“L’impôt minimum mondial pour les sociétés arrive”, proclame la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Jeudi 1er juillet, l’Organisation de coopération et de développement économique a annoncé que 130 de ses 139 membres avaient trouvé un accord sur une réforme fiscale mondiale qui pourrait générer 150 milliards d’euros de revenus supplémentaires par an dès 2023, rapporte le quotidien allemand.

Le ministre fédéral de l’Économie, Olaf Scholz, a vanté “un pas colossal vers plus de justice fiscale”, pendant que son homologue français, Bruno Le Maire, a salué le “plus important accord fiscal international depuis un siècle”. Même enthousiasme chez Janet Yellen, la ministre des Finances américaine, célébrant “un jour historique pour la diplomatie économique”.

Le cadre validé comporte deux piliers, un taux d’imposition minimal de 15 % pour les multinationales – une proposition des États-Unis, note le New York Times – ainsi que l’obligation pour les géants de l’Internet de payer des impôts dans les pays “où leurs biens et services sont vendus, même s’ils n’y ont pas de présence physique”, précise le Times. Un accord d’autant plus “remarquable”, ajoute le quotidien, que l’Inde, la Chine et la Russie ont accepté d’y prendre part, alors que les trois puissances ont toujours fait preuve de méfiance sur le sujet.

“Après des années de progrès à pas de tortue, l’organisation des pays les plus industrialisés du monde a réussi à forger un accord qui sera déterminant pour l’architecture fiscale et commerciale mondiale”, considère El País, rappelant que “l’OCDE travaille depuis plus de sept ans sur un système permettant aux grandes multinationales de payer des impôts là où elles font des affaires et non là où c’est moins cher pour elles”. Pour le journal espagnol, “la dynamique du G7, qui a trouvé un accord le mois dernier, “a été décisive”.

Le succès de l’opération doit beaucoup au “leadership de la nouvelle administration américaine” et à “la persévérance des institutions européennes”, poursuit El País.

L’impact de la pandémie

Une analyse en partie confirmée par la BBC. Selon le média britannique, les discussions avaient perdu peu à peu en intensité, “reflétant le manque d’enthousiasme des États-Unis” pour les solutions proposées mais “tout a changé avec la nouvelle administration”. Janet Yellen a notamment dénoncé des décennies de “course par le bas” sur le taux d’imposition. Une course sans vainqueur, dit-elle, privant des pays comme les États-Unis de fonds pour l’éducation ou les infrastructures. D’où l’expression utilisée par Joe Biden et relevée par CNBC de “politique étrangère pour les classes moyennes”.

Le contexte a également pu jouer un rôle dans l’accélération des négociations, suggère le Washington Post. Le quotidien souligne que les gouvernements du monde entier ont dépensé 16 000 milliards de dollars pour faire face à la pandémie. Et puisque, depuis 1980, la taxation moyenne des sociétés est passée de 46 à 26 %, indique le Post, les États ont trouvé une piste pour récupérer l’argent dont ils vont avoir besoin.

Il n’est pas sûr que tous les pays concernés pourront aller au bout de leur démarche, prévient le Wall Street Journal. Si de nouvelles discussions auront lieu au G20 en Italie dans quelques jours, certaines nations – dont les États-Unis – doivent passer par leur parlement pour modifier leur régime fiscal, “ce qui est loin d’être acquis” pour les Américains, les républicains ayant déjà soulevé des objections sur l’accord.

Par ailleurs, comme le remarque El País, depuis des années, “l’Europe a vu ses plans frustrés parce que l’ennemi était chez elle”. En particulier l’Irlande, paradis fiscal au cœur de l’UE, qui comme l’Estonie, la Hongrie, le Pérou, le Kenya ou le Nigeria, n’a pas signé l’accord. Le pays, qui pratique un taux de 12,5 %, perdrait 2 milliards d’euros par an si la réforme venait à s’appliquer, d’après l’Irish Times.