Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 novembre 2020, 19-15.856, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 novembre 2020




Rejet


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1036 F-D

Pourvoi n° C 19-15.856

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme D....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 avril 2019.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

Mme K... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 19-15.856 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e A chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Fredina, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de Mme D..., après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Prache, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 avril 2019), Mme D... a été engagée le 25 septembre 2006 en qualité de caissière-vendeuse, par la société Jali aux droits de laquelle est venue la société Fredina, suivant contrat à temps partiel.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes et aux fins de contester son licenciement pour faute grave intervenu le 25 novembre 2013.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement reposait sur une faute grave et de la débouter de ses demandes au titre de la mise à pied conservatoire ainsi qu'au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que la preuve d'une faute grave ne peut pas être obtenue par l'emploi d'un moyen illicite ; que si l'employeur a le droit de procéder à l'installation et à la mise en oeuvre d'un dispositif de surveillance pour la sécurisation d'un magasin (sous réserve d'autorisation préfectorale), il doit justifier de ce but exclusif pour se dispenser de consulter le comité d'entreprise sur la mise en place de ce dispositif ; qu'en jugeant que la preuve de la faute de la salariée, apportée par les enregistrements de vidéosurveillance dans le magasin était admissible, sans s'assurer, ainsi qu'il lui était demandé, si l'employeur de Mme D... avait mis en place et utilisé les caméras de vidéosurveillance dans le but exclusif de surveiller la clientèle et, dans le cas contraire, si le comité d'entreprise avait été consulté et si la salariée avait été mise au courant de la mise en place de dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-4 et L. 2323-32 (dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi n° 2015- 994 du 17 août 2015), L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ que les enregistrements d'un dispositif privé de vidéosurveillance doivent être détruits dans le délai d'un mois ; que le constat d'huissier concernant l'enregistrement litigieux des images du 30 octobre 2013 a été établi le 6 décembre 2013, soit plus d'un mois après l'enregistrement des images ; qu'en se fondant néanmoins sur ce constat d'huissier sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si cette preuve était admissible compte tenu du délai de visionnage des enregistrements censés être détruits le 30 novembre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure, ensemble l'article L. 1232-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que le système de vidéo-surveillance avait été installé pour assurer la sécurité du magasin, n'enregistrait pas les activités des salariés sur un poste de travail déterminé et n'avait pas été utilisé pour contrôler l'intéressée dans l'exercice de ses fonctions.

6. Elle a ainsi, sans être tenue de procéder à la recherche visée par la seconde branche, qui ne lui était pas demandée, légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de condamnation de la société à lui verser certaines sommes pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles au regard des temps de repos hebdomadaires, de l'amplitude journalière et des jours fériés travaillés, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en faisant reposer la démonstration du non-respect de l'amplitude journalière ou du repos hebdomadaire ou des demandes au titre des jours fériés travaillés sur la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 3131-1, L. 3132-1, L. 3132-2 et L. 3132-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2 et 4.4 de la convention nationale collective applicable, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. D'abord, la cour d'appel s'est fondée sur les documents produits par l'employeur pour rejeter les demandes relatives au non-respect du repos hebdomadaire et de l'amplitude journalière.

9. Ensuite, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a fait ressortir que la salariée ne présentait pas, au soutien de sa demande au titre des jours fériés travaillés, des éléments suffisamment précis.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme D... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme D... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme K... D... reposait bien sur une faute grave et de l'avoir déboutée en conséquence de ses demandes au titre de la mise à pied conservatoire ainsi qu'au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur a produit devant le conseil de prud'hommes l'arrêté n° 2011-01-650 du préfet de l'Hérault l'autorisant à remplacer les dix caméras installées dans la supérette suite à l'avis positif de la commission départementale système de vidéosurveillance réunie le 25 février 2011, autorisation valable 5 ans ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 2323-32 du code du travail (L. 2323-47), que le comité d'entreprise doit être informé et consulté préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise des moyens techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ; que toutefois, constitue un moyen de preuve admissible un système de vidéosurveillance installé par l'employeur dans les locaux professionnels mais n'enregistrant pas les activités des salariés affectés sur un poste de travail déterminé et notamment un système de vidéosurveillance installé pour assurer la sécurité d'un magasin qui n'était pas utilisé spécifiquement pour contrôler un salarié dans l'exercice de ses fonctions ; que le dispositif de vidéosurveillance n'est donc pas illégitime et le fait par l'employeur d'avoir demandé à un huissier d'établir un constat des images qui ont été enregistrées entre le 30 octobre 2013 et le 2 novembre 2013, n'est pas plus illégitime ; que Mme D... ne conteste pas les éléments mentionnés dans le procès-verbal du constat de l'huissier, savoir qu'elle a été vue le 1er novembre 2013, dans le magasin, ramasser et glisser dans sa poche le porte-carte trouvé par terre ; que les griefs allégués dans la lettre de licenciement, savoir que Mme D..., le 1er novembre 2013, a trouvé le porte-carte perdu par une cliente la veille dans le magasin, l'a ramassé et l'a glissé dans sa poche, sans en informer personne, et que le 2 novembre 2013, alors qu'il lui était demandé si elle avait retrouvé un porte-carte, elle a répondu par la négative, sont donc démontrés ; que le licenciement de Mme D... est donc intervenu pour une cause réelle et sérieuse et la faute commise, savoir le vol dans les locaux de l'entreprise au préjudice d'un client, constitue une faute grave ;

1°) ALORS QUE la preuve d'une faute grave ne peut pas être obtenue par l'emploi d'un moyen illicite ; que si l'employeur a le droit de procéder à l'installation et à la mise en oeuvre d'un dispositif de surveillance pour la sécurisation d'un magasin (sous réserve d'autorisation préfectorale), il doit justifier de ce but exclusif pour se dispenser de consulter le comité d'entreprise sur la mise en place de ce dispositif ; qu'en jugeant que la preuve de la faute de la salariée, apportée par les enregistrements de vidéosurveillance dans le magasin était admissible, sans s'assurer, ainsi qu'il lui était demandé, si l'employeur de Mme D... avait mis en place et utilisé les caméras de vidéosurveillance dans le but exclusif de surveiller la clientèle et, dans le cas contraire, si le comité d'entreprise avait été consulté et si la salariée avait été mise au courant de la mise en place de dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-4 et L. 2323-32 (dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015), L. 1232-1 du code du travail ;

2°) ALORS subsidiairement QUE les enregistrements d'un dispositif privé de vidéosurveillance doivent être détruits dans le délai d'un mois ; que le constat d'huissier concernant l'enregistrement litigieux des images du 30 octobre 2013 a été établi le 6 décembre 2013, soit plus d'un mois après l'enregistrement des images ; qu'en se fondant néanmoins sur ce constat d'huissier sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si cette preuve était admissible compte tenu du délai de visionnage des enregistrements censés être détruits le 30 novembre 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure, ensemble l'article L. 1232-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme D... de sa demande de condamnation de son employeur, la société Fredina, pour discrimination ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme D... soutient que contrairement aux autres salariés, elle ne pouvait récupérer aucun produit cassé et subissait de ce fait, une discrimination ; que les deux attestations qu'elle produit aux débats et qui émanent de M. H... ne comportent pas la copie de la pièce d'identité de cette personne dont la lecture permettrait de vérifier la similitude entre la signature qui figure sur l'attestation et celle du document officiel, elle ne peuvent être retenues comme élément probant ; que Mme D... ne démontre donc pas avoir été l'objet d'une discrimination ;

ET AUX MOTIFS QUE Mme K... D... prétend avoir été victime de discrimination, puisqu'elle était seule avec sa [mère] à payer le repas et à ne pas récupérer des produits cassés contrairement aux autres salariés ; que des attestations d'autres salariés démontrent que cela est parfaitement faux ; que rien ne vient démontrer la véracité des faits allégués par Mme K... D... ;

1°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en écartant un témoignage faute de production de la pièce d'identité d'un témoin, la cour d'appel a violé le principe énoncé ci-dessus, ensemble les articles 201 et 202 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en faisant porter la charge de la preuve de l'atteinte au principe d'égalité de traitement sur la seule salariée, Mme D..., quand il appartenait à l'employeur de s'expliquer sur les dires de celle-ci, confortés par un témoignage, pour justifier la différence de traitement par la preuve d'éléments objectifs, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

3°) ALORS QUE, à supposer que les motifs du jugement aient été adoptés par la cour d'appel dans son arrêt confirmatif, le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de Mme D... relatives à l'inopérance des attestations retenues par le conseil de prud'hommes pour combattre le moyen tiré de l'inégalité de traitement subie, puisque les salariés auteurs de ces attestations avaient été embauchés après le départ de Mme D... de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme D... de ses demandes de condamnation de la société Fredina à lui verser certaines sommes pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles au regard des temps de repos hebdomadaire et de l'amplitude journalière et des jours fériés travaillés ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article 4.2 de la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, « tous les salariés bénéficient d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale d'une journée et demie par semaine. Ce repos doit être donné le dimanche et un autre jour de la semaine. Toutefois, lorsque l'organisation du travail exige la présence des salariés le dimanche matin, ce repos est obligatoirement d'un jour et demi consécutif, le dimanche après-midi et le lundi. Dans tous les cas, il doit correspondre à 35 heures de repos consécutives » ; que Mme D... soutient qu'elle travaillait les dimanches matin et après-midi et les lundis matins suivants, toutefois, pour en justifier, elle ne produit que des tableaux qui pour l'année 2010 sont signés par elle-même et ne sont pas signés par l'employeur, et qui pour les années 2011 et 2012, sont vierges de toute signature ; que ces seuls documents ne démontrent pas la réalité des horaires effectués par Mme D..., dès lors qu'il ressort du jugement de première instance que les plannings établis et signés par l'employeur et par la salariée n'ont jamais été dénoncés par celle-ci, le non-respect par l'employeur du repos hebdomadaire n'est donc pas démontré ; que Mme D... soutient que pour les années 2010 et 2011, elle a travaillé tous les jours fériés sans bénéficier de jours chômés et payés et sans bénéficier d'un repos compensateur d'une durée équivalente ; que pour l'année 2011, elle ne produit pas ses bulletins de salaire pour les mois de janvier, mars et novembre, et l'examen des bulletins de paie produits ne démontre pas que Mme D... n'a pas bénéficié des 5 jours chômés et payés auxquels elle avait droit en vertu de l'article 4.4 de la convention collective ; que pour l'année 2010, Mme D... produit ses bulletins de salaire, desquels il ressort qu'elle a été rémunérée au titre de jours fériés, quatre heures en janvier, avril ,juillet, août et décembre, cinq heures pour le mois de mai et neuf heures pour le mois de novembre ; que toutefois, ces pièces ne permettent pas de vérifier si elle a ou non bénéficié des jours de repos compensateur ; qu'il n'est donc pas démontré le non-respect des dispositions prévues à la convention collective par l'employeur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme K... D... a signé des plannings et que ces plannings n'ont jamais été dénoncés ; que ces demandes reposent sur des tableaux élaborés par Mme K... D... elle-même, et ce au global ; que, de plus, les documents produits ne sont nullement les plannings de la société, fournis par l'employeur puisqu'ils ne sont pas signés par les salariés ;

ALORS QUE la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en faisant reposer la démonstration du non-respect de l'amplitude journalière ou du repos hebdomadaire ou des demandes au titre des jours fériés travaillés sur la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 3131-1, L. 3132-1, L. 3132-2 et L. 3132-3 du code du travail, ensemble les articles 4.2 et 4.4 de la convention nationale collective applicable, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et l'article 1315 devenu 1353 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2020:SO01036
Retourner en haut de la page