
POLITIQUE - Les crises financières se suivent et (visiblement) se ressemblent sur le “Vieux Continent”. En tout cas, l’Union européenne montre, avec une certaine constance, son incapacité à s’entendre et à réagir rapidement d’une même voix dans la difficulté. C’était le cas après la crise de la dette grecque, ça l’est encore face à la pandémie de coronavirus qui secoue la planète et qui promet une récession sans précédent.
Face à ce danger, les ministres européens des Finances ne sont pas parvenus à s’entendre ce mercredi 8 avril sur une réponse économique et financière commune. Cela après une nuit entière de discussions.
Une réponse de court-moyen terme semblait initialement remporter l’adhésion des ministres. Elle devaient s’orienter sur trois axes principaux: jusqu’à 240 milliards d’euros de prêts du fonds de secours de la zone euro, un fonds de garantie pour les entreprises et un soutien au chômage partiel.
Mais les pays les plus affectés par le virus, en particulier l’Italie, continuent de réclamer, en plus, la création d’un instrument de dette commun -sous la forme d’euro-obligations parfois appelées “coronabonds” ou “eurobonds”- destiné à relancer l’économie sur le long terme une fois la crise passée. Parmi ces pays figurent aussi l’Espagne, la France, ainsi que la Grèce, Malte, le Luxembourg ou l’Irlande.
“Alors que nous comptons des centaines et des milliers de morts...”
Un échec des négociations qui ulcère Bruno Le Maire. Selon des propos rapportés par BFM Business, le ministre français de l’Économie et des Finances a effectivement dit à ses homologues tout le mal qu’il pensait des bisbilles européennes. Et ce, dans des termes peu diplomatiques, comme le confirme son entourage au HuffPost.
“Alors que nous comptons des centaines et des milliers de morts, les ministres des finances jouent sur les mots et les adjectifs”, s’est-il indigné, avant de poursuivre: “c’est une honte pour les ministres des Finances, une honte pour l’Eurogroupe et une honte pour l’Europe. Nous devons avoir une compréhension commune de la gravité de la crise et décider d’une réponse commune forte.”
Pour Bruno Le Maire, outre la fracture qu’elles révèlent encore un peu plus entre le sud et le nord, ces négociations avortées envoient évidemment un mauvais signal. “Nous serons jugés sévèrement d’abord par les marchés, puis par nos populations puis par d’autres pays qui nous verront incapables de surmonter nos divergences de vues” a expliqué le ministre français, insistant sur le fait qu’à ses yeux, “l’avenir de l’Europe et de l’euro sont en jeu.” Une colère piquée vers 5 heures du matin, selon l’entourage de Bruno Le Maire, avant même que l’échec des discussions ne soit acté.
Une ligne rouge pour Berlin
Quoiqu’il en soit, la crise couve au sein de l’Union européenne incapable de s’entendre sur les ripostes sanitaires ni financières. Cette rencontre constituait d’ailleurs un test décisif pour l’unité des 27, qui continuent pourtant d’étaler leurs divisions, après l’échec d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement consacré à la crise le 26 mars.
La mutualisation des dettes constitue une ligne rouge pour Berlin et La Haye, qui refusent de s’engager dans un emprunt commun avec des Etats très endettés du Sud, qu’ils jugent laxistes dans leur gestion. Le Danemark, l’Autriche, la Suède et les pays baltes sont dans leur camp, a indiqué une source européenne.
Autant de bisbilles qui fragilisent encore un peu plus l’Union européenne, confrontée à l’une des pires secousses de son histoire. “J’en ai vu assez (…), j’ai perdu foi dans le système lui-même”, a cinglé le président du Conseil européen de la recherche l’Italien Mauro Ferrari en démissionnant face aux nombreux blocages institutionnels.
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