La politique étrangère de Valéry Giscard d'Estaing

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Eclairage avec François Bujon de l’Estang, qui fut notamment conseiller du Premier ministre Jacques Chirac pour les Affaires diplomatiques, ambassadeur au Canada (1989-1991) et aux Etats-Unis (1995-2002).

La politique étrangère de Valéry Giscard d'Estaing

François Bujon de l’Estang, vous êtes ambassadeur de France. Vous avez été conseiller du Premier ministre Jacques Chirac pour les Affaires diplomatiques, la Défense et la Coopération entre 1986 et 1988, puis ambassadeur au Canada (1989-1991) et aux Etats-Unis (1995-2002). Vous avez fondé en 1993 une société de conseil en géopolitique que vous dirigez toujours. Vous êtes également membre du comité de rédaction de la Revue des Deux Mondes à laquelle vous contribuez régulièrement. Vous allez aujourd’hui nous éclairer sur la question de la politique extérieure de Valéry Giscard d’Estaing.

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En 1974, le nouveau président, prenant acte de la mondialisation en cours, fait le choix d’une diplomatie multipolaire et apaisée. En 1975, il déclare : « la politique extérieure de la France sera une politique mondialiste et de conciliation. C’est pourquoi on peut dire : « Vous êtes l’ami de tout le monde, vous êtes l’ami des Soviétiques, vous êtes l’ami des Américains…» Pour Georges Valance, l’auteur d’une biographie de VGE, que nous avons reçu il y a deux semaines, « c’est en Afrique que Giscard voulait mettre en œuvre en priorité sa diplomatie du sourire. » En 1975, il est le premier président français à se rendre en Algérie indépendante. Dès l’année suivante cependant, Paris et Alger s’opposent sur la question du Sahara Occidental. En 1978, VGE décide de venir en aide au dirigeant zaïrois Mobutu face à des rebelles soutenus par l’Angola et Cuba. L’opération éclair – et victorieuse – de Kolwezi maintient la France dans une posture de gendarme et d’allié de Washington. VGE s’efforce cependant de maintenir un dialogue avec Moscou. En 1979, il tarde à condamner l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Il se rend à Varsovie pour y rencontrer le dirigeant soviétique Brejnev, que les Occidentaux cherchent alors à isoler. La France ne s’associe pas non plus au boycott des Jeux olympiques de Moscou en 1980. VGE cultive aussi d’excellents rapports avec le monde arabe, tandis que les relations avec Israël sont froides.

La méthode Giscard bouscule les habitudes du Quai d’Orsay. Il est l’un des premiers à se servir du téléphone pour communiquer avec ses pairs. Il voyage beaucoup. C’est lui qui a l’idée de réunir en 1975 les dirigeants américain, japonais, allemand et britannique pour constituer un directoire mondial des grands pays industrialisés. L’Italien Aldo Moro s’impose dans ce qui est donc appelé le G6 et l’année suivante, le Canada intègre la conférence devenue G7.

Le rapprochement du couple franco-allemand au service la politique européenne constitue un axe majeur de la politique extérieure de VGE. Dès la campagne de 1974, le candidat Giscard d’Estaing annonce qu’il est partisan d’un approfondissement de la construction européenne. Il fait dire à son Premier ministre Jacques Chirac que « désormais, la politique européenne ne fait plus partie de notre politique étrangère ». VGE veut d’abord approfondir les institutions communautaires. C’est lui qui imagine le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, créé en décembre 1974. Giscard veut aussi pour la France une monnaie forte qui assurera la stature internationale du pays, et qui ne peut passer que par une monnaie commune avec l’Allemagne. Il veut enfin des projets européens dans le spatial et l’aéronautique. L’Agence spatiale européenne est créée en 1975. VGE entretient avec le chancelier allemand Helmut Schmidt une relation privilégiée, que les deux hommes rappellent dans leurs Mémoires. Pour Giscard, « l’intimité, naturelle et confiante, qui a existé entre Helmut Schmidt et moi, est sans doute un cas unique dans les rapports entre les responsables des grands Etats contemporains. » Et pour Schmidt, « l’échange de vues avec le président français a atteint un degré de franchise tout à fait unique. » Pour Georges Valance, « l’amitié franco-allemande ne fut ni platonique ni stérile. Elle donna notamment naissance au Système monétaire européen dont sortiront l’Union monétaire et l’Euro. »

François Bujon de l’Estang, avant de vous interroger sur l’action de Valéry Giscard d’Estaing dans le contexte international particulier de la Guerre froide et de la décolonisation récente, j’aimerais évoquer avec vous le rôle de VGE dans la construction européenne, et surtout, cette relation si étroite avec Helmut Schmidt, qui fut aussi si fructueuse.

Invités

Michaela WIEGEL, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung

Jean-Louis BOURLANGES, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

François BUJON DE L'ESTANG, ambassadeur de France

Thierry PECH, directeur général de la Fondation Terra Nova

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