Réforme du droit des obligations et contrat de franchise : de l'évolution du contrat

Réforme du droit des obligations et contrat de franchise : de l'évolution du contrat

Discours prononcé lors de la Conférence juridique de la F.F.F. du 7 décembre 2017 (La réforme du droit des obligations et le contrat de franchise : entre réelles confirmations et justes interrogations)

« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours »

« Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours »...

Quel Franchiseur – qu’il soit ou non Poète – ne caresserait pas en tous instants ce souhait ?

Mais nous – Avocat de Franchiseurs – avons-nous le droit d’être Poète ?

Le juriste se doit d’anticiper et il lui faut se garder de tout romantisme lorsqu’il rédige un contrat.

Surtout un contrat de franchise !

Car comment figer le temps dans un contrat à exécution successive ?

Juridiquement, le temps serait suspendu là où par ailleurs, le savoir-faire se devrait d’être évolutif ?

Juridiquement, le temps serait suspendu là où par ailleurs, des concurrents nouveaux pourraient apparaître sur le marché ?

Juridiquement, le temps serait suspendu là où par ailleurs, le franchisé pourrait ne plus être demain le partenaire qu’il se promettait d’être en signant son contrat ?

Non, évidemment !

Et l’on n’a pas attendu la réforme du droit des obligations pour faire de nos contrats de franchise des outils au service du développement des réseaux en prévoyant toute une série de clauses favorisant l’évolution de bonnes relations avec les franchisés.

Mais pas plus qu’il ne fallait graver nos contrats dans le marbre (et en faire un bloc rigide), pas plus il ne fallait en faire une espèce de terre glaise pétrissable à volonté, au risque de sombrer dans le « droit mou ».

Et c’est là que se niche – à mon sens – l’une des problématiques essentielles qui nous est posée par ce nouveau droit des contrats !

Jusqu’ici et selon le désormais ex-article 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Au travers de son contrat-type sur lequel (avouons-le) les candidats franchisés avaient peu de prise, le franchiseur était législateur !

Aujourd’hui, ce temps est révolu puisque ce nouveau droit des contrats fait la part belle au juge.

Pour le juge, c’en est fini du rôle de figuration ou d’arbitre !

Le juge devient – selon la formule du Professeur Laurent AYNES – la « troisième partie au contrat »

Or, ce n’est pas faire offense au juge que d’estimer que les têtes de réseaux n’ont pas à s’en remettre à lui pour conduire leurs affaires !

Si donc évolution du contrat il doit y avoir – et c’est tout à fait normal – quels doivent être les rôles de chacun, entre les parties et le juge ?

C’est ce que je me propose d’examiner en abordant successivement la question de l’imprévision (I) puis celle de l’arrivée du terme (II).

I/ L’évolution au cas d’imprévision tout d’abord.

C’est peu dire que le droit des contrats a connu, en 2016, sa prise de la Bastille.

Depuis les bureaux de la Chancellerie, on a abattu un bastion du droit.

Il est vrai aussi que ce droit des contrats reposait sur un certain anachronisme.

A cet égard et lorsqu’ils délibérèrent en 1876 dans la fameuse affaire du Canal de Craponne, les conseillers de la chambre civile devaient tourner le dos à la Seine.

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine
(…)
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine »

Il y a loin du Pont Mirabeau au Quai de l’Horloge, dans l’île de la Cité, où siège la Cour de Cassation.

Car en fait de canal (et de temps qui passe ou de droits qui passent), on allait avoir droit à un barrage !

Interdiction – et pour longtemps ! – allait ainsi être faite aux juges de modifier la loi des parties, quoiqu’il advienne des changements de circonstances.

Moins romantiques que les vers du poète, les considérants de l’arrêt du 6 mars 1876 allaient énoncer de façon catégorique : « Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants » (in « Les grands arrêts de la jurisprudence civile », 12ème édition, 2008, p. 183).

La Cour d’Appel d’Aix en Provence était-elle pourtant sortie de son rôle en jugeant que « si les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties (…), il n’en est pas de même pour les contrats qui ont un caractère successif (…) et que, dans l’espèce, la redevance due par les arrosants représente la jouissance successive des eaux du canal, ayant pour corrélatif l’entretien et les dépenses de ce même canal ; que du jour où cette égalité cesse, la loi primitive du contrat est rompue et qu’il appartient aux tribunaux de rétablir l’égalité primitive ».

Cependant et pour les conseillers de la Cour de Cassation, les accords étaient immuables et devaient être respectés.

« Pacta sunt servanda » disaient déjà les Romains !

Cela étant et sans attendre 2016, le juge s’était immiscé dans le droit de la distribution.

Pour citer à nouveau le Professeur Aynès, rappelons-nous qu’à compter des années 1970 « le juge s’est mis à écouter des avocats aventureux : stations-services, cuves, concession commerciale, franchise (…) (et) la Cour de Cassation notamment, s’est mise à proposer un renouvellement total de l’interprétation des règles applicables aux contrats ».

Cette audace est aujourd’hui pleinement consacrée par le nouveau droit des contrats et le dernier verrou que les juges eux-mêmes n’osaient faire sauter a cédé.

Cette réforme a en effet introduit un nouvel article 1195 du Code civil dont le mécanisme repose d’abord sur l’accord des parties pour prévoir in fine et à défaut d’accord un pouvoir intrusif du juge.

Premier temps qui repose – disais-je – sur l’accord des parties : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation ».

A ce stade, où serait le problème ?

Quelle qu’en soit la cause et s’agirait-il d’un « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend(ant) l'exécution excessivement onéreuse pour une partie », les franchiseurs n’ont jamais refusé de discuter avec les franchisés.

Le code de déontologie européen de la franchise les y invite d’ailleurs expressément en soulignant que : « Les Parties devront (…) résoudre leurs griefs et litiges avec bonne foi et loyauté par la communication et la négociation directes (…) » (point 2.4 d).

Un franchiseur n’aurait aucun intérêt à rester sourd à de légitimes attentes d’un franchisé.

Mais jusqu’ici, pas plus la loi que la jurisprudence ne contraignait les franchiseurs à « renégocier » le contrat.

Et c’était une bonne chose !

Ainsi et par arrêt du 7 janvier 2014, la Cour de Cassation a approuvé l’arrêt qui avait notamment jugé que « le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d'exploitation, financiers, et commerciaux, l'obligation du franchiseur ne s'étendant pas à la prise en charge des pertes du franchisé » (Cass. com, 07/01/14, pourvoi n° 12-17154).

Et la Cour de Cassation d’ajouter alors, avec force, que : « Le principe de la force obligatoire des conventions s'oppose à l'obligation qui pourrait être mise à la charge d'une partie, en l'absence de clause en ce sens, de renégocier un contrat en cours d'exécution ».

Et si dans le fameux arrêt du 15 mars 2017 qui a fait couler beaucoup d’encre la condamnation du franchiseur a été validée dans son principe par la Cour de Cassation, c’est parce qu’on avait affaire à un multi-franchisé régional qui s’était engagé à ouvrir une vingtaine de magasins dans un délai de 5 ans (Cass. com, 15/03/17, pourvoi n° 15-16406).

A cet égard, il n’avait pas échappé à la Cour d’Appel de Paris que « le plan de développement convenu ne pouvait être réalisé qu'avec la collaboration étroite et loyale des parties et que l'ouverture de nouveaux magasins sous franchise restait nécessairement associée à la réussite des exploitations, la société (…) franchiseur, ayant le pouvoir de vérifier les conditions d'implantation à cette fin et de refuser un projet, s'il ne répondait pas à cet objectif » (C.A. Paris, 07/01/15, R.G. n°12/19788).

Un auteur a vu dans cet arrêt la « main invisible » de l’imprévision, écrivant dans son commentaire : « La révision pour imprévision avance ici masquée, parée des voiles du devoir de bonne foi, mais il est difficile de ne pas voir, dans la solution adoptée, l’anticipation de l’article 1195 nouveau du Code civil (…) » (A Bories, La Semaine Juridique Entreprises et Affaires, n° 21-22, 25/05/17, p. 1279).

Ne donnons toutefois pas plus d’importance à cet arrêt qui s’explique tout bonnement par les spécificités de l’espèce.

Pour la Cour de Cassation, (je cite) : « La cour d'appel, sans obliger la société (franchiseur) à renégocier le protocole, a pu retenir que la loyauté imposait de négocier, si le protocole d'accord s'avérait difficilement réalisable, et de proposer des conditions acceptables ».

N’extrapolons donc pas : on est bien loin – d’après les considérants mêmes de la Cour de Cassation – de l’obligation de renégocier …

Et on retrouve cette notion de bonne foi au cœur de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 26 avril 2017 rendu dans un litige opposant un franchisé « L’Âge d’Or Services » au franchiseur (C.A. Paris, 07/01/15, RG 14/22040).

Ce franchisé se plaignait notamment que « les changements économiques intervenus dans le secteur du service à la personne en 2011 ont modifié l'équilibre économique du contrat : augmentation des charges patronales, augmentation de la TVA sur une partie de l'activité, et augmentation du SMIC ».

Ainsi et selon ce franchisé, « avec le temps, la cause du contrat de franchise (avantage concurrentiel, rentabilité) a partiellement disparu, conduisant à une impossibilité pour (lui) de s'acquitter de la totalité de ses redevances contractuelles.

Grief étant fait au franchiseur d’avoir « refusé de renégocier le contrat ».

Or, la Cour d’Appel de Paris va juger que : « Si la Cour de cassation a pu ériger une obligation de renégociation en cas de changement imprévu de circonstances économiques, c'est lorsque l'un des contractants a fait preuve de mauvaise foi lors de l'exécution du contrat. (…) Dès lors, le seul changement dans les conditions économiques et réglementaires ne déclenche pas une obligation de renégociation, dont l'absence ne pourrait être sanctionnée qu'en cas de mauvaise foi d'une des parties ».

Or et là où les choses se gâtent avec ce nouvel article 1195 du Code civil, c’est lorsqu’un franchisé peut substituer la volonté du juge à celle du franchiseur.

Et ce en dehors de toute bonne ou mauvaise foi du franchiseur !

Ainsi et dans le second temps de sa mise en œuvre, l’article 1195 du Code civil prévoit que : « A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ».

Sauf à vouloir livrer le franchiseur à l’aléa judiciaire, n’y allons pas par quatre chemins !

Que faire de cet article 1195 ?

Tout bonnement l’écarter !

Ainsi et depuis octobre 2016, j’ai intégré dans tous mes nouveaux contrats de franchise une clause de renonciation expresse à cet article 1195.

Et j’ai invité mes clients franchiseurs à insérer la même clause dans leurs contrats-type.

Folie diront certains ?

Pas du tout !

Et qu’ils soient l’un et l’autre rouge, je ne confonds pas le code Dalloz avec le Vidal !

Ayons d’abord à l’esprit que cet article 1195 du Code civil est particulièrement inopportun en franchise.

Certes et pour un contrat de distribution de matières premières ou d’énergie sur les marchés internationaux, un dispositif de révision des prix se comprend parfaitement.

Souvent d’ailleurs, ces contrats comportent de solides clauses de hardship.

Mais que vient faire l’imprévision en franchise ?

Le risque n’est-il pas au cœur de la relation de franchise.

Et ne nous trompons pas ! Ce qui serait accordé à l’un devrait être accordé à d’autres.

Car – et c’est qui distingue fondamentalement le contrat de franchise d’un simple contrat de distribution – nous avons affaire ici à des réseaux avec ce que cela entraîne comme imbrications et liens multiples.

Toucher à un contrat de franchise sous couvert d’imprévision, c’est prendre le risque de fragiliser l’ensemble du réseau.

Or – et pourquoi précisément ne pas s’en saisir – cet article 1195 n’est pas d’ordre public.

Ce n’est pas moi qui le dis.

On lit ainsi dans le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 que : « Ce texte revêt un caractère supplétif et les parties pourront convenir à l’avance de l’écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l’économie du contrat ».

Prudents, certains auteurs ont écrit qu’une clause parapluie risquerait de tomber sous le coup d’une clause non écrite au motif qu’elle créerait un déséquilibre significatif.

Mais ces praticiens n’ouvrent-ils en fait pour eux-mêmes le parapluie ?...

Il ne s’agit pas en effet de faire renoncer le seul franchisé à cet article 1195.

Dans la clause que je suggère, le franchiseur renonce aussi à cet article.

Où y a-t-il dès lors déséquilibre ?

Et où y aurait-il un quelconque déséquilibre significatif dans le fait que, franchiseur comme franchisé, chacune des deux parties au contrat renonce par avance à se dire victime d’une exécution qui serait devenue « excessivement onéreuse » pour elle » ?!...

Du côté du franchiseur, peut-on sérieusement imaginer qu’il se mette subitement à aller quémander une augmentation de redevances au motif qu’il aurait mal calculé ses coûts de structure ?

Et du côté du franchisé, qui ne voit qu’il serait trop tentant d’alléguer que le paiement de ses redevances grèveraient sa trésorerie au point qu’il serait fondé à en solliciter la réduction voire – pourquoi pas – l’exonération ?

Ecoutons à ce sujet ce que dit de cet article 1195 un défenseur inconditionnel des franchisés.

Ainsi, mon confrère Serge Méresse a écrit (LSA Franchises, 12/07/16) : « L’apport de l’article 1195 permet (…) de concilier la sécurité juridique du contrat avec l’efficacité économique qui en est attendue, en ouvrant la possibilité d’en renégocier certaines conditions. (…) ».

Et de se féliciter plus loin qu’avec cet article 1195, « les parties seront donc obligées de discuter et de chercher, de bonne foi, la meilleure des solutions pour renégocier le contrat, dans leur intérêt commun, sous le regard et l’arbitrage du juge ».

Mais si l’on se place du côté des franchiseurs, comment ne pas voir que cet article pourrait avoir un effet dévastateur en étant abusivement invoqué par des franchisés qui en viendraient à solliciter une renégociation du contrat de franchise à tout bout de champ ?

Serge Méresse l’anticipe lui-même et s’en réjouit : « Nul doute que (les) trois conditions (posées par l’article 1195 du Code civil) donneront lieu à débats. Mais c’est heureux, parce que les parties seront obligées de se parler. Concrètement lorsqu’un franchisé sera confronté à une situation de ce type, il pourra demander au franchiseur « une renégociation du contrat ».

Mais ne risque-t-on pas au travers de la « renégociation » de glisser vers cette fameuse « franchise solidaire » que mon confrère Méresse appelle de ses vœux mais contre laquelle j’émets de sérieuses réserves ?

De quoi s’agit-il ?

La franchise solidaire serait une « variante (…) dans laquelle l’équité et la recherche d’un développement économique durable priment sur les inégalités et les rapports de force dictés par l’intérêt du seul franchiseur ». (S. Méresse, tribune du 02/10/13 publiée sur le site de Franchise Magazine : « Qui est prêt à créer la première franchise solidaire ? »).

Vaste programme mais une telle conception me semble conduire immanquablement à une remise en cause constante du pouvoir de direction du réseau par le franchiseur.

Tout serait prétexte à invoquer un « changement de circonstances imprévisibles ».

Sur ce point, Serge Méresse ajoute d’ailleurs, de façon incantatoire : « Certains franchiseurs essaieront de glisser dans leurs contrats des clauses de renonciation par le franchisé à certaines dispositions de la loi qui ne sont pas d’ordre public et qui lui sont favorables. Il faudra donc que les franchisés soient vigilants sur ce point. (…) ».

Et d’ajouter encore que : « L’idée que pourraient avoir certains franchiseurs de faire renoncer leurs franchisés à certains des droits que la nouvelle loi leur donne, au motif qu’ils ne seraient pas d’ordre public, risque donc d’être une source de contentieux qui portera sur le cœur même du contrat de franchise et sur ses modalités d’application. Est-ce nécessaire ? ».

Je ne vous étonnerai pas en répondant : Oui, c’est nécessaire !

Préparons-nous à ces combats.

Sinon, cet article 1195 pourrait devenir le cheval de Troie de la cogestion dans nos réseaux !

Sauf que ...

Sauf que – peut-être – la Guerre de Troie n’aura pas lieu !

Du moins si l’Assemblée Nationale approuve le Sénat d’avoir supprimé la possibilité donnée au juge de réviser les contrats dans le cadre de ce révolutionnaire article 1195.

Adoptant en effet la position critique de son rapporteur, la commission des lois du Sénat a supprimé le pouvoir de révision judiciaire du contrat à l’initiative de l’une des parties.

Seule est conservée la capacité pour une partie de demander au juge de mettre fin au contrat.

Ainsi que l’a fait valoir le rapporteur, Monsieur le sénateur François Pillet : « Le pouvoir de révision judiciaire apparaît (…) à la fois contraire à la sécurité juridique et source d’un nouveau contentieux, les conditions de cette révision étant relativement souples et les débiteurs de mauvaise foi risquant d’utiliser largement cette possibilité ».

C’est cette position que le Sénat a suivi lors du vote en séance publique, marquant ainsi sa désapprobation à l’égard de ce dispositif révolutionnaire !...

Clap de fin ou simple intermède ? On verra dans quelques semaines puisque le projet de loi de ratification est passé à l’Assemblée Nationale qui pourrait bien décider d’en revenir au texte initial.

Le rapport de la commission des lois de l’Assemblée Nationale a ainsi réintroduit ce pouvoir de révision du juge.

Après la réforme saison 1, attendons la version de la réforme Saison 2 !...

II/ Deuxième temps de mon propos sur l’arrivée du terme contractuel.

A cet égard et dans le rapport au Président de la République publié le 11 février 2016 au Journal Officiel, le gouvernement précisait que : « La section 3 est consacrée à la durée du contrat. Cette section composée de six articles est une innovation de l'ordonnance répondant au (point) 7 de l'article 8 de la loi d'habilitation, autorisant le Gouvernement à clarifier les règles relatives à la durée du contrat. Le code civil actuel ne comporte en effet aucune disposition générale sur la durée des contrats (…). L'ordonnance propose donc d'introduire dans le code civil des règles générales sur la durée du contrat, qui doivent permettre de clarifier les différences entre des notions proches en ce qu'elles concernent toutes la prolongation des contrats dans le temps, mais qui n'en sont pas moins différentes : renouvellement, prorogation et tacite reconduction ».

Relevons à cet égard que pour la première fois apparaît dans le Code civil le principe d’interdiction des engagements perpétuels.

L’article 1210 du Code civil dispose ainsi désormais que : « Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée ».

Il s’agit là d’une consécration d’un principe dégagé par la jurisprudence.

Pour autant qu’un franchiseur en ait l’idée, impossible de se lier à vie à un franchisé…

Soit le contrat est à durée indéterminée avec faculté de résiliation unilatérale sous réserve de respecter un préavis raisonnable.

Soit le contrat est conclu à durée déterminée.

Et c’est lorsqu’il est conclu à durée déterminée que peuvent se poser les questions de l’éventuelle prorogation du contrat, de son renouvellement ou de sa tacite reconduction.

Quelles particularités à cet égard pour la franchise ?

Il me paraît intéressant d’examiner ces particularités au regard du contenu du contrat (A) et de l’obligation ou non d’information précontractuelle (B), selon qu’il s’agit de la prorogation, du renouvellement ou de la reconduction tacite du contrat de franchise.

A/ S’agissant du contenu du contrat et après comme avant la réforme, pas de problème en cas de prorogation du contrat de franchise.

L’article 1213 du Code civil dispose ainsi que : « Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. (…) ».

Le terme est donc reporté, le contenu du contrat demeurant inchangé, sauf accord contraire des parties. Ainsi et à l’occasion d’une prorogation de contrat, franchiseur et franchisé peuvent convenir par avenant de modifier certaines clauses.

Pas de problème non plus si le contrat initial contient une clause prévoyant que les relations se renouvelleront tacitement à défaut de dénonciation dans le respect d’un certain préavis.

Dans ce cas, le contrat est reconduit aux mêmes conditions pour la durée mentionnée dans le contrat initial.

En revanche et si les relations contractuelles se prolongent au-delà du terme initial sans que joue une clause de reconduction tacite, la question se posait de savoir si les clauses du contrat s’appliquaient à l’identique.

Etant rappelé que, selon une solution jurisprudentielle ancienne : « La tacite reconduction n’entraîne pas prorogation du contrat primitif mais donne naissance à un nouveau contrat » (Cass. com, 13/03/90, pourvoi n° 88-18251).

D’où des incertitudes : quid du droit d’agrément et du droit de préemption dans ce contrat se prolongeant après le terme du contrat initial ?

Et quid des clauses de non affiliation ou de non concurrence post-contractuelles qui auraient ou non à s’appliquer le moment venu ?

Avant la réforme, la règle – notamment posée par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 15 novembre 2005 – était que : « Sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d'un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques » (Cass. com, 15/11/05, pourvoi n° 02-21366).

Tout était donc affaire d’espèce et source d’incertitudes.

Les juges devaient en effet apprécier si telle ou telle clause du contrat d’origine continuait ou non à s’appliquer.

Dans une espèce ayant ainsi conduit à un arrêt du 4 juin 2009, la Cour de Cassation a jugé que « si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation » (Cass. com, 04/06/09, pourvoi n° 08-14481).

Et la Cour de Cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir « pu déduire (des) circonstances (de l’espèce) que le nouveau contrat qui s'était formé entre la société Médica et l'Etat reprenait tacitement les conditions antérieures du prix de journée faute de contestation à ce sujet par le cessionnaire lors de la reprise effective (…) ».

Inversement et dans une autre affaire, les juges ont considéré qu’il n’y avait pas lieu de donner au silence la valeur d’une acceptation.

Cette affaire opposait la société Speedy à un ancien franchisé à qui elle faisait grief d’avoir méconnu après la cessation des relations contractuelles l’obligation de non affiliation post-contractuelle.

Par arrêt du 30 mai 2012, la Cour de Cassation a censuré un premier arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 17 mars 2011 notamment pour n’avoir pas recherché « si les parties avaient eu la commune intention, lors de la tacite reconduction du contrat, de renouveler la clause (de non affiliation post-contractuelle) » (Cass. com, 30/05/12, pourvoi n° 11-18779).

Sur renvoi, la Cour d’Appel de Versailles, autrement composée, a considéré que la société Speedy ne pouvait se prévaloir de cette clause.

Et ce, après avoir relevé que l’ex franchisée « produit aux débats un projet de contrat de franchise rédigé par le franchiseur (…), comprenant notamment la reproduction à l'identique (…) de la clause (de non affiliation) ; que la société Rapid'auto n'a pas signé ce projet de contrat ; que le refus de signer ce projet de contrat, dans sa forme et teneur (...) interdit de considérer que les parties ont eu la commune volonté de renouveler, pendant le cours des relations contractuelles poursuivies, la clause d'interdiction de réaffiliation mise à la charge du franchisé » (C.A. Versailles, 30/01/14, RG 12/08575).

Avec la réforme et sur ce point particulier, tout a changé.

En effet et désormais, l’article 1215 du Code civil dispose que : « Lorsqu'à l'expiration du terme d'un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d'en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».

En quoi les choses changent-elles, me direz-vous ?

Elles changent dès lors que l’alinéa 2 de l’article 1214 du Code civil précise désormais que : « Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée ».

Cet article 1214 du Code civil répond donc parfaitement au premier objectif énoncé par le rapport au Président de la République qui soulignait que « la jurisprudence est par essence fluctuante et ne permet pas d’assurer la sécurité juridique que seul peut offrir un droit écrit ».

On peut s’inspirer de cet hommage rendu au droit écrit pour conclure que – du moins dans la majorité des cas – l’établissement d’un nouveau contrat est préférable au silence des parties.

Je conseille donc plutôt à mes clients franchiseurs de prévoir dans la clause de leurs contrats relative à la durée que : « Le présent contrat ne se renouvellera pas par tacite reconduction et il prendra fin par la simple survenance du terme sans qu'aucune formalité ne soit nécessaire, ni qu'aucune indemnité ne soit due de part et d'autre ».

B/ La tacite reconduction étant d’autant plus sujette à caution en franchise que la loi Doubin vient pour le moins la contrarier.

La jurisprudence impose en effet de transmettre un D.I.P., même lorsque le contrat initial a prévu un renouvellement tacite !

Dans l’arrêt de principe du 14 janvier 2003, la Cour de Cassation a ainsi jugé que : « Ayant constaté l'existence d'un nouveau contrat (…), fût-il la reproduction du contrat initial par tacite reconduction, la cour d'appel a justement retenu que la société (franchiseur) devait se conformer à l'obligation d'information résultant de l'article 1er de la loi (…) du 31 décembre 1989 pour ce contrat » (Cass. com, 14/01/03, pourvoi n° 00-11781).

Certes, les juges ont jusqu’ici toujours considéré que les franchisés privés d’un nouveau D.I.P. ne faisaient pas pour autant la preuve d’un vice du consentement.

Ce fut le cas dans cet arrêt du 14 janvier 2003 et à nouveau dans un arrêt du 20 mars 2007 dans lequel la Cour de Cassation fit reproche à la cour d’appel d’avoir déduit un vice du consentement du franchisé du seul manquement du franchiseur à son obligation d'information précontractuelle (Cass. com, 20/03/07, pourvoi n° 06-11290).

Mais dès lors qu’un franchiseur – surtout membre de la F.F.F. – se doit de respecter scrupuleusement la loi et la jurisprudence, ne doit-on pas conseiller d’écarter la tacite reconduction au profit d’un renouvellement exprès ?...

Si l’espoir du franchiseur est de laisser se renouveler en silence et devrait-on dire « en douceur » les relations contractuelles, cet espoir sera déçu s’il veut par ailleurs respecter la loi Doubin.

Est-il d’ailleurs raisonnable de laisser se renouveler tacitement un contrat plutôt que de redéfinir la règle du jeu contractuel après des années de présence d’un franchisé dans un réseau ?

Si le savoir-faire est évolutif par nature, si l’on ne veut pas trop créer de distorsions entre les franchisés, est-il de bonne politique contractuelle de laisser se renouveler dans les mêmes termes les contrats initiaux ?

Evidemment non et il est préférable que les contrats de franchise comportent une clause prévoyant expressément que : « En tout état de cause, les parties conviennent que, s'il y a renouvellement, il interviendra en conformité avec le contrat alors en vigueur dans le réseau ».

Mais je vois que le temps passe – inexorablement – et que vient le moment de la conclusion.

Est-il cependant vraiment besoin de conclure ?

Car tout le monde a compris que, sur ce thème de l’évolution du contrat, je me sens plus proche d’Apollinaire que de Lamartine.

Maîtriser le temps qui passe plutôt que redouter la fuite du temps.

Et si j’ai commencé mon propos en citant une strophe du plus célèbre des poèmes d’Apollinaire, chacun pressentait que je gardais les derniers vers pour la fin :

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure »

Belle intervention Remi

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