Pollution : «Les SUV vont dans le sens inverse de l’histoire»

Selon Jérémie Almosni, chef du service transport et mobilité à l’Ademe, les SUV, plus lourds, plus encombrants, plus polluants ont des «conséquences désastreuses» pour la planète.

 «Globalement plus lourds, plus puissants et moins aérodynamiques que les berlines classiques, les SUV (...) émettent davantage de CO2», rappelle Jérémie Almosni.
«Globalement plus lourds, plus puissants et moins aérodynamiques que les berlines classiques, les SUV (...) émettent davantage de CO2», rappelle Jérémie Almosni. LP/Philippe Lavieille

    Les ventes de SUV, ces véhicules surélevés aux allures de 4 x 4, ne cessent de progresser. Un engouement qui suscite de plus en plus de critiques. Jérémie Almosni, chef du service transport et mobilité à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), nous explique pourquoi.

    Les associations écologistes estiment que les SUV sont une plaie pour le climat. Sont-ils à ce point nocifs ?

    JÉRÉMIE ALMOSNI. Comme ils sont globalement plus lourds, plus puissants et moins aérodynamiques que les berlines classiques, ils consomment plus de carburant et émettent davantage de CO2. C'est donc effectivement un vrai enjeu climatique. D'ailleurs, les émissions de CO2 des véhicules neufs vendus en France n'avaient cessé de baisser depuis seize ans mais elles augmentent de nouveau depuis 2017, à raison de 1 g/CO2 supplémentaire par an. Alors que l'Europe a pour objectif une consommation moyenne des véhicules de 95 g/CO2, l'augmentation actuelle des émissions de gaz carbonique est essentiellement due au succès des SUV. Ces véhicules vont donc dans le sens inverse de l'histoire. Or, leur part de marché est passée en France de 9 % en 2010 à 36 % en 2018. A ce rythme, un véhicule neuf sur deux sera un SUV d'ici 2022.

    Le problème principal de ces « 4 x 4 urbains », c'est donc leur consommation ?

    Pas seulement. Ils sont aussi plus encombrants et occupent donc davantage d'espace que les autres véhicules. En 1996, les voitures mesuraient en moyenne 1,68 m de large. En 2016, on est passé à 1,78 m. Et on pense que le marché des SUV a accéléré cette tendance à l'élargissement. Cela pose des problèmes de cohabitation en ville avec les vélos, les deux-roues motorisés et les piétons. Des études américaines et canadiennes ont par ailleurs montré qu'un piéton a deux fois plus de risques d'être tué suite à une collision avec un SUV qu'avec une berline. Notamment pour une question de visibilité. Il y a enfin un enjeu social lié à ce succès des petits 4 x 4 urbains. Car ces véhicules coûtent bien plus cher à l'achat et vont constituer demain le marché de l'occasion. Ce qui veut dire que le choix des automobilistes les plus fortunés va conditionner l'offre de demain pour les ménages les plus modestes qui devront payer plus cher leur voiture d'occasion.

    Comment expliquer le succès de ce genre de modèles ?

    Le taux de marge des constructeurs est beaucoup plus important quand ils vendent un SUV alors ils y consacrent un énorme marketing. Sur les 3 milliards d'euros annuels dépensés en publicité pour les véhicules vendus en France, la moitié est consacrée aux SUV. Et dans ces pubs, on met en avant les termes « élégance », « confort », « virilité », « cool attitude ». J'ai même entendu une publicité comparer le conducteur d'un SUV à un explorateur de la jungle urbaine! Quelle dichotomie entre ce message et l'impact de ces véhicules qui viennent perturber la circulation en ville et ont des conséquences désastreuses pour l'environnement!

    Certains élus suggèrent de taxer les SUV au poids. Est-ce une bonne idée ?

    Aujourd'hui, 95 % des véhicules ne sont soumis à aucun malus et quand ils le sont, c'est souvent pour une somme inférieure à 500 euros. Or, le poids des véhicules neufs n'a cessé de progresser. C'est pourquoi il faudrait effectivement prendre en compte dans le calcul du malus automobile le critère du poids et de la longueur du véhicule.