Avis de gros temps dans les cinémas en régie municipale. A deux pas de l’océan, à Penmarch (Finistère), Benjamin Fourneaux, le programmateur du cinéma Eckmühl ne comprend pas pourquoi sa salle a été exclue d’une partie des aides publiques. Le fonds de 50 millions d’euros destiné à compenser les pertes d’exploitation des cinémas pendant l’actuel confinement est réservé aux cinémas privés et associatifs. Et les 386 établissements en régie municipale sur les 2 045 cinémas que compte l’Hexagone n’y ont pas droit.
« C’est incompréhensible. Pourquoi avoir choisi de nous affaiblir ? », se demande-t-il. « Avec la deuxième fermeture, nous allons perdre 160 000 euros de recettes », explique Benjamin Fourneaux. Le personnel − fonctionnaires ou contractuels − est payé par la mairie qui doit renflouer le déficit. A Penmarch, l’Eckmühl, repris par la mairie en 1999 faute de repreneur privé, programme des films européens, de patrimoine, destinés au jeune public… Une stratégie efficace puisqu’en cinq ans la fréquentation a été multipliée par 2,5.
Une politique sociale
A 11 kilomètres, le Cinéville de Pont-l’Abbé, inauguré fin 2019, a accès à ces aides. Cette différence de traitement − une première dans l’histoire du Centre national du cinéma (CNC) − a poussé quatre maires bretons de Quimperlé, Penmarch, Loudéac et Quiberon à se plaindre auprès de Roselyne Bachelot. « Les difficultés rencontrées depuis le début de la crise sanitaire ne sont pas moins prononcées pour les salles publiques que pour les autres », ont-ils écrit à la ministre de la culture.
« Dans une commune de 12 000 habitants, avoir un cinéma en régie c’est un choix majeur », assure Michaël Quernez, le maire PS de Quimperlé. La Bobine accueille 9 000 scolaires par an. « Déjà, la chambre régionale de la cour des comptes a trouvé que nous consacrons trop d’argent au cinéma. Pour atteindre l’équilibre financier, le prix de la place devrait passer de 4 à 6 euros. Je m’y refuse », dit-il. Il préserve une politique résolument sociale. En ajoutant : « Notre coup de gueule, c’est une question éthique plus que financière. »
Isabelle Allo, directrice du Quai des images à Loudéac, s’inquiète de ce « précédent ». « C’est une punition », renchérit Laurence Forin, responsable du cinéma municipal de Quiberon. A ses yeux, la station balnéaire a déjà été pénalisée financièrement au printemps par l’absence de tourisme. « La vraie crainte, ce sont les arbitrages politiques qui pourront être faits en 2021 avec des municipalités obligées de choisir entre un gymnase, une piscine et un cinéma. Qui sait si le personnel du cinéma ne sera pas affecté à la médiathèque ? », redoute François Aymé, président de l’Association française des cinémas d’art et d’essai, qui regroupe 1 200 cinémas, dont la quasi-totalité de ceux en régie municipale.
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