Combien Netflix, Amazon Prime Video et Disney verseront-ils à la création française ? Ces dernières semaines, le gouvernement a mené des discussions intenses et tendues, avec les plates-formes américaines et les producteurs français. Lundi 26 octobre, les pouvoirs publics devaient soumettre à la consultation publique le projet de décret fixant les obligations des services de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), dont l’adoption définitive est prévue en février ou mars 2021. Mais le calendrier a été en partie bouleversé par l’échec en commission mixte paritaire, le 22 octobre, de la loi Ddadue (loi sur diverses dispositions d’adaptation du droit national au droit de l’Union européenne), qui doit permettre de transposer la directive « services de médias audiovisuels » (SMA), et dont une nouvelle lecture doit intervenir la semaine du 16 novembre. Un nouveau décalage de quelques jours est à prévoir, alors que le projet de texte pourrait encore être modifié.
L’enjeu est crucial pour l’Etat, tant les Américains ont négocié chèrement leur entrée dans l’exception culturelle française. Selon les derniers arbitrages, le projet de décret prévoit que les plates-formes investissent entre 20 % et 25 % de leur chiffre d’affaires dans la création. Le taux évoluera en fonction de la place qu’elles souhaiteront occuper dans la chronologie des médias, qui fixe le délai de diffusion des films après leur sortie en salle. Ainsi, pour avoir le droit de programmer les œuvres moins d’un an après leur sortie au cinéma, Amazon ou Netflix devront investir 25 % de leurs recettes. Pour un délai moins favorable, entre treize et vingt-quatre mois, le taux sera de 22,5 %. Enfin, à 20 % de leur chiffre d’affaires, elles devront attendre au moins vingt-cinq mois.
La manne pourrait représenter autour de 300 millions d’euros par an pour la production tricolore, avec une mise en place progressive sur deux ans. Netflix, qui réaliserait un chiffre d’affaires autour de 1 milliard d’euros, devrait accroître sensiblement le montant de ses investissements et modifier ses méthodes de travail.
Comment les plates-formes vont-elles réagir ?
Les plates-formes devraient consacrer au moins 20 % des sommes au cinéma – sauf Disney, qui aurait un taux supérieur en tant que service spécialisé dans les longs-métrages. Autre obligation : elles devront confier 60 % de leurs investissements à la « production indépendante », soit des sociétés de production externes. En comparaison, les chaînes de télévision y consacrent 75 %, mais leur taux pourrait être aligné sur celui des plates-formes. En échange d’obligations de financement élevées, les services de SVOD ont obtenu de conserver les « droits monde » des œuvres, cruciaux pour des acteurs comme Netflix, présent dans 190 pays. En revanche, le projet de décret prévoit de limiter la durée de ces droits autour de trente-six mois, contre souvent plusieurs années dans les contrats actuels de Netflix ou d’Amazon.
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