (Nice) ou Philippe Laurent (Sceaux). Celui-ci a pris lundi un arrêté municipal obligeant « les personnes de plus de 10 ans au port d'un dispositif de protection nasale et buccale » lors de « leurs déplacements dans l'espace public ». La mesure doit entrer en vigueur ce mercredi et les contrevenants risquent une amende de 38 euros au maximum.

    Christian Estrosi, lui-même guéri du Covid-19, compte aussi prendre un arrêté municipal mais uniquement d'ici « huit à dix jours ». C'est-à-dire, lorsque chaque habitant sera muni d'un « masque lavable et réutilisable pendant un mois, qui respecte toutes les mesures sanitaires », a-t-il annoncé lors d'une vidéoconférence de presse, lundi.

    D'autres édiles, comme David Lisnard (Cannes) et Sébastien Leroy (Mandelieu-la-Napoule) comptent aussi imposer le port d'une protection une fois les stocks livrés. À Cannes, une manufacture de masques réutilisables en tissu « 100 % made in Cannes » a été créée, afin que « chaque Cannois soit doté [d'un exemplaire] ».

    Ce mardi matin, sur France Info, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a également estimé qu'il fallait « aller dans ce sens-là [celui d'une obligation, NDLR] ». Deux millions de masques en tissus doivent prochainement être « offerts » aux habitants de la capitale.

    Quelles sont les bases légales d'une telle obligation?

    Toutes ces initiatives viennent donc d'un maire, et pas de la préfecture. Pourtant, dans les grandes villes, une telle compétence est, a priori, du ressort du préfet. Le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, a d'ailleurs reconnu, ce mardi, sur LCI, que la mairie de Paris n'avait « pas le pouvoir » juridique d'imposer une telle obligation.

    Le même souci s'était posé lors de l'instauration de couvre-feux dans certaines communes. « Ce n'est pas aux maires mais aux préfets de prendre des arrêtés de ce type », avait répliqué la préfecture de Seine-Saint-Denis, le 25 mars, demandant le retrait de l'arrêté pris par la municipalité PCF d'Aubervilliers.

    Que ce soit un maire ou un préfet, une telle interdiction par arrêté doit être justifiée par « des circonstances locales spécifiques, par exemple si la commune est située dans un cluster [un foyer d'infection] », note Serge Slama, professeur de droit public.

    Si un citoyen ou une association juge que ce n'est pas le cas, il ou elle peut saisir un tribunal administratif. Lorsque l'arrêté est pris par un maire, la préfecture peut aussi mener une action en justice pour le faire annuler. Fin mars, la préfecture du Var avait, par exemple, jugé que l'interdiction de s'éloigner à plus de 10 m de son domicile à Sanary-sur-Mer n'était pas justifiée. En effet, il n'y avait pas « un nombre de contaminations graves ou de décès anormalement élevé ou encore de troubles avérés propres à la ville ».

    Qu'en dit le gouvernement ?

    L'exécutif et la majorité sont loin (pour l'instant) d'évoquer rendre obligatoire le port du masque. Jusqu'à fin mars, le gouvernement ne recommandait même pas, excepté aux soignants ou aux patients présentant des symptômes, l'utilisation d'une telle protection.

    Le discours a considérablement évolué depuis. « Nous encourageons le grand public, s'il le souhaite, à porter des masques, en particulier ces masques alternatifs qui sont en cours de production », a indiqué le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, vendredi 3 avril.

    Pour autant, il serait totalement illusoire de penser que les 67 millions d'habitants en France pourraient sortir avec un masque du jour au lendemain. Car les stocks sont très bas. La production hexagonale de masques médicaux ne va passer qu'à « 10 millions par semaine dans les semaines qui viennent », avait indiqué Edouard Philippe jeudi 2 avril, sur TF1, et les deux milliards d'exemplaires commandés à des industriels chinois seront livrés d'ici la fin juin.

    Quant aux modèles « alternatifs » non médicaux, « nous sommes à 500 000 masques produits par jour » et « nous avons l'objectif de passer à un million par jour d'ici la fin du mois », a indiqué Christophe Castaner ce lundi sur France Info.

    À l'avenir, une généralisation du port du masque pourrait être décidée durant la période de déconfinement, dont les modalités restent encore à déterminer. « Nous sommes en train d'évoluer vers ça. Il n'est pas impossible qu'on étende et qu'on généralise l'usage du masque, mais en fonction des capacités disponibles », indiquait ce lundi, dans le Monde, un « interlocuteur régulier d'Emmanuel Macron ».

    « La question de savoir si, à terme, il faudra proposer, inciter, voire contraindre le port d'un masque en population générale, cette question là est ouverte, je le dis avec humilité face à une menace épidémique inédite », a répondu le ministre de la Santé, Olivier Véran, ce mardi lors des questions au gouvernement à l'Assemblée.

    Olivier Véran : «Pas de décision de port du masque obligatoire »

    Comment cela se passe-t-il à l'étranger ?

    Depuis dimanche 5 avril, se couvrir la bouche en sortant dans la rue est obligatoire en Lombardie, la région italienne la plus touchée. La distribution aux habitants de trois millions de masques, mis à disposition dans les pharmacies, a débuté. Pour ceux qui n'en disposeront pas, un foulard ou une écharpe seront aussi acceptés.

    La Slovaquie et la République tchèque ont également imposé, fin mars, le port d'une protection lorsqu'on sort dans un lieu public.

    Au Maroc, enfin, le port du masque est obligatoire depuis ce mardi pour « l'ensemble des personnes autorisées à se déplacer », sous peine de risquer 115 euros d'amende et un à trois mois de prison.