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Sous la pression de Karlsruhe, Angela Merkel défend une plus forte intégration économique de l'Europe

Face au bras de fer entre la Cour constitutionnelle allemande et la Cour de justice européenne sur le mandat de la BCE, Angela Merkel juge nécessaire que les gouvernements de l'UE s'engagent davantage en matière de politique économique commune. Un pas en avant important, juge-t-on à Paris, dans la perspective du plan de relance européen.

Selon Angela Merkel qui intervenait mercredi devant le Bundestag, il s'agit de réagir à l'arrêt de Karlsruhe avec une « boussole politique claire » pour s'assurer que l'euro soit une monnaie commune forte et pérenne.
Selon Angela Merkel qui intervenait mercredi devant le Bundestag, il s'agit de réagir à l'arrêt de Karlsruhe avec une « boussole politique claire » pour s'assurer que l'euro soit une monnaie commune forte et pérenne. (Michael Sohn/AP/SIPA)

Par Ninon Renaud

Publié le 13 mai 2020 à 18:10Mis à jour le 13 mai 2020 à 19:11

Comme s'il leur brûlait les doigts, le dossier Karlsruhe n'a été amené par les députés qu'à la toute fin de l'heure des questions à Angela Merkel mercredi devant le Bundestag. C'est un élu d'extrême-droite (AfD) qui a finalement obligé la chancelière à commenter publiquement l'arrêt des juges de la Cour constitutionnelle allemande à l'encontre de la BCE. Mais le parti eurosceptique qui voyait dans ce jugement une victoire en a été pour ses frais.

« Cela va nous inciter à faire d'avantage en matière de politique économique afin de faire progresser l'intégrationde la zone euro, a-t-elle répondu placidement. Nous allons à coup sûr nous pencher sur cette question en lien avec ce qu'on appelle le Fonds de relance pour l'Europe. » Les débats sont vifs sur ce sujet au sein de l'UE, la France poussant, entre autres, à un plan de relance massif et solidaire. « Plus la réponse européenne dans ce cadre sera forte, plus la BCE pourra travailler dans un cadre sûr », a indiqué la chancelière.

Selon Angela Merkel, il s'agit de réagir à cet arrêt avec une « boussole politique claire » pour s'assurer que l'euro soit une monnaie commune forte et pérenne. « Nous ne devons pas oublier ce que [l'ancien président de la Commission européenne] Jacques Delors disait avant l'introduction de l'euro : il faut une union politique, une union monétaire ne suffira pas », a-t-elle rappelé. C'était l'objectif de la zone euro depuis le début, « mais nous n'avons pas suffisamment progressé », a-t-elle estimé devant les députés allemands.

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Une approche pragmatique

La Cour constitutionnelle allemande a estimé la semaine dernière que le programme d'achats massifs d'obligations d'Etat des pays de la zone euro lancé par la BCE en 2015 est en partie inconstitutionnel. La Bundesbank ne devrait continuer d'y participer qu'à condition que la BCE démontre la proportionnalité de ce programme. La Cour de justice de l'UE avait pourtant conclu fin 2018 que les achats n'avaient pas violé le droit européen.

Il s'agit d'agir de façon responsable et de manière intelligente afin que l'euro puisse subsister

L'Allemagne se trouve ainsi tiraillée entre deux hautes juridictions qui revendiquent leur primauté. Maître dans l'art du compromis, il s'agit selon Angela Merkel « d'agir de façon responsable et de manière intelligente afin que l'euro puisse subsister ». En poussant pour une politique économique assumée par les gouvernements européens, qui soulagerait la BCE, elle signale aux juges de Karlsruhe qu'elle a entendu leurs arguments. Tout en apportant son soutien à la Commission européenne qui agite la menace d' une procédure européenne d'infraction contre l'Allemagne.

Présidence allemande de l'Europe au 1er juillet

Le juge Peter Huber, rapporteur de l'arrêt de Karlsruhe, devrait apprécier l'appel à un rééquilibrage vers davantage de politique budgétaire et moins de prisme monétaire : il avait estimé mercredi dans une interview au « Süddeutsche Zeitung » que « la chose la plus sensée serait de rester discret et d'examiner si notre jugement contient des points valables ». « Nous sommes fermement convaincus que cette décision est bonne pour l'Europe parce qu'elle renforce l'Etat de droit. Cela apparaîtra à moyen terme », avait de son côté assuré dans l'hebdomadaire « Die Zeit », le président de la Cour constitutionnelle allemande, Andreas Vosskuhle.

Le mouvement d'Angela Merkel en faveur d'une plus grande intégration de la zone euro est une bonne nouvelle pour la France. Elle se plaint depuis l'élection d'Emmanuel Macron du manque d'allant de Berlin à ses propositions, encore récemment sur le plan de relance de l'UE (même si les Pays-Bas sont plus durs à faire bouger). A l'Elysée, on estime que les déclarations de la chancelière « sont rassurantes. Elles prouvent son attachement à l'Europe, et montrent que la réponse à la crise ne sera pas que monétaire. »

Angela Merkel doit désormais préciser ses intentions, elle en aura rapidement l'occasion : la Commission européenne doit soumettre d'ici à quinze jours un projet plus détaillé sur le plan de relance. Et l'Allemagne assumera la présidence de l'Europe au 1er juillet.

Ninon Renaud (Correspondante à Berlin)

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