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La justice allemande ouvre la voie à des procès contre le PEPP de la Banque centrale européenne

Si la Cour constitutionnelle allemande ne juge pas illégal le programme d’achats d’actifs de la Banque centrale européenne, les termes de son jugement enrayent tout de même la très puissante nouvelle arme anti-crise de la BCE.  

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La justice allemande ouvre la voie à des procès contre le PEPP de la Banque centrale européenne | Crédits photo : European Central Bank (European Central Bank)

Par Marjorie Encelot

Publié le 5 mai 2020 à 14:52

Le rebond des Bourses européennes a perdu en intensité en fin de matinée alors que la Cour constitutionnelle allemande a rendu son verdict quant à la validité des achats de dettes souveraines par la Banque centrale européenne. Si les juges de Karlsruhe n’ont pas frappé le QE du sceau de l’illégalité, s’ils ne considèrent pas que le programme viole l’interdiction de financement direct des Etats faite par le Traité de Maastricht, ils réclament en revanche que les banquiers centraux les rassurent davantage sur le fait que ce « Public Sector Purchase Programme » (PSPP) n'est pas un moyen « disproportionné » pour que la BCE remplisse son mandat de stabilité des prix. La Cour constitutionnelle donne à la banque trois mois pour qu’elle la convainque que les distorsions du PSPP sur les politiques économique et budgétaire des Etats ne sont pas démesurées par rapport aux effets recherchés de politique monétaire - à noter que la BCE se réunit ce soir et qu'elle devrait rapidement apporter une réponse. Reste que si les juges ne sont pas convaincus, ils ont prévenu - faisant fi de la primauté du droit communautaire - que la Bundesbank stopperait ses achats de dette allemande sur le marché.

Il s’agit du premier rebondissement inquiétant dans cette saga judiciaire qui dure depuis cinq ans. Rappel des faits. En 2015, peu après que la BCE ait lancé son programme d'achat d'actifs, un groupe de citoyens allemands a saisi la justice, soutenant que la participation de la Bundesbank au PSPP est contraire à la loi contre le financement des déficits budgétaires. La Cour constitutionnelle allemande a alors demandé son avis à la Cour européenne de justice qui a déclaré, en décembre 2018, que le PSPP était valide en tant qu'instrument de politique monétaire puisque la BCE s’est elle-même imposée des limites (les achats ne privilégient pas plus un pays qu’un autre, les règles sont les mêmes pour tous, se font en fonction de la répartition du capital de la BCE - qui dépend du poids d’un pays dans l’union monétaire, de son PIB, de sa population – et ne peuvent excéder 33% d’une émission obligataire). Dès lors, les yeux étaient tournés vers la décision finale de la Cour constitutionnelle allemande, d’autant que le PSPP a été réactivé en septembre et que, avec la crise, un nouveau programme autrement plus puissant - le Pandemic Emergency Purchase Programme - est venu lui prêter main forte. Théoriquement, l’avis des juges allemands ne porte pas sur la légalité du PEPP mais le fait est que sa décision jette une ombre sur la continuité de ce programme.

Les limites ont sauté

L’économiste Andrew Kenningham de chez Capital Economics, qui rappelle qu’il « n’[est] pas constitutionnaliste pas plus qu’[il n’est] épidémiologiste », remarque tout de même que le jugement allemand sur la validité du PSPP « est basé sur les facteurs suivants : le volume des achats est ‘limité dès le départ’ ; la limite de 33% de l'émetteur est respectée ; les achats sont conformes à la clé de répartition du capital ; les obligations ne sont achetées que si l'émetteur a une note de crédit minimale. » Or, le PEPP, qui a été lancé le 18 mars, ne répond plus à ces critères.

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Par exemple, la Grèce, mal notée par les agences de crédit, a obtenu une dérogation de telle sorte que, pour la première fois, elle peut prétendre au programme d’achats d’actifs de la BCE. Et surtout, pour ce PEPP, la banque centrale s’autorise à plus de flexibilité. Elle a clairement fait savoir qu’elle mettait en suspens sa règle qui limitait ses achats à 33% d’une émission. Et, dans les faits, pour le deuxième mois d’affilée, les clés de répartition du capital n’ont pas empêché la BCE d’acheter davantage de dette italienne que ce que les limites qu’elle s’est elle-même imposées l’y autorisent.

Sur ce constat, et selon les termes du jugement de la Cour constitutionnelle, le PEPP peut désormais être contesté devant les tribunaux allemands. Avec pour conséquence que les taux italiens se tendent sur le marché secondaire de la dette. « Ces litiges interminables sur la légalité des politiques de la BCE sapent les efforts de la banque centrale pour maintenir la cohésion de la zone euro et éviter une nouvelle crise [de l’euro], tance l’économiste Andrew Kenningham. Dans les années à venir, la BCE devra probablement étendre et élargir encore ses programmes d'achats d'actifs. En l'absence d'une politique budgétaire commune, ce sera le seul moyen d'éviter une nouvelle crise de la zone euro qui a failli conduire à l'éclatement de l’union il y a seulement quelques années. »

Le verdict de la Cour constitutionnelle allemande « donne l’impression que la zone euro est plus fragile encore qu’avant », commente Elliot Hentov, en charge de la politique au sein de la recherche macro chez le gérant d’actifs State Street Global Advisors, qui juge nécessaire de trouver rapidement - plus rapidement encore qu’avant - une solution pour viabiliser la dette des pays périphériques. « Cela augmente la pression sur les gouvernements pour qu'ils se mettent d'accord sur un futur fonds de relance et sur d'autres améliorations à donner à l'architecture de la zone euro. » En attendant, à court terme, les spreads de taux de l’Italie et des autres pays périphériques risquent de s’élargir.

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