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Seconde hydrolienne DCNS/OpenHydro du projet de parc démonstrateur hydrolien EDF de Paimpol-Bréhat
© DCNS - Licence : Tous droits réservés

Nous en parlions avec enthousiasme en mai 2016 : les tests d'hydroliennes en mer pendant plusieurs mois avaient apporté toute satisfaction aux équipes de Naval Energies (ex DCNS) et sa filiale OpenHydro qui avait installé deux hydroliennes de nouvelle génération sur le site de Paimpol-Bréhatermes. Une première qui annonçait le déploiement de futures hydroliennes françaises dans différents endroits dans le monde. Et pourtant, le marché en a décidé autrement.

Le 14 juin 2018, OpenHydro inaugurait fièrement la première usine de fabrication d'hydroliennes au monde sur le site de Cherbourg-en-Cotentin (Manche), appuyé par de nombreux partenaires privés et publics. L'usine, d'une capacité de production de 25 hydroliennes par an devait déjà fournir "dans quelques semaines ses deux premières turbines pour le Canada et le Japon. Elle fournira aussi les hydroliennes pour toutes les fermes commerciales en France." indiquait alors Naval Energies.

Une première hydrolienne avait même été déployée et raccordée au réseau par Cape Sharp Tidal en novembre 2016 dans la baie de Fundy, au Canada.

Laurent Schneider Maunoury, Président de Naval Energies et d'OpenHydro avait alors déclaré : « Naval Energies est aujourd'hui en train d'écrire une nouvelle histoire industrielle sur le marché naissant de l'hydrolien. Nous avons la capacité de produire une hydrolienne de 16 mètres de diamètre toutes les deux semaines. La priorité de Naval Energies est d'assurer le succès des projets de démonstration à l'international et de préparer la montée en puissance du projet pilote Normandie Hydro dans le Raz Blanchard. Au-delà, nous avons un besoin urgent de visibilité commerciale et espérons des décisions des Etats, et notamment de la France, pour le lancement d'un appel d'offres pour des fermes commerciales. ».

Cet espoir n'a pas été suffisamment comblé puisque Laurent Schneider Maunoury a annoncé le 26 juillet 2018, la fin de la courte histoire de cette usine qui n'aura finalement jamais fonctionné... Une douche froide et un immense gâchis pour une technologie pourtant pionnière et prometteuse. En effet, à dimension égale, une hydrolienne produit plus d'énergie qu'une éolienne puisque la densité de l'eau est 800 fois plus élevée que celle du vent. Enfin, l'impact visuel est nul ou quasi-nul.

"Notre conseil d'administration vient de décider de mettre fin à nos investissements dans l'énergie hydrolienne. C'est une décision qui n'a pas été facile à prendre, que l'on regrette même, mais il faut préserver les capacités de l'entreprise Naval Energies et ne pas l'affaiblir. Il aurait été déraisonnable de continuer d'investir à perte et nous allons à présent nous concentrer sur les deux autres lignes de produits." A savoir l'éolien flottant et l'énergie thermique des mers.

Comment expliquer ce fiasco ? Par la loi du marché, qui peut être implacable : l'absence de demande pour les hydroliennes, insuffisamment soutenues par l'Etat malgré l'aide de la Banque Publique d'investissement, les enterre (ou les engloutit plutôt). Et pourtant, des commandes fermes avaient été signées par le Canada et le Japon et la France prévoyait l'installation de 100 à 150 mégawatts (MW) d'ici 2028, « soit 50 turbines de 2 MW dans dix ans » relaie Naval Energies.

Mais cela ne suffit pas : le coût des énergies renouvelables plus classique (éolien et solaire) ne cesse de diminuer à la faveur d'investissements massifs tandis que les débouchés commerciaux restent bien trop faibles. Ainsi,, produire de l'électricité à partir d'hydrolienne coûte environ 300 euro le Mwh, c'est le double de l'éolien sur mer !

Paradoxalement, c'est le dynamisme et la bonne santé du marché des énergies renouvelables qui tue dans l'oeuf des formes d'énergie (y compris renouvelables) moins compétitives.
"La dégradation de la situation du marché, en France et dans le monde tout au long de ces derniers mois, s'est traduite par une absence de perspectives commerciales qui ne nous permet pas de financer seuls plus longtemps le développement des activités hydroliennes. Dans ces conditions, il devenait déraisonnable de poursuivre les investissements car cela aurait conduit à un épuisement des ressources de l'entreprise et donc in fine à l'affaiblissement de Naval Energies", a précisé Laurent Schneider Maunoury.

Les conséquences sont significatives mais aussi symboliques : OpenHydro a été placé en liquidation judiciaire, 260 millions d'euro ont été gâchés et une centaine d'emplois ne sera pas créée. C'est aussi probablement la fin de l'aventure commerciale des hydroliennes françaises... Toutefois, l'usine pourrait être reconvertie pour d'autres activités comme l'intégration de data-centers sous-marins.

Le 14 février 2019, l'hydrolienne de 800 tonnes et 16 mètres de diamètre a été vendue pour seulement 1 000 euro dans la salle des ventes de Cherbourg...

La France dispose du deuxième gisement européen d'énergie pouvant être générée à partir des courants marins. Selon une étude prospective de RTE de janvier 2013, le gisement hydrolien français a un potentiel théorique exploitable estimé de 3 à 5 GW selon les sources. Il se concentre dans le Cotentin et en Bretagne nord, sur quelques sites où l'onde de marée est amplifiée par la configuration des côtes (détroits, caps, goulets) : le Raz Blanchard principalement, et dans une moindre mesure, le Raz Barfleur et, près d'Ouessant, le Passage du Fromveur.


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Questions / réactions (9)


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PourlebiencommunIl y a 4 ans
La décision du gouvernement de ne pas soutenir ce fleuron français en devenir est proprement scandaleux. On comprend bien que les intérêts en jeu pour les éoliennes étaient en opposition. Quand on sait que les éoliennes ne sont absolument pas une réponse à la transition énergétique, qu’elles coûtent très cher pour peu d’efficacité ( contrairement aux hydroliennes) et qu’elles enrichissent des industriels étrangers le tout payé par le contribuable français, je crois que l’on peut parler de scandale d’état !
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Jlpdiam1@gmail.comIl y a 4 ans
Bonjour. Nous sommes une sté installé en Afrique de l'W. Nous travaillons directement avec certains Gvt. Comme vous le savez il y a un fort déficit d'énergie électrique dans nos pays. Nous sommes très intéressés par le développement de l'énergie hydrolienne car les barrages coûtent chers nuisibles pour l'environnement etc. Etc.-
À vous lire il semblerait que vous n'arrivez pas à développer ce moyen de fabrication de l'énergie fluviale alors que nous n'arrivons pas à trouver une entreprise qui accepte de venir en Afrique afin de participer au développement de ce continent et des pays qui le constitue. Nous souhaitons travailler avec une entreprise française.
SI CELA VOUS INTÉRESSE CONTACTEZ NOUS
jlpdiam1@gmail.com. Merci à l'avance
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Jean-François Jean-FrançoisIl y a 5 ans

L'hydrolienne est l'une des rares sources d'énergie dites alternatives qui produit 24/24, avec très peu de fluctuations, lorsqu'elle est immergée dans un courant marin. A ne pas confondre avec les hydroliennes de littoral ! Du point de vue fiabilité mécanique et MTBF entre révisions techniques c'est aussi la plus rentable

On ne peut pas en dire autant des éoliennes ....., et encore moins des centrales houlomotrices.

Mais quand on veut tuer son chien ....!!

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BaroqueIl y a 5 ans
 En termes de puissance Un M3 d'eau représente  100O fois un M3 d'air ,et on encourage le lobby éolien tandis que les hydroliennes se voient mises au placard ! Les intervenants ont bien dénoncé mes causes profondes de ce gâchis.
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Stef65Il y a 6 ans

Eh oui, " le marché en a décidé autrement. "  

OpenHydro était fière d'être la première au monde … cette entreprise a développé et mis au point une technologie intéressante, mais manque de bol, "le marché" n'en veut pas. 

L'étude de marché aurait-elle été bâclée ? Peu importe, on remballe tout et on fait autre chose. Et peu importe ce qu'on va désormais fabriquer, pourvu que cette fois ça se vende bien sur "le marché". Et puis on ne peut pas se permettre d'accumuler les erreurs de ce genre, tout le monde sait que l'emploi va mal, le pouvoir d'achat aussi etc. alors il faut INNOVER ! Innover, faire du neuf avec du vieux ! Mais cette fois laissons tomber les vieux moulins à eau et à marée.

OpenHydro est une filiale de Naval Energies, ex entreprise étatique, la DCN devenue DCNS. On connaît les stratégies visant à démanteler les secteurs publics, comme ici les anciennes constructions navales de la Défense. Et aujourd'hui nous voyons où tout ça nous a mené, nous pouvons faire le bilan de ces "impératives"  restructurations, "modernisations", qui nous promettaient monts et merveilles  : " une simple loi économique : l'absence de demande pour les hydroliennes " … et patatras !  

Si (ma tante…) nous avions une véritable politique énergétique axée sur les énergies dites "renouvelables", alors l'État y mettrait réellement les moyens, à commencer par la renationalisation de tout ce qui touche à l'énergie. On ne regarderait pas alors ce que  ça coûte, si c'est rentable ou pas, disons plutôt si ça rapporte un max aux actionnaires, ou pas, on se foutrait de ces " lois" économiques à la con et on se contenterait tout simplement de faire. De faire ce qu'il FAUT faire !  

Mais non, au contraire, ON préfère laisser ça entre les mains du privé, parce que c'est bien connu l' État ne sait pas gérer, ni innover, et ON nous dit que "la pression de la concurrence incite à l'innovation"  etc. etc. C'est c'là oui !  Comme je dis, la pression ON me la mets pas, je la bois ! 

Posons-nous la question,  c'est quoi "le marché" ( Le Marché ) ? Et puis, à quoi ça sert Le Marché ? 

Nous  pouvons déjà dire que Le Marché n'a rien à voir avec les besoins (réels) ni avec l'intérêt commun. Le Marché est une foire d'emploigne où règne la loi du plus fort, faut dire "la con-currence" . En réalité Le Marché sert seulement des intérêts privés, et pas n'importe lesquels.  Chacun sait que nous sommes dans une économie de marché (libre et non faussé, Ahahahah !!), autre façon de nommer Le Système, le Capitalisme pour ne pas le nommer. 

Ps : « Collectivement, quelles que soient les époques, il y a des moments ou les décisions doivent être prises »... Quand je pense que c'est notre premier sinistre qui nous chante cette chanson … Ahahah !! 

  
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