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Ceta, Mercosur: les agriculteurs vent debout contre les traités de libre-échange

Durant une mobilisation d’agriculteurs, au Mans, début juillet. JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP

Ce mercredi, la Coordination rurale organise un rassemblement contre la ratification de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. Une action qui s’inscrit dans le cadre de la mobilisation d’organisations représentatives des agriculteurs et éleveurs contre les accords de libre-échange.

Semaine chargée pour les agriculteurs. Ce mercredi, deux accords de libre-échange décriés se trouvent sous le feu des projecteurs: le Ceta, d’une part, qui unit l’Union européenne et le Canada ; et l’accord unissant les vingt-huit et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Venezuela) d’autre part. Le premier, dont l’examen a été reporté, doit être voté par les députés à l’Assemblée nationale mardi prochain, quand le second est l’objet de critiques de plus en plus fortes depuis son annonce par la Commission européenne, fin juin, et a été étudié au Sénat dans la matinée.

Pour sensibiliser les élus du palais Bourbon aux conséquences de la validation du Ceta, les membres de la Coordination rurale se sont rendus devant l’Assemblée pour demander aux «députés de prendre position» contre sa ratification en signant un engagement moral et écrit. Pour eux, un rejet de l’accord montrerait que «la France refuse de voir disparaître son modèle agricole basé sur des exploitations familiales respectueuses des attentes sociétales». Ils étaient «plus de 100 agriculteurs mobilisés», selon la Coordination, appuyés par des élus comme le député (PS) Guillaume Garot.

Car pour les éleveurs, mobilisés aux côtés des agriculteurs, une signature du Ceta serait une «véritable catastrophe économique et sociale»: concurrence «acharnée et déloyale», pression sur les prix entraînant leur baisse aux dépens des producteurs, importations massives de produits de moins bonne qualité, uniformisation progressive des produits... La Coordination rurale met en garde contre la mise en danger de l’agriculture française, incapable de résister, selon elle, aux coups de boutoir assénés par les traités de libre-échange. Elle appelle donc à l’instauration d’un «principe d’exception agriculturelle», sur le modèle de «l’exception culturelle française», pour éviter de voir disparaître la paysannerie, engloutie par la concentration de productions industrielles.

La mobilisation de la Coordination rurale intervient au lendemain de celle de la Confédération paysanne, qui a elle aussi appelé à un rassemblement devant l’Assemblée, mardi soir, pour «interpeller les députés». Cette action s’inscrit dans le cadre plus large de l’engagement du collectif Stop TAFTA/Stop Ceta, dont fait partie la Confédération, aux côtés d’associations comme Attac France, Greenpeace ou l’UFC-Que choisir et de plusieurs syndicats comme la CFTC, la CFE-CGC et la CGT. Dans une lettre envoyée début juillet aux députés, les membres de ce groupement s’adressent conjointement aux élus leur «demander solennellement de ne pas ratifier le Ceta».

L’accord avec le Mercosur, seconde pomme de discorde

Le traité avec le Canada n’est toutefois pas le seul objet de l’ire des producteurs. Mercredi matin, le groupe d’études Agriculture et alimentation du Sénat a reçu les représentants des principales filières agricoles touchées par l’accord conclu avec le Mercosur, afin de recueillir leurs inquiétudes et observations. Bétail, volaille, porcs, lait, sucre, miel… Plusieurs secteurs ont trouvé là l’occasion de rapporter leurs doléances. «On ne peut pas protéger nos normes européennes au travers des accords de libre-échange», a notamment déclaré Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB).

Comme pour l’accord avec le Canada, les producteurs hexagonaux s’inquiètent d’un traité de libre-échange remettant en cause «notre agriculture […], notre alimentation, la santé des consommateurs et nos engagements climatiques». Pour la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), rejointe par les Jeunes agriculteurs (JA), les exploitations françaises ne peuvent se montrer compétitives face à leurs semblables d’Amérique latine, bien plus importantes et moins encadrées. Les associations dénoncent «l’incohérence totale de la politique commerciale» européenne, et considèrent que les producteurs français seront les premières victimes de ce texte.

Une contestation vigoureuse et croissante

Depuis l’annonce de la conclusion de l’accord, la contestation ne fait que prendre de l’ampleur, notamment à l’échelle locale: début juillet, des manifestations ont eu lieu dans toute la France, d’Aurillac au Mans en passant par Lille ou le Tarn. Des responsables politiques de tous bords ont rapidement joint leur voix aux producteurs, du Parti socialiste aux Républicains en passant par le député Jean-Baptiste Moreau, membre de la majorité LREM. Tête de liste EELV aux européennes, Yannick Jadot a ainsi critiqué la «duplicité» d’Emmanuel Macron, quand le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, dénonçait mi-juillet un accord «d’un autre temps»: «Notre puissance agricole s’érode et voilà que la Commission européenne, avec la complicité sinon la passivité du gouvernement français, se propose de l’affaiblir davantage», s’insurgeait-il dans nos colonnes.

Face à cette colère croissante, la majorité se montre «vigilante», selon les mots du ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume. La semaine dernière, Emmanuel Macron a exprimé des «interrogations» sur les conditions «environnementales, sanitaires» et ayant trait aux «filières sensibles» de l’accord avec le Mercosur. Le gouvernement se montre cependant plus optimiste quant aux effets du Ceta, entré en vigueur de manière provisoire il y a deux ans pour la partie commerce qui relève de la compétence exclusive de la Commission européenne. Sur ce dernier point, l’exécutif français défend un «bilan très positif» pour les producteurs, avec des exportations en hausse de 8% pour les fromages et produits laitiers entre septembre 2017 et juillet 2018, par exemple.

La Commission européenne est elle aussi montée au créneau pour rassurer les consommateurs, en promettant qu’aucun produit du Mercosur ne pénétrerait dans l’Union sans respecter «les normes alimentaires de l’UE». Dénonçant les «informations erronées» circulant sur l’accord, le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, a notamment expliqué que Bruxelles prendrait des mesures jusqu’à un milliard d’euros si l’accord perturbait certains marchés agricoles internes. Il n’est pas certain, toutefois, que ces éléments encourageants suffisent à apaiser les craintes des agriculteurs et défenseurs de l’environnement, qui sont bien décidés à ne rien lâcher.

» VOIR AUSSI - Réchauffement climatique: la faute au libre-échange?

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630 commentaires
  • Lohan

    le

    Il suffit de comparer le cheptel bovin français qui se situe autour de 8 millions de bêtes toutes productions confondues et le cheptel brésilien qui est de 220 millions de têtes... Avec des coûts de production bien plus bas puisque ce sont des grands domaines de plusieurs milliers d'hectares, voire plus, qui produisent la viande avec de bas salaires... ( source: https://www.beefpoint.com.br/ibge-rebanho-de-bovinos-tinha-21823-milhoes-de-cabecas-em-2016/)

  • Lets go Brandon

    le

    Les bons produits canadiens on les trouve déjà facilement dans les bonnes boutiques,mais leur bœuf aux hormones leur saumon ou leur maïs transgénique qu'ils les garde.

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