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L’accès universel à l’eau et à l’hygiène, un objectif encore lointain

Près de 2 milliards de personnes dans le monde sont toujours privées d’installations sanitaires élémentaires, alerte l’ONU à l’occasion de la Journée mondiale des toilettes.

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Publié le 19 novembre 2020 à 19h28

Temps de Lecture 3 min.

Un bloc sanitaire près de l’école dans l’Etat de Karnataka, dans le sud de l’Inde, le 30 avril 2019.

En pleine pandémie mondiale, les « gestes barrières » contre la propagation du Covid-19 restent hors de portée d’une bonne partie de l’humanité. Trois milliards de personnes ne peuvent se laver les mains chez elles faute d’installation ; 1,4 milliard n’ont aucun accès ni à l’eau ni au savon.

Dix ans après avoir reconnu l’eau potable et l’assainissement comme un droit humain fondamental, l’Organisation des Nations unies écrit dans un rapport publié jeudi 19 novembre, à l’occasion de la Journée mondiale des toilettes, qu’« au rythme actuel des progrès, l’assainissement pour tous ne sera pas une réalité avant le vingt-deuxième siècle ». Un accès universel à l’eau et à l’hygiène en 2030, comme les Etats s’en sont pourtant fixé l’objectif, est encore très loin.

Selon les chiffres de 2017 (les derniers actualisés), ce chantier reste gigantesque. En effet, 2 milliards de personnes restent privées d’installations sanitaires élémentaires (toilettes avec chasse d’eau, fosses septiques, etc.) ; 4,2 milliards d’individus – près de deux personnes sur trois dans le monde –, vivent sans pouvoir utiliser de W.-C., latrines ou n’importe quel équipement relié à une forme de traitement des déchets ; 673 millions défèquent encore en plein air.

Sous-financement chronique

D’autres indicateurs interpellent dans ce rapport qui se veut « un appel urgent à transformer l’assainissement pour améliorer la santé, l’environnement, les économies et les sociétés ». Ainsi, dans le monde, 367 millions d’enfants fréquentent des écoles qui n’ont pas de toilettes. Plus de 10 % des établissements de soins sont dans le même cas, ce qui incite les femmes à ne pas venir accoucher dans ces structures. Quant aux dizaines de millions de réfugiés et déplacés de force, ils sont à peine un tiers (32 %) à disposer d’un assainissement de base.

Les conséquences pour la santé humaine et pour l’environnement sont exorbitantes. Chaque année, 830 000 personnes meurent de maladies hydriques qui pourraient être évitées comme le choléra, la diarrhée, la dysenterie, l’hépatite A… La croissance démographique explique partiellement ce manque de progrès nets. Mais si cette question essentielle ne progresse que bien lentement, c’est aussi parce que le secteur souffre de sous-financement chronique.

« Selon la Banque mondiale, il faudrait débourser 115 milliards d’euros par an entre 2015 et 2030 pour parvenir à un accès universel à l’eau et à l’assainissement, autrement dit, il faudrait multiplier par trois les investissements actuels », indique Céline Robert, responsable de la division eau et assainissement à l’Agence française de développement (AFD). Selon elle, il est difficile de mobiliser des investisseurs dans ce domaine :

« L’eau est un secteur à risques faibles mais à rentabilité faible aussi et de très long terme. L’énergie par exemple est bien plus rentable financièrement. Pourtant investir un euro dans l’eau a un effet d’entraînement sept fois supérieur en développement, en maladies évitées, environnement amélioré… »

Les besoins sont énormes. L’AFD a par exemple participé au cofinancement international de 16 millions d’euros de la station d’épuration de Beit Lahiya, située au nord de la bande de Gaza. Celle-ci reçoit les eaux usées de 250 000 habitants, soit trois fois sa capacité avant les travaux d’agrandissement. Il lui est arrivé de déborder au point de former un lac de 30 hectares, contaminant la nappe phréatique.

« Pas une priorité politique »

La construction d’infrastructures n’est pas le seul axe d’action, car certaines régions du monde partent de très loin. Le Burkina Faso par exemple, où le taux d’accès aux services élémentaires d’assainissement ne dépasse pas 10 % à 12 %, s’est fixé pour objectif la réalisation de 2 millions de latrines dans trois régions du pays. L’AFD met 6 millions d’euros en renfort pour inciter la population à s’équiper et créer un marché local, au moyen de prêts et de subventions, de sensibilisation à l’hygiène aussi. Cette mission est confiée au GRET, une association de professionnels du développement solidaire.

« L’assainissement est le parent pauvre du secteur, il est moins compliqué d’obtenir des financements pour l’eau potable. Même à l’AFD les budgets sont déséquilibrés, témoigne Sandra Métayer, coordinatrice de la Coalition eau, qui regroupe trente associations spécialisées dans ces deux secteurs. Ce n’est pas une priorité politique : difficile de faire campagne sur un thème aussi peu glamour, voire tabou. Beaucoup de dirigeants considèrent qu’il relève de la sphère privée. » Il est d’autant plus ardu de convaincre les autorités et les bailleurs que la demande des populations est assez faible, parce que ces équipements dépassent bien souvent les capacités des ménages, et d’autre part, parce que ces derniers ne font pas le lien avec les maladies hydriques.

Des progrès ont néanmoins été accomplis en Inde, en Ethiopie, mais en cette période très particulière de crise sanitaire, la Coalition eau veut attirer l’attention sur la situation de la France. « Environ 250 000 personnes vivent à la rue. On estime que dans les bidonvilles, les campements, 870 000 n’ont pas accès à un W.-C., rapporte Sandra Métayer. En Guyane, 10 % des gens ne sont pas équipés chez eux, 47 % à Mayotte. »

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