Tribunes

Elearning 2021 : les 10 tendances à surveiller de près. Par Stéphane Diebold

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Les premiers jours de l'année sont l’occasion de présenter ses bonnes résolutions pour les mois à venir. Nous ne faillirons pas à la tradition et vous donnons matière à réfléchir sur des points de vigilance concernant le e-learning.

Il s'agit de dix signaux plus ou moins faibles qui permettent de penser l’avenir du elearning... De quoi s’agit-il ?

Les datas

Les data sont une culture, une culture de la connaissance. Il s'agit de collecter et d’étudier les données pour connaître les apprenants.  Il est tout de même surprenant que le 21ème siècle soit le siècle des apprenants or nous ne connaissons rien des premiers intéressés. On continue de réaliser des formations en "blind test". Le responsable de formation doit devenir un data scientist, un expert de la science des données, "RGPD friendly". Construire une quantification des comportements des apprenants peut permettre a minima de développer d'une véritable ergonomie du choix. La littérature appelle cela "l’usabilité", c'est-à-dire le fait de faciliter l'utilisation des produits par les apprenants et d’améliorer ainsi l’expérience utilisateur.

Les retours d’expériences existent autour du profilage “one to one”, la personnalisation.

Les pédagogies relationnelles

La formation ne consiste plus à diffuser ponctuellement un produit de formation, mais à penser la formation au sein d'une relation apprenante (une somme de rencontres ponctuelles) avec un historique et un devenir. Chaque formation ponctuelle doit appeler la suivante. La pédagogie devient relationnelle avec des mécaniques comme le “teasing” ou le “binge”, par exemple.

Cette relation qui s’inscrit dans le temps nécessite des périodes de réenchantement pour éviter la routine qui démotive. C’est l’entrée de l’émotion, grande nouveauté du 21ème siècle, dans les pédagogies affectives qui peuvent être ludiques, festives… mais de toute façon extraordinaires. C’est ce que la littérature appelle les LX (Learner Experience) ou parfois "l’effet whaou".

La vidéoïfication

La vidéoïfication - selon le barbarisme de Cisco - représentait plus de 82 % du web fin 2020, notamment si l’on tient compte de l’explosion des classes virtuelles et des visioconférences pendant le confinement. En 2019, une vidéo sur cinq était en streaming. 2020 va amplifier le phénomène, ainsi que le lancement de la 5G avec l’accroissement de la vidéoïfication dans le mobile.

Quelle place donner à cet outil dans nos pédagogies numériques ? Si le "one to on"e (un apprenant regarde une vidéo) était déjà bien développé, on en connait aussi les limites. Aujourd’hui, le "one to few", sur le modèle des classes virtuelles, s’est généralisé au même titre que les "one to many", lives apprenants qui trouvent leur marque. Il s’agit quasiment toujours de pédagogies descendantes, des pédagogies de l’offre... Alors à quand une pédagogie "bottom up", qui redonne la main à la vidéoïfication de l’apprenant ?

Les stories apprenantes

Les stories sont des collections de contenus photos et/ou vidéos qui mettent en avant les moments forts pour l’apprenant avec des punch lines, des stickers, des liens, des “snack content”. Leur force tient au fait qu’elles captent l’attention et favorise l’engagement et la mémorisation de l’apprenant.

Il s’agit de construire une ligne éditoriale et iconographique qui permette d’inscrire la story dans le parcours pédagogique. Pour favoriser le 2.0, les apprenants pourraient devenir des créateurs de stories autour de challenges et favoriser encore davantage la pédagogie de l’engagement.

Les podcasts audios

Les podcasts audios, ou "vox learning", sont des outils pédagogiques particulièrement intéressants, bien adaptés pour les enseignements, comme l’illustre les nombreux podcasts sur Google Podcast ou Apple Podcast. A la différence des vidéos pédagogique, l’absence d’image pousse davantage à la réflexion et à la construction de la pensée.

Les entreprises peuvent commencer par des "voicebot" du type Yelda, startup française qui propose de créer un assistant vocal en 3 minutes grâce à une standardisation. C’est un écosystème qui se construit avec la possibilité de privatiser les flux RSS et donc une possibilité de monétiser des produits de formation. Le Paris Podcast Festival dans sa 3ème édition en octobre 2020 a laissé une place aux podcasts apprenants.

Les communautés apprenantes

Les communautés apprenantes sont la clé de voûte de "l’apprendre seul ensemble" avec une articulation du synchrone et de l’asynchrone : chacun apprend à son rythme avec la dynamique du groupe. Il s'agit tout à la fois d’animer des communs apprenants avec la création d’une ligne éditoriale articulant l’ordinaire, les routines communautaires, et l’extraordinaire, l’événementiel.

Reste à expérimenter la grammaire de ces communautés qui utilise des usages nouveaux. Le sociologue Mc Luhan, en 1964, avait cette belle formule : "Le médium est le message". Les communautés apprenantes ont leurs propres façons de faire de nouvelles formes de formations.

Le Learner Generated Content (LGC)

C’est le "Graal" de l’interaction. Le LGC a pour ambition de redonner la main aux apprenants. Les pédagogues inversent la pyramide de la transmission des savoirs : c’est l’apprenant qui produit le contenu et l’animateur qui réalise la pédagogie pour atteindre les objectifs. Il s’agit, par exemple, de demander aux collaborateurs de filmer leurs pratiques ou leurs questionnements pour construire une pédagogie remontante, et organiser ensuite des produits de formation de type MOOC.

L’avantage de cette pédagogie est qu’elle est plus proche des préoccupations du terrain et permet une acceptabilité plus forte ainsi qu’une meilleure efficacité. Mais elle peut permettre aussi de construire un knowledge management, un lieu de veille pour piloter les connaissances et les compétences de l’entreprise.

Le Learner Satisfaction (LSAT)

Le Learner Satisfaction est un indicateur traditionnel de la formation. L’obligation légale (Article L6362-5 du Code du travail) contraint les organismes de formation à fournir une fiche d’évaluation de la satisfaction des apprenants, le premier niveau de la pyramide de Donald Kirkpatrick. La nouveauté ne tient donc pas dans la nature de l’indicateur, mais dans son usage. Il existe des usages en temps réel, pour évaluer à plusieurs moments fort (et plus seulement à la fin) la satisfaction de l’apprenant pour chacun des différents grains. Mais l’usage peut s’ouvrir aussi au social scoring, créer des indicateurs que chacun peut voir et annoter (fini le LSAT “one to one”) : c’est ce que la littérature appelle le TripAdvisor de la formation.

Le LSAT nouvelle génération est donc un changement culturel. Il s’agit de centrer l’évaluation sur l’apprenant et d'accepter qu’il soit suffisamment adulte pour que sa satisfaction repose sur une acquisition bien comprise des connaissances et des compétences. En clair : sortir l’apprenant de l’infantilisation pour en faire un acteur de sa transformation.

L’immersif apprenant

L’immersif souffre de l’absence d’un écosystème suffisant. 2021 peut être une année qui va changer les choses. Dix ans après l’échec des Google Glass ou celle des Spectacles de Snap, Facebook relève le défi avec ARIA qui devrait être testé en 2021. Et ce n’est pas tout car le réseau social élargit l’écosystème d’Oculus avec le lancement de Facebook Horizon, plateforme spécialisée dans le social gaming virtuel, mais qui pourrait - à l’instar de Twitch - proposer un support pour d’autres activités. On parle même d’un accord entre Apple et Snap pour compléter les acteurs en place. 2021 pourrait être l’année de la démocratisation de l’immersif. Les usages devraient suivre. HTC a déjà lancé en 2020 une plateforme de réunion en réalité virtuelle, VIVE Sync, qui a connu un grand succès avec le  confinement. Qui deviendra le Zoom de la VR ? Pourrait-on paraphraser Mc Luhan en disant que "c’est le média qui fait la formation" ?

Les agents conversationnels formateurs

Regardons la présentation de Samsung au CES (Consumer Electronics Show) de 2020 de Neon : il s’agit d’une modélisation ex-nihilo des micro-signaux pour agents conversationnels. La grande nouveauté, c'est qu'il en est fini de la vallée dérangeante du professeur Mori Masahiro... En effet, il devient possible de construire une empathie artificielle, c’est-à-dire une nouvelle façon de transmettre qui repose autant sur le savoir que sur l’émotion. De nouvelles perspectives s’ouvrent pour les formateurs numériques, surtout si l’on adjoint les progrès sur l’IA et le traitement du langage naturel.

A propos de l'auteur

Stéphane Diebold a mis son expérience au service de l'innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d'association, essentiellement formatives, aujourd'hui Président fondateur de l'AFFEN (Association Française pour la Formation en Entreprise et les usages Numériques).