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Chronique

La spirale infernale de la taxe Gafa à la française

LE CERCLE - La taxe Gafa adoptée par le Parlement français en juillet dernier est supposée mettre fin à une injustice fiscale. Elle génère en réalité une kyrielle d'effets pervers, estime Cécile Philippe.

En créant un nouvel impôt de production, la France renforce un travers français qui pénalisera ses entreprises et ses consommateurs.
En créant un nouvel impôt de production, la France renforce un travers français qui pénalisera ses entreprises et ses consommateurs. (Lionel BONAVENTURE/AFP)

Par Cécile Philippe (présidente de l’Institut Molinari, chroniqueuse aux « Echos »)

Publié le 16 sept. 2019 à 06:00Mis à jour le 16 sept. 2019 à 09:47

La France a déployé d'intenses efforts depuis 2017 afin de mettre en place une taxation des « géants du numérique ». Définitivement adoptée le 11 juillet dernier par le Parlement français, elle impose à hauteur de 3 % le chiffre d'affaires . Calculée en amont des bénéfices, elle s'assimile à un impôt de production. Supposée mettre fin à une injustice fiscale, elle génère une kyrielle d'effets pervers.

Tout d'abord, s'agissant de la fiscalité réellement supportée par les grands du numérique américain - Google, Apple, Facebook et Amazon - l'analyse des résultats est sans appel. Elle montre qu'ils se sont acquittés de 24 % d'imposition sur leurs bénéfices mondiaux durant les cinq et dix dernières années. Ce niveau de fiscalité est légèrement supérieur à la fiscalité moyenne constatée dans l'OCDE.

Ensuite, en créant un nouvel impôt de production, la France renforce un travers français qui pénalisera ses entreprises et ses consommateurs. En vertu de la théorie de l'incidence fiscale et de la position des géants du numérique, le coût économique de la taxe sera en grande partie reporté sur d'autres acteurs, consommateurs ou partenaires commerciaux français et européens. Amazon, dont les marges commerciales ont été inférieures à 3 % sur les dix dernières années, a annoncé une hausse des tarifs appliqués aux vendeurs de sa plate-forme.

Cette taxe, qui touche de grandes entreprises américaines, a suscité des réactions très vives aux Etats-Unis et des menaces de représailles à l'égard du vin français. Ce genre de menace n'est pas à prendre à la légère, le marché du vin étant très concurrentiel. Le Jugement de Paris, dégustation organisée à l'aveugle en 1976, a montré que les vins américains rivalisaient sans difficulté avec les vins français. Depuis, la concurrence s'est accrue avec la montée en puissance de l'Australie et de l'Afrique du Sud.

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Une telle menace ne pouvait pas être ignorée. Si bien qu'Emmanuel Macron a promis de supprimer la taxe lorsqu'un accord aura été trouvé au niveau des pays de l'OCDE. Plus encore, « tout ce qui aura été versé par les entreprises en excédent par rapport à la solution internationale viendra en déduction pour les entreprises », a précisé Bruno Le Maire. Une vraie politique à courte vue. Pour compenser la taxe numérique française, on promet d'indemniser les grands acteurs du numérique, en oubliant que l'incidence économique de la nouvelle taxe repose sur les entreprises et les consommateurs français.

Pis, la réforme promue par l'OCDE pourrait pénaliser structurellement nos finances. Le choix d'imposer plus les entreprises là où leurs produits sont consommés réduira l'impôt rapatrié en France par nos entreprises exportatrices. Rien qu'en 2018, les sociétés du CAC 40 se sont acquittées de 33 milliards d'euros d'impôts au titre de leurs bénéfices mondiaux. La France a été le premier bénéficiaire de cette manne qui diminuera si des grands pays, tels la Chine ou l'Inde, en captent une plus grande partie. Un scénario que prend au sérieux la Cour des comptes dans un récent référé, soulignant que, faute de disposer d'analyses d'impact sérieuses, nos décideurs publics avancent « à l'aveugle » sur ces sujets stratégiques.

Au final, la taxe Gafa est exemplaire de la mauvaise taxe. Cet impôt de production, mal pensé, renforce un travers français et nous piège dans un cercle infernal risquant de coûter plus qu'il ne rapportera.

Cécile Philippe est présidente de l'Institut économique Molinari.

Cécile Philippe

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