Drapeau, hymne, monnaie et bientôt carte d'identité ? L’Union européenne et ses symboles

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Drapeau, hymne, monnaie et bientôt carte d'identité ? L’Union européenne et ses symboles

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La devise de l'Union européenne a été sélectionnée suite à un concours auquel ont participé plus de 80.000 jeunes Européens.
La devise de l'Union européenne a été sélectionnée suite à un concours auquel ont participé plus de 80.000 jeunes Européens.
© Getty - Pbombaert

Pour marquer son unité, l’Union européenne a recours à plusieurs emblèmes : drapeau, hymne, devise et une monnaie unique notamment. Ces symboles sont issus de longues réflexions, avec encore tout récemment les bases d'une carte d'identité "presque" européenne.

Pourquoi un drapeau bleu avec 12 étoiles dorées ? Pourquoi le 9 mai pour journée de fête ? Et cet hymne sans paroles de Beethoven, arrangé par Karajan ? Rien n’a été choisi par hasard. Les symboles de l’Union européenne ont fait l'objet de longues négociations. Ils ont été inscrits dans l’article 1-8 du traité constitutionnel. Le traité de Rome signé en 2004 devait remplacer les traités précédents. Il a été abandonné suite au rejet du texte par référendum en France et aux Pays-Bas. Malgré tout, les symboles de l’Europe créés dès 1955 identifient l’Union européenne comme entité politique. Et le 4 avril dernier, le Parlement de Strasbourg a voté en faveur d’ une carte d'identité "presque" européenne.

Le drapeau européen entre histoire officielle et polémique

Le drapeau européen est composé d’un cercle de douze étoiles d'or sur un fond azur. Il est définitivement adopté pour le Conseil de l’Europe le 25 octobre 1955, cinq ans après les premières discussions sur le sujet. Robert Bichet a raconté son histoire dans un livre Le drapeau de l’Europe, en 1985. Robert Bichet était alors rapporteur devant l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe et président du Comité pour un emblème européen. Il raconte que dès la première réunion du Conseil de l’Europe en août 1949, à Strasbourg, la question du drapeau se pose, car deux mouvements politiques tentent d’imposer le leur comme emblème. Il y a le E vert sur fond blanc du Mouvement européen, avec la couleur verte pour “symboliser l’espérance de l’unité européenne”, mais il y a aussi le drapeau du mouvement paneuropéen, une croix rouge dans un cercle d’or entouré d’étoiles sur un fond azur. Les deux ne peuvent pas convenir car ils sont issus de mouvements privés alors que le traité crée une organisation officielle de l’Europe. 

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L’historien Yves Hersant, dans Histoire de l’idée de l’Europe, sur France Culture, explique que le Conseil de l’Europe lance alors un appel à projet pour adopter un drapeau. Une centaine de dessins ont été présentés mais, selon Yves Hersant, aucun ne remplit l’ensemble des critères imposés. La lettre E, le soleil levant, le triangle et la croix sont des symboles qui reviennent souvent mais ils sont écartés. Une étoile sur fond bleu est proposée mais cela rappelle trop le drapeau de l’époque du Congo belge. 

Parmi les propositions, l’alliance du cercle d’étoiles sur fond d’azur revient souvent. Pourquoi ce fond bleu ? Selon l'historien médiéviste Michel Pastoureau, le bleu est depuis XVIIIe siècle, la couleur préférée des Européens. C’est, par ailleurs, “la couleur qui agresse le moins et qui semble la plus consensuelle et la plus neutre”. L’historien rappelle que “tous les grands organismes qui ont des missions planétaires utilisent le bleu”, c’est le cas de l’ONU, de l’UNESCO mais aussi de l’Union européenne. Le cercle des étoiles doit représenter l’union des peuples mais aussi selon Yves Hersant, “la dimension cosmique de leurs espérances”

Initialement, 15 étoiles forment ce cercle raconte l’historien “parce qu’il paraît convenable de rajouter la Sarre aux 14 membres du Conseil”. Cela provoque “une querelle entre la France et l’Allemagne” parce que les Allemands “ne veulent pas que la Sarre soit reconnue comme une entité indépendante” raconte Paul Lévy, ancien directeur de la Presse et de l’Information au Conseil de l’Europe. Le conflit se termine en 1955 avec douze étoiles sur le drapeau car douze est un nombre “symbolique” pour “les mois de l’années, les travaux d’Hercule” mais c’est aussi un nombre “de perfection et de plénitude” pour Paul Lévy. En 1986, le drapeau du Conseil de l’Europe devient celui de toutes les institutions communautaires “soucieuses d’unification” explique Yves Hersant.

Mais au delà de l’histoire officielle du drapeau raconté par Robert Bichet, il y a aussi la polémique déclenchée en 1987 par le dessinateur du drapeau, Arsène Heitz, fonctionnaire au Conseil de l’Europe. Dans la revue intégriste catholique Magnificat, il déclare qu’il a dessiné un cercle d’étoiles comme celui qui figure sur la médaille miraculeuse de Marie pour faire plaisir à sa mère, fervente catholique. Le drapeau européen emprunte-t-il à l'imagerie catholique ? Car il y a aussi cette image de la vierge Marie avec une couronne de douze étoiles d’or au dessus de la tête qui apparaît dans la Bible. La controverse née, le Canard Enchaîné s’en empare et elle est relancée en 2017 par Jean-Luc Mélenchon, à son arrivée à l’Assemblée nationale. Cependant pour l’historien Yves Hersant, il est difficile de répondre à ce genre de polémique. Il affirme “qu’il ne suffit pas d’expliquer par exemple que le nombre douze est tout aussi riche symboliquement chez les païens” pour mettre fin à la polémique. L'historien rappelle aussi que Paul Lévy, l’ancien directeur de l’information et de la Presse au conseil de l’Europe a écrit “une lettre argumentée et précise” dans laquelle “il a expliqué la laïcité de son projet”.

Yves Hersant estime que si le drapeau européen est tant un objet d'interprétation, c'est parce qu'il a été créé “dans un autre contexte” et qu’il “ne suscite pas l’émotion”. L'historien affirme que le cercle signifie aussi “un refus de l’ouverture” et que s’il représente une couronne, “c’est un symbole politique obsolète”. Selon lui, et contrairement au drapeau des États-Unis, le drapeau européen n’a pas su évoluer et “il reflète un groupe d’Etats qui fait passer la politique et le commerce avant la société et la culture”. Les étoiles d’or “ressemblent beaucoup plus à un logo qu’à un étendard”. Yves Hersant conclut : “l’idée d’Europe est beaucoup plus riche que le drapeau européen ne permet de le supposer”.

"Unité dans la diversité", devise inventée par de jeunes Luxembourgeois

La devise de l’Europe, “Unité dans la diversité”, a été inventée lors d’un concours proposé en 1998 par un journaliste de Ouest-France, Patrick La Praie, en lien avec le Mémorial pour la paix de Caen et avec France Télécom. Ce concours est ouvert aux étudiants européens et il est relayé dans 40 quotidiens européens. Plus de 2 000 devises écrites par 80 000 jeunes sont envoyées, explique Carlo Curti Gialdino, professeur de droit international à l’Université de Rome. L’ancien référendaire à la Cour de justice des Communautés européennes a écrit un livre sur les symboles de l'Europe. Il raconte que le jury présidé par Jacques Delors opte finalement pour la devise “Unité dans la diversité”, pensée par de jeunes Luxembourgeois. 

Jacques Delors, ici en mai 2000, a présidé le jury qui a abouti à la devise de l'Europe
Jacques Delors, ici en mai 2000, a présidé le jury qui a abouti à la devise de l'Europe
© Getty - Daniel SIMON/Gamma-Rapho

La devise est officiellement adoptée dans l’enceinte du Parlement européen le 4 mai 2000 à Bruxelles. Avec une version latine, "In varietate concordia", prononcée par la présidente de l'institution, Nicole Fontaine_._ Mais cette devise a déjà été utilisée par le passé, notamment dès les années 60 par des historiens et des hommes politiques pour parler de l’Europe. “Unité dans la diversité” est également la devise nationale de l’Indonésie et de l’Afrique du Sud.

Une journée européenne pour se souvenir de la déclaration de Robert Schuman

Le 9 mai est choisi pour devenir la fête de l’Europe lors du Conseil européen de Milan en juin 1985. La date n’a pas été choisie par hasard : il s’agit de se souvenir de la déclaration de Robert Schuman le 9 mai 1950. Dans son discours, le ministre des Affaires étrangères français de l’époque propose la création d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier pour la mise en commun des productions, ce qui est considéré comme le lancement du processus d’unification de l’Europe.

L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait.         
Robert Schuman

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L’idée d’une journée de l’Europe est née dix ans plus tôt selon Carlo Curti Gialdino. Dans son livre, Les Symboles de l’Union européenne, il explique que Valéry Giscard d’Estaing avait déjà proposé une journée pour symboliser la fondation de l’Europe à l’occasion du 25e anniversaire de la déclaration Schuman, en 1975, mais sans aboutir à une décision. Il faut attendre le 9 mai 1986 pour que certains pays européens organisent des festivités pour l’Europe, mais pas partout note Calo Curti Gialdino. La journée du 9 mai est fériée pour les fonctionnaires des institutions et des organes communautaires mais cela n’est pas précisé pour l’ensemble des citoyens européens. 

Une monnaie unique depuis 20 ans

L’Euro a été adopté par onze pays européens le 1er janvier 1999 et les premières pièces et billets ont été mis en circulation le 1er janvier 2002. Le nom d’Euro n’a pas été choisi tout de suite. Carlo Curti Gialdino explique que le traité de Maastricht utilisait le terme “écu” pour désigner la monnaie unique. Un terme qui a du sens en anglais puisque c’est l’acronyme de “European Currency Unit” et qui a également du sens en français car il renvoie à la monnaie l’écu. En revanche, “écu” ne désigne rien en Italie et il signifie même à l'écoute “vaches électriques” en allemand avec “e-kuh”. Des débats s’engagent en juin 1995 pour trouver une autre dénomination. Selon le professeur de droit international à l’Université de Rome, la question du nom de la monnaie unique est réglée en décembre de cette même année avec l’adoption du terme “euro” qui rappelle le nom Europe mais sans la dernière syllabe. L’appellation est identique dans toutes les langues officielles.  

La monnaie unique a été adoptée comme facteur d’unification de l’Union européenne. Aujourd’hui, sur les 28 pays membres, 19 d’entre eux et 340 millions de personnes partagent cette monnaie unique au sein de la zone euro. La Banque centrale européenne gère la politique monétaire, elle est la seule à pouvoir émettre l’Euro. Selon Christian Saint-Etienne, professeur titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, invité de l’émission Entendez-vous l’éco sur France Culture, l’Euro est “un succès technique et un échec stratégique”. Un succès selon lui car cette “monnaie existe et elle compte sur le plan international”, c’est aussi un échec car l’Euro n’a pas permis “de créer une zone économique dynamique”.  

Frontières
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Le Reportage de la rédaction
4 min

Un hymne signé Beethoven et Karajan 

Le prélude de l’Ode à la joie, dans le quatrième mouvement de la Neuvième symphonie de Beethoven, a été choisi en 1972 par le Conseil de l’Europe comme hymne européen. Il est adopté en 1985 par les chefs d'État et de gouvernement des États membres. Depuis, il est joué pendant toutes les cérémonies officielles de l’Union européenne. Beethoven a mis en musique le poème de l’écrivain Friedrich Von Schiller “l’Ode à la joie”. Dans ce poème, l’idéal de fraternité et de paix et de solidarité sont exprimés. 

L’arrangement de la version officielle de l’hymne européen qui dure deux minutes a été réalisé par le chef d’orchestre Herbert von Karajan. Une figure de la musique classique "au passé nazi bien gênant" rappelait en 2009 dans une tribune dans Le Monde le musicologue et directeur d'études à l'EHESS Esteban Buch. 

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L'auteur du livre référence La Neuvième de Beethoven. Une histoire politique explique aussi "la ténacité avec laquelle Karajan refusa toute concession sur ce point [ses droits d'auteur], et insista pour que la partition et l'enregistrement se fassent avec ses partenaires de travail habituels, Schott et la Deutsche Grammophon". Pour Libération, le journaliste Pierre Carrey y revenait il y a deux ans. Il évoquait le choix d'Emmanuel Macron, à peine élu, à la pyramide du Louvre, de cette "musique reprise partout depuis sa création en 1824, transformée et vidée de son message de joie et amitié universelles, puisqu’elle a été choisie aussi bien par l’Union européenne que les Nazis, le régime raciste de Rhodésie que l’état du Kosovo à sa création en 2008".

Vers une carte d'identité européenne ? 

Les députés européens ont voté jeudi 4 avril dernier une résolution pour unifier les cartes d’identité. Il en existe actuellement 250 versions différentes pour les 28 pays membres de l’Union européenne. Le texte instaure le principe d’une carte d’identité de format et de couleur identique dans tous les pays. Elle doit également porter un symbole européen, un drapeau européen notamment, en plus des symboles nationaux. La mention de genre sera “optionnelle” selon le rapporteur du texte, l’eurodéputé belge Gérard Deprez. 

Ces nouvelles cartes d’identité devront contenir une photo de la personne mais aussi deux empreintes digitales “comme c’est déjà le cas pour les passeports”, assure le député du groupe des libéraux d’Alde. Pour Gérard Deprez, “il n’est pas question de remplacer les cartes nationales par une carte européenne” ni même de “créer une banque de données des empreintes digitales au niveau national”. Ces nouvelles cartes d’identité “commenceront à être délivrées dans les deux ans après l’entrée en vigueur de ce règlement” pour que dans dix ans toutes les cartes actuellement en circulation soient remplacées. 

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