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Les six grandes promesses brisées ou rabotées d’Emmanuel Macron

#1anMacron — Depuis son élection, le chef de l’Etat multiplie les réformes. Mais derrière cet activisme, certains engagements ont été revus à la baisse.

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Publié le 07 mai 2018 à 15h07, modifié le 07 mai 2018 à 15h07

Temps de Lecture 6 min.

Emmanuel Macron lors d’un discours au Parlement européen, à Strasbourg, le 17 avril.

« Je fais ce que je dis. Peut-être qu’on n’était plus habitué », fanfaronnait Emmanuel Macron le 13 avril sur TF1. Cette cohérence revendiquée entre les engagements de campagne et l’action gouvernementale, le président de la République en a fait un élément central de sa communication depuis son élection, en mai 2017.

Un an plus tard, il s’avère en effet que beaucoup de ses décisions s’inscrivent dans la lignée de son programme présidentiel. Mais cela ne veut pas dire pour autant que sa parole serait sacrée : six des quatre-vingt-cinq engagements analysés par Les Décodeurs un an après le vote ont été abandonnés ou revus à la baisse. Et parmi eux, on trouve plusieurs des promesses phares du candidat à la présidence de la République.

1. Ouvrir les droits au chômage « aux salariés qui démissionnent »

Ce que disait son programme

Emmanuel Macron avait promis dans son programme de donner droit au chômage aux démissionnaires une fois tous les cinq ans, sans plus de précisions. La promesse était détaillée ainsi sur le site de campagne du candidat :

« Tous les cinq ans, chacun y aura droit, s’il choisit de démissionner pour changer d’activité ou développer son propre projet professionnel. Ceci incitera les entreprises à investir pour améliorer la qualité de vie au travail afin de conserver leurs salariés, dont nous renforçons ainsi le pouvoir de négociation. »

POURQUOI LE COMPTE N’Y EST PAS

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel comporte bien cette mesure, mais avec des conditions très restrictives. Ainsi, en plus d’avoir été affilié à l’assurance-chômage pendant au moins cinq ans, un salarié qui voudrait bénéficier de ce nouveau droit devra-t-il avoir un « projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise ».

Le projet de loi précise que ce projet devra « présenter un caractère réel et sérieux attesté par la commission regroupant les représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ».

Résultat : seulement 20 000 à 30 000 personnes supplémentaires pourront y prétendre, ce qui est loin d’être une révolution. En effet, autour de 50 000 personnes démissionnaires étaient déjà indemnisées par Pôle emploi chaque année pour d’autres motifs, ce qui veut dire que ce nombre ne devrait au total atteindre que 70 000 et 80 000 avec la nouvelle mesure (soit environ 50 % de plus). Une évolution, sans conteste, mais loin du « nouveau droit » vanté par Emmanuel Macron.

2. Ouvrir l’assurance-chômage à « tous les travailleurs »

Ce que disait son programme

« Nous permettrons à tous les travailleurs d’avoir droit à l’assurance-chômage. Les artisans, les commerçants indépendants, les entrepreneurs, les professions libérales et les agriculteurs disposeront, comme les salariés, de cette protection. »

POURQUOI LE COMPTE N’Y EST PAS

Seule une partie des indépendants sera en réalité concernée par cette mesure, qui figure également dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ce seront ceux dont l’activité a été placée en liquidation judiciaire ou en procédure de redressement judiciaire et qui ont un bénéfice annuel inférieur à un certain seuil (qui devrait être d’au moins 10 000 euros environ). Ils pourront dès lors être indemnisés à hauteur de 800 euros par mois pendant six mois.

S’il s’agit bien d’une avancée pour certains, on est loin de la promesse de campagne d’une « assurance-chômage universelle » et indépendante du statut.

3. Baisser les cotisations salariales pour « tous les travailleurs »

Ce que disait son programme

« Nous améliorerons le pouvoir d’achat de tous les travailleurs. Sans que cela ne revienne plus cher aux employeurs, nous réduirons les cotisations payées par les salariés, par les indépendants et par les fonctionnaires : près de 500 euros supplémentaires net par an pour un salaire de 2 200 euros net par mois ! »

POURQUOI CE N’EST QU’EN PARTIE RÉALISÉ

Cette réforme a bien été engagée, et prendra pleinement ses effets en octobre. A cette date, les cotisations salariales auront baissé de 3,15 points par rapport à 2017, quand le taux normal de la contribution sociale généralisée (CSG) aura augmenté de 1,7 point. Le gain net sera d’environ 22 euros par mois pour un salarié du privé au smic (soit environ 250 euros par an) et près du double pour un salarié qui gagne 2 200 euros net par mois. Soit le montant évoqué dans le programme.

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Mais attention, cette hausse ne concerne pas tous les travailleurs. Pour les fonctionnaires, par exemple, la hausse de la CSG a simplement été compensée en 2018. Ces derniers ne verront par leur pouvoir d’achat amélioré par la mesure.

Autre situation particulière, les travailleurs indépendants : 75 % d’entre eux profiteront d’une baisse de leurs cotisations supérieure à la hausse de la CSG, mais les 25 % restants (ceux dont les revenus dépassent 4 000 euros par mois) verront leur pouvoir d’achat inchangé. L’engagement n’est donc pas pleinement tenu pour tout le monde.

4. Placer la France en tête de la lutte contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides

Ce que disait son programme

« Nous placerons la France en tête du combat contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides. Ils sont l’une des principales causes de l’augmentation des cancers des enfants depuis vingt ans. »

REVUE À LA BAISSE

Jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron, la France s’opposait au projet de loi de la Commission européenne sur la réglementation des perturbateurs endocriniens, jugé trop laxiste et inefficace par la communauté scientifique. Le nouveau gouvernement a finalement voté pour le 4 juillet 2017, ce qui est clairement en deçà des ambitions affichées par le chef de l’Etat pendant la campagne.

Ce texte a d’ailleurs été rejeté depuis au Parlement européen, contraignant la Commission européenne à revoir sa copie.

Le gouvernement a été en revanche un peu plus actif dans la lutte contre les pesticides. Il a ainsi voté contre la prolongation de dix ans de la licence dans l’Union européenne du glyphosate, l’herbicide le plus vendu dans le monde. Il a également voté contre son renouvellement à cinq ans, mais ce dernier a tout de même été adopté de justesse. La position française, qui consiste à demander un renouvellement limité à trois ans, n’a donc pas été entendue, mais le gouvernement a annoncé qu’il comptait interdire le produit en France « au plus tard dans trois ans ».

5. Réformer la fiscalité du capital « à coût nul »

Ce que disait son programme

« Au total, la réforme de la fiscalité du capital se fera à coût nul. Le prélèvement forfaitaire unique permettra en effet à la fois de refondre l’imposition des revenus du capital (impôt sur le revenu et prélèvement sociaux) et de compenser la perte de recettes dues au remplacement de l’ISF par l’IFI. »

POURQUOI LE COMPTE N’Y EST PAS

Contrairement à ce qu’annonçait Emmanuel Macron, sa réforme de la taxation du capital ne se fera pas « à coût nul ». Au total, en comptant le prélèvement forfaitaire unique et la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), elle devrait coûter autour de 4,5 milliards d’euros, selon les chiffrages gouvernementaux (3,2 milliards pour la réforme de l’ISF et 1,3 milliard pour le prélèvement forfaitaire unique ou PFU). Une orientation qui n’était pas clairement affichée pendant la campagne.

Ce chiffrage est même jugé optimiste par certains. L’Observatoire français des conjonctures économiques estimait ainsi le coût du seul PFU à 4 milliards d’euros en juin 2017. L’économiste Gabriel Zucman, professeur d’économie à l’université de Berkeley (Californie), estimait même dans une tribune au Monde en octobre 2017 que le PFU pourrait avoir un coût « de l’ordre de dix fois plus » que l’estimation du gouvernement.

6. Créer 15 000 places de prison

Ce que disait son programme

« Nous construirons 15 000 nouvelles places de prison. »

UNE PROMESSE REVUE À LA BAISSE

Emmanuel Macron a reconnu le 6 mars à Agen (Lot-et-Garonne) qu’il lui serait « impossible d’en faire 15 000 même durant un quinquennat, qu’on pouvait au maximum en faire 7 000 ». Si l’objectif chiffré est nettement revu à la baisse, le chef de l’Etat estime qu’il pourra tout de même « réduire la surpopulation carcérale par des mesures plus intelligentes et un changement de la philosophie des peines ».

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