ARTE – DIMANCHE 24 OCTOBRE À 18 H 00 – DOCUMENTAIRE
Si le remarquable documentaire L’Œil, le pinceau et le cinématographe, de Stefan Cornic, était une série télévisée, on dirait qu’il s’apparenterait au genre dit « choral », ou « polyphonique ». Et ses personnages principaux seraient les trois que nomme le titre, ainsi que le chemin de fer, qui y fait davantage que de la figuration.
Ce film, à l’angle d’attaque à la fois large et singulier, raconte comment les divers médias artistiques et les progrès techniques du XIXe siècle ont créé des lignes directrices et fondatrices qui, ainsi que dans un contrepoint musical, s’exposent, se superposent, se croisent, s’imitent et se combinent.
Le tout placé dans le cadre de la ville moderne, en particulier le Paris haussmannien, alors qu’il se dessine et dont la photographie documentaire, comme celle d’Henri Rivière, également graveur et peintre, fixe la transformation, les travaux gigantesques et les mouvements de ses habitants.
Les Expositions universelles parisiennes créent une « ville spectacle », où l’on est vu et d’où l’on peut voir : sur « le plus haut belvédère du monde » qu’est la tour Eiffel, en 1889, ou, au sol, sur le fameux trottoir roulant de l’Exposition de 1900. De même, le train et le cadre que constituent ses fenêtres – dont l’artiste Tacita Dean dit qu’elles sont un « médium précinématographique » – créent les conditions de ce que Louis Lumière appelait une « vue photographique animée ».
Variations sur un même sujet
Le chemin de fer, point de vue essentiel dans la « spectacularisation du monde », devient aussi point de mire et sujet chez J. M. W. Turner, auteur de la fameuse toile Pluie, vapeur et vitesse (1844). Claude Monet, avec sa série de douze toiles de La Gare Saint-Lazare (1877), inaugure une « pratique sérielle », selon les termes de Paul Perrin, conservateur au Musée d’Orsay, dont le cadrage et la lumière varient.
Gustave Caillebotte est lui aussi connu pour ses toiles du nouveau Paris haussmannien et pour ses points de vue plongeants, avec des personnages représentés sur des balcons, des ponts ou près de fenêtres, qui sont autant de loges surplombant le théâtre de ce nouvel urbanisme. Ce trait allait influencer la photographie et le cinéma (Martial Caillebotte proposera d’ailleurs la réinterprétation photographique de certains tableaux de son frère).
La série des Cathédrales de Rouen (1892-1894) de Monet – sorte de pellicule déroulant les variations sur un même sujet, peintes parfois au fil des heures d’une seule journée – a-t-elle influencé le cinéma ? Le documentaire l’envisage, sans franchir le pas. En tout cas, le cinéma mettra en mouvement de fameux tableaux historiques et, au moment où « l’esprit du temps va vers l’analyse des phénomènes », ainsi que le dit Paul Perrin, les images décomposées et recomposées d’Eadweard Muybridge influenceront, à l’inverse, certains peintres.
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